Pour soutenir le projet de grand hôpital privé, d’anciens patients démarchés par mail

Actualité
le 12 Fév 2019
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D'anciens patients des cliniques Vert-Coteau et Beauregard ont reçu un mail les incitant à soutenir le projet controversé de super hôpital à Saint-Barnabé, qui doit naître de la fusion de ces deux établissements. Problème ils disent n'avoir jamais consenti à un tel usage de leur données personnelles recueillies dans un cadre médical.

Vue d
Vue d'architecte du projet d'hôpital privé (Image DR)

Vue d'architecte du projet d'hôpital privé (Image DR)

C’est ce qui s’appelle mal tomber. Stéphane Mari connaît ça puisque c’est après une mauvaise chute en sport qu’il s’est retrouvé il y a quelques mois à la clinique de Vert-Coteau pour y soigner ses poignets brisés. “À l’époque, je leur ai donné mon mail mais uniquement pour recevoir les résultats de mes examens, explique l’élu municipal apparenté LREM. Pas pour être utilisé à d’autres fins et en particulier pour soutenir un projet d’hôpital privé.”

Il a pourtant été le destinataire d’un mail tout à fait explicite ce dimanche l’invitant à signer la pétition de soutien au projet d’hôpital privé porté par le groupe Sainte-Marguerite. Lancé par ce groupe privé, ce projet de fusion des cliniques Vert-Coteau et Beauregard, pourtant très controversé, a déjà reçu plus de 1700 soutiens sur la pétition mise en ligne, il y a quatre jours.

Et certains d’entre eux font directement référence à leur expérience de patient pour expliquer leur soutien. Effectivement le courriel reçu par Stéphane Mari est très explicite.

Capture d’écran du mail envoyé aux patients des cliniques du groupe Sainte-Marguerite.

Camille a reçu le même durant le week-end. Elle, c’est à Beauregard qu’elle a été hospitalisée. “Le message que j’ai reçu faisait référence à cette intervention. Or, je ne me souviens pas d’avoir donné mon mail après cette opération, ni d’avoir autorisé quoi que ce soit. J’ai vraiment vécu ce message comme une intrusion. Comme si on mélangeait la qualité des soins reçus et le soutien à un projet”.

Preuve s’il en est que cette campagne de communication a été déployée sans filtre, André Poussier l’a également reçu sur sa boîte, samedi. Or, il est un des animateurs du collectif d’habitants contre le projet de grand hôpital. “J’ai subi plusieurs séries d’examen en 2014 à Beauregard. Je n’ai pas souvenir d’avoir donné mon adresse ni mon consentement.” Même chose pour Sophie*, membre du collectif et patiente de Beauregard qui a passé sa semaine à distribuer des tracts contre le projet avant de recevoir le même message, dimanche. “Je suis une patiente régulière. Je ne me souviens pas dans quelles circonstances j’ai donné mon mail. Mais on a tellement de papier à remplir que cela m’étonne pas. En revanche, je suis sûre de n’avoir jamais donné mon consentement pour un autre usage que médical. Je suis très attentive à ce genre de choses.”

“Trace confidentielle liée à mon état de santé”

Hélène est plus précise. Elle se souvient d’avoir donné son mail “au moment de la sortie après une intervention en 2017. Ils demandent les coordonnées complètes.” Elle avait ensuite reçu un questionnaire de satisfaction. “En recevant ce mail dimanche, j’ai trouvé fort déplaisant d’y trouver une trace confidentielle liée à mon état de santé pour un sujet qui n’a rien à voir avec celui-ci”.  Elle ne se souvient pas non plus d’avoir reçu un message concernant le registre général de la protection des données (RGPD) de la part de l’établissement comme elle en a reçu d’autres organismes collecteurs de données.

Sur le site de la clinique Beauregard, une fois passée la page appelant à signer la même pétition, on peut trouver une mention du fameux RGPD. Le directeur de l’établissement y est décrit comme le délégué à la protection des données comme la loi l’y oblige depuis mai 2018. Il est bien précisé que ces données sont d’abord collectées à des fins administratives, médicales ou sociales. Celles-ci peuvent être transmises “à d’autres destinataires” comme “les autorités publiques” sans plus de précision. Mais cette transmission doit se faire “dans le cadre d’un transfert encadré par la loi ou par l’obtention du consentement du patient”. Le directeur en question est Bruno Thiré, patron du groupe établissement Sainte-Marguerite dont le siège social est à Toulon.

La CNIL attend une saisine

Joint par Marsactu, ce dernier n’a pas donné suite à notre demande d’entretien. La commission nationale informatique et libertés (CNIL) n’a pas souhaité non plus commenter ce cas particulier, “en attente d’une saisine” offrant plus de détails sur ce cas précis. C’est bien ce que compte faire Stéphane Mari mais aussi le collectif “Nos quartiers demain” dont certains membres ont reçu le fameux mail. Ils entendent également “déposer plainte, collectivement et individuellement pour atteinte à la vie privée de certains de nos adhérents et détournement de leurs données personnelles”.

En novembre, le commissaire enquêteur avait donné un avis défavorable à l’installation de ce gigantesque hôpital privé sur l’emprise d’un ancien collège, à Saint-Barnabé (lire notre article). À l’origine de l’enquête publique, la métropole avait annoncé vouloir se conformer à l’avis du commissaire. Mais en janvier, le maire Jean-Claude Gaudin a réitéré son soutien en disant vouloir entreprendre “tout ce qui sera nécessaire pour relancer le projet du grand hôpital privé à Saint-Barnabé avec une configuration urbanistique plus adaptée au tissu urbain”. Quelques semaines après ce coup de pouce, le groupe Sainte-Marguerite retourne à l’offensive, non sans se prendre les pieds dans la gestion des données.

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Commentaires

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  1. tj13 tj13

    L’idée du GDPR est noble, son application dans le cas présent est discutable. Le GdPR est censé protéger le citoyen Européen. Ou est le préjudice ? Quel serait à l’inverse le préjudice de ne pas être informé ? Aucun de ses préjudices n’est nul, mais la liberté de l’information (ici celle d’un organisme hospitalier envers ses patients) aurai pu a minima être mentionnée. C’est l’opposition a un projet qui semble déclencher un appel à la CNIL, alors que le fond me semble compter plus avant.

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    • Lecteur Electeur Lecteur Electeur

      La soi disant “liberté d’information” s’arrête là où le lobbying commence.

      Le souci de ces promoteurs et de Gaudin qui les accompagne est-il la santé des malades ou celle de leur propre portefeuille ?

      C’est là que l’on constate que l’argent de la Sécurité sociale et des mutuelles et en fin de compte de la population qui cotise intéresse ces gens là.

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    • Kitty Kitty

      @tj13
      Vous parlez de droit à l’information ???? Mais vous plaisantez !!
      Ou est mentionné l’avis défavorable du commissaire-enquêteur dans son rapport ?
      Ou est mentionné l’avis défavorable de la commission spécialisée de l’A.R.R
      Ou sont les conclusions du commissaire-enquêteur
      Ou sont mentionnés les 28% de pollution supplémentaire (pour votre info, dans le dossier)
      Ou sont mentionnés les 1200 véhicules supplémentaires par jour
      (pour votre info, dans le dossier)
      Ou sont mentionnés les 35000 véhicules de secours par an ?
      Ou est mentionné l’étage V.I.P prévu dans le projet ?
      Ou est mentionné le nombre d’enfants (1200) des écoles et college environnants.
      Cette opération nauséabonde de demander à des anciens patients de signer une pétition, parce que les habitants du secteur se sont révoltés, est d’une bassesse absolue, et c’est bien un détournement de données personnelles, confidentielles, transmises par ces anciens patients dans un cadre strictement médical…..MAIS qui sont détournées dans un cadre strictement COMMERCIAL
      Honte aux élus qui cautionnent !
      Les habitants s’en souviendront !

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  2. Alceste. Alceste.

    Mais bien sûr le droit inaliénable à l informations
    Naïf ou intéressé ?

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    • tj13 tj13

      Ni Naïf (j’ai passé du temps sur le GDPR), ni intéressé (aucun lien avec le projet en question).

      Et oui, BIEN SUR, le droit à l’information est important, aussi.

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    • Assedix Assedix

      Mais qu’est-ce que vous racontez avec votre droit à l’information!?
      Il s’agit de rameuter d’anciens patients pour leur faire signer une pétition qui valide leur stratégie d’entreprise. A ce compte là, EDF peut envoyer à tout le monde une pétition pour l’EPR, la SNCF pour justifier des fermetures de lignes, etc.
      On ne peut quand même pas raconter n’importe quoi!

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    • barbapapa barbapapa

      RGPD ist mehr französisch

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  3. 9zéros 9zéros

    Il y a quelques années une personne bien intentionnée qui briguait la mairie de secteur en question avait fait de même en récupérant les adresses mails de l’école maternelle pour annoncer ses meetings à venir.
    C’est tellement simple de pouvoir toucher tant de gens à partir de quelques clics…

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  4. Laurent Laurent

    L’utilisation d’adresses mail récupérées pour un autre usage est inadmissible.
    De plus la campagne menée par les promoteurs de cet hôpital privé est tristement haineuse.
    Dans le texte de leur pétition, qui n’est en rien une pétition spontanée de citoyens mobilisés sur une question d’intérêt général, on lit “Aujourd’hui, ce projet est remis en cause par quelques riverains qui cherchent à tout bloquer, au détriment de la santé des habitants du 12ème arrondissement, de la ville de Marseille et de la Métropole.
    Nous avons besoin de votre aide pour montrer le soutien populaire de ce projet dans l’intérêt de tous. Nous devons démontrer que les plus nombreux ne sont pas les opposants ultra-bruyants.”
    Étrange façon d’enjamber les motifs de l’avis défavorable du commissaire enquêteur! l’enquête publique n’est même pas évoquée!
    Alors tout peut se défendre mais pas n’importe comment, surtout lorsqu’il s’agit de construire une structure privée aussi importante sur un terrain actuellement propriété de la commune.
    N’y a-t-il pas d’autres lieux d’implantation possibles?
    Quels sont les intérêts des uns et des autres dans cette histoire?

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  5. barbapapa barbapapa

    “Hôpital” (santé publique) et “Privé” (fric pour quelques uns) sont deux mots discordants, un oxymore, les vrais financiers de ce projet ne seraient pas les marlous copains de Gaudin, mais la Sécurité Sociale et ses cotisants

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  6. julijo julijo

    Le RGPD… oui bien sûr. On est tous certains que c’est le fric et le profit qui préside à ce projet insensé.
    Sûrement pas un quelconque bien être des patients….les “établissements sainte marguerite” ont déjà du verser des commissions….
    Mais, bon, il faut bien qu’ils essayent ! il est mal barré leur truc !
    Et puis ils ne risquent rien. Quel organisme s’est fait condamner pour avoir utilisé des données personnelles à des fins commerciales ???? aucun !! un vague blâme et encore…

    Aujourd’hui, pour ce projet, comme pour le PPP des écoles, la lutte contre les logements insalubres….and so on, on ne peut que faire la liste des faits et méfaits de cette nullicipalité rongée d’incompétence et de bétise humaine, et manifester ensemble pour qu’ils fassent le moins de dégats.
    Et cette liste sera bientôt aussi épaisse que la saga des rougon macquart de zola.

    Il faut surtout que les marseillais s’en souviennent et ne renouvellent aucun des ces nullissimes élus municipaux qui gravitent autour de gaudin.

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  7. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    En France la « médecine libérale » et « l’hospitalisation privée » sont des fictions. Les médecins « libéraux » les établissements de soins « privés » sont en réalité payés grâce a nos cotisations à la sécurité sociale et aux mutuelles, ainsi que par la CSG. Au demeurant beaucoup de médecins « libéraux » surtout pendant les vacances d’hiver, ne sont pas disponibles à partir du vendredi midi, jusqu’au lundi. Ceci explique sans doute en partie l’encombrement des urgences hospitalières publiques pendant les périodes d’épidémie grippale. Par ailleurs avec le vieillissement de la population et ses maladies récurrentes « l’or gris est une opportunité d’investissement » comme ils disent. À signaler un article qui résume, sans beaucoup de concession le parcours de Gaudin, et publié dans le mensuel « Capital ». Il s’agit d’une revue, en quadrichromie, sur papier glacé, qui est loin de d’être anticapitaliste.

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