Procès de Christian Tommasini : “comme tous les racistes, vous avez un ami arabe”
Christian Tommasini comparaissait ce vendredi devant le tribunal judiciaire de Marseille, suite aux révélations de Marsactu sur ses propos racistes tenus durant un conseil portuaire en février dernier. Il y avait notamment déclaré que "le jour où il faudra s'armer, (il) serait le premier à aller faire de la ratonnade". Compte-rendu d'un procès durant lequel un témoin, victime d'une agression raciste, a redonné du poids aux mots.
Procès de Christian Tommasini : “comme tous les racistes, vous avez un ami arabe”
“Ratonnade”. De tout le long monologue raciste tenu par Christian Tommasini lors du conseil portuaire du 22 février dernier, et qui l’amène aujourd’hui sur le banc des accusés du tribunal correctionnel de Marseille, c’est le mot qui a probablement le plus marqué, le plus choqué. L’intéressé persiste et signe : comme pendant son audition par la sûreté départementale durant l’enquête qui a fait suite à nos révélations, il dit qu’il ne connaissait pas la signification du mot.
À la barre, face à l’insistance de la présidente, l’ancien président du Yachting-club de la Pointe-Rouge explique : “J’ai grandi à La Cayolle. Pour moi, ratonnade, c’était la bagarre avec le quartier d’à côté.” Comme beaucoup, la juge est sceptique : “Vous avez dit vouloir être le premier à vous armer, ça laisse entendre que vous connaissiez la signification du mot, non ?” S’en suit une explication brouillonne : il se définit lui-même comme une “grande gueule”, un “méridional” qui n’a jamais eu l’intention de passer à l’acte. Qu’il souhaitait simplement attirer l’attention de la métropole sur une situation dangereuse sur le port de la Pointe-Rouge, dont il était responsable en tant que président de la structure délégataire de service public.
Khaled Cid, victime de ratonnade, témoigne
Ratonnade, ce n’est pas qu’un mot pour Khaled Cid, qui se présente à la barre en tant que témoin. Il intervient sur proposition de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme, partie civile comme quatre autres associations. C’est le mot qu’il choisit lui-même pour caractériser l’agression dont il a été victime en janvier dernier, dans sa ville de Besançon. Ce soir-là, il sort d’une réunion tardive, vers 21 heures. “Je suis entrepreneur, j’ai l’habitude de porter un costume. C’est là que j’ai croisé cet homme, qui fait bien deux mètres. Il a dit : “Un arabe en costard, je vais me le faire. Je vais te buter, sale arabe.”“
Khaled Cid doit son salut à une caméra qui a enregistré tous les faits, et qui a provoqué l’intervention rapide d’une patrouille de police. “Je n’ai pas pu me défendre, il est tellement plus grand que moi… J’ai pris des coups sur la tête, je suis tombé au sol et j’ai continué à en prendre. Mon épaule a été fracturée, et je croyais que c’était la fin, que j’allais mourir juste parce que j’étais un arabe”. Émotion contrastée avec celle qu’il décrit à peine une semaine plus tôt : “Je sortais du plus beau jour de ma vie : je venais d’avoir un bébé.” Si ce dernier raconte son traumatisme très dignement, il est ému lorsque la question lui est posée de savoir ce qu’il a ressenti à l’écoute des propos de l’accusé : “J’ai imaginé des gens comme mon agresseur qui se confortent dans ces propos.”
Tommasini : “J’ai pété un câble”
Durant ce témoignage, Christian Tommasini est aux premières loges. Il apparaît pour la première fois tête baissée. Alors qu’il risque un an de prison et une amende de 45 000 euros pour provocation à la haine raciale, Christian Tommasini s’était auparavant montré fidèle au personnage qu’il décrit. Plus tôt dans la matinée, il avait fait son entrée dans la salle droit comme un I, entouré de sa famille, des ses amis de l’YCPR et du conseil portuaire. Il s’était même permis un rapide fou rire avec son fils lorsque durant une audience précédant la sienne, il se lève lorsque la présidente demande à l’accusé de se lever.
Quand vient son tour à la barre, lorsque la présidente lui rappelle les propos qu’il a tenus, les mots “melons”, “mouquère”, la violence de ses mots, il reconnaît, sans trembler : “J’ai peté un câble. J’ai voulu sensibiliser la métropole, et j’ai fait un amalgame de tout.” Des propos que personne ne cherchera à justifier. Pas même la défense : lorsque son avocat Jean Boudot commence sa plaidoirie, il parle de “propos insupportables, qu’aucun mot qui sortira de la bouche d’un avocat ne pourrait défendre”. Mais pour lui le débat est ailleurs, il s’adresse aux nombreux avocats des parties civiles : “Vous défendez des valeurs sublimes, mais vous ne pouvez pas tordre le droit.”
A l’image de son client, qui, comme durant son audience, comme face au conseil d’administration du YCPR, décrira une nouvelle fois une “réunion entre gens qui se connaissent”, le conseil rapporte la séance du conseil portuaire à une “communauté d’intérêts, qu’on pourrait comparer à des discussions dans un restaurant d’entreprise”.
Des propos privés ou publics ?
Pour l’avocat, la convocation devant le tribunal doit être tout simplement annulée, au mieux se transformer en contravention si l’on reconnaît qu’il s’agit de propos tenus en privé : “La loi dit que les séances du conseil portuaire ne sont pas publiques. Pas le moindre acte d’enquête ne discute ce point.” L’argumentaire ne rencontre pas le succès : après quelques brèves interventions des avocats des parties civiles, du parquet et une délibération rapide, la cour dit qu’elle étudiera cette question en même temps que le fond de l’affaire.
Le fond de l’affaire, c’est donc une provocation à la haine raciale. Pas pour l’ex-président de l’YCPR : “Je ne vois pas quel intérêt j’aurais à attiser la haine… J’ai énormément d’amis issus de l’immigration. Je souhaitais alerter au sujet d’une situation grave sur le parking et sur la mise à l’eau. Tout le monde dans la réunion me connaît, ils savent que j’ai une grosse gueule.” La juge interrompt : “Vous voulez dire que c’est des propos que vous avez l’habitude de tenir ?” “Pas du tout, je cherchais juste à faire réagir”.
Nouvelle interruption : “Monsieur Tommasini, vous participez à ces réunions depuis plus de 20 ans, vous n’avez pas trouvé d’autre moyen de vous faire entendre ?” L’intéressé explique alors qu’il a écrit plusieurs courriers, passé plusieurs appels sans succès. Que ses mots étaient un ras-le-bol, qui avait “porté ses fruits” puisqu’il avait au moins été écouté. Mais qu’ils n’avaient pas de fond : “J’ai conscience que tous les Maghrébins ne sont pas des voyous, j’ai été élevé avec eux. Si quelqu’un m’avait dit d’arrêter, je me serais arrêté.” L’accusé conclut en expliquant les raisons de sa démission de la présidence du YCPR : “Je recevais à peu près 20 ou 30 coups de fil par jour au bureau. Ma démission a vraiment pu détendre l’atmosphère.”
“Je regrette mes propos horribles”
Khaled Cid a finalement choisi de tendre la main : “Être français, c’est porter des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Pas d’être blanc ou arabe, et si mon témoignage a pu aider Christian Tommasini, si je peux continuer à l’aider, je le ferai”. L’intéressé le remercie puis s’excuse une fois de plus : “Je regrette profondément mes propos horribles.”
Pas de quoi émouvoir Alain Lhote, avocat de la Maison des potes, qui interroge :
“Pour ma part je regrette que cet acte de contrition ultime ne soit pas arrivé plus tôt. Pourquoi avoir tenu des propos aussi violents pour dénoncer ? Les mots ne sont pas innocents : ils traduisent un état d’esprit. “Mouquère” par exemple qui définit une prostituée, vous l’utilisez pour parler d’une mère de famille. Votre intention est claire : vous voulez que vos propos soient immortalisés. Vous insistez pour qu’ils soient notés sur le procès-verbal de la séance. Interrogé par les journalistes, vous avez persisté dans ces propos. Comme tous les racistes, vous avez un ami arabe… C’est révélateur, Monsieur Tommasini.”
Un avis partagé par le parquet, qui fait un réquisitoire simple : “Il ne s’agit pas de savoir si Monsieur Tommasini est raciste. Même si lorsque l’on n’est pas raciste, on ne tient pas de propos pareils, et on ne les justifie pas en disant qu’on a un ami arabe. Il le dit lui-même : ces propos constituent une tribune, une manière d’arriver à son but. Toutefois, et sans mauvais jeu de mots, il a un casier blanc.” De ce fait, le parquet requiert trois mois de prison avec sursis et 3 000 € d’amende. Les juges annonceront leur décision le 17 décembre.
Commentaires
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moi je trouve que ce n’est pas cher !
il continuera probablement.
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Comme tous les racistes, vous avez un ami arabe… C’est révélateur,
Merci Maître Lhote,
Je vais m’empresser de virer tous mes amis arabes de crainte de passer pour un raciste trop facile à détecter.
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si t’es pas raciste, tu te sentiras jamais obligé de préciser que t’as un ami arabe.
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Merci pour ce compte-rendu, un proces et des prises de paroles qui remettent bien en perspective la gravité des paroles, qui conduisent à un etat desprit general et des actes ignobles. Même “entre amis” c’est intolérable.
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Procès utile, prophylactique même! Que de fois ai-je entendu, dans la bouche de tel ou tel, des propos similaires à ceux de M. Tommasini et qui ne choquent plus personne. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, à Marseille, dans certaines situations, c’est parfois devenu la norme. Il y a une problématique derrière tout cela, je laisse le sieur Zemmour en faire son miel, mais réagissons, la justice passe et c’est tant mieux.
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euh je ne sais pas où vous trainez mais je n’entends pas de tels propos souvent, et surtout jamais aussi forts avec ces termes répugnants…
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Puisque l individu se justifie par le besoin de “sensibiliser la métropole”, les représentants de la métropole ne devraient ils pas être cités comme témoins ? Ce serait instructif pour un vrai débat sur la banalisation du racisme, d’entendre à la barre comment ils ont entendu et laissé dire.
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clairement… son auditoire a l’air d’être bien coupable de complicité passive…
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un bon blaireau qui votera zemmour pour ne pas être taxé de raciste encore une fois.
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