Pour les sénatoriales, Gaudin fait son marché provençal

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le 22 Sep 2014
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Pour les sénatoriales, Gaudin fait son marché provençal
Pour les sénatoriales, Gaudin fait son marché provençal

Pour les sénatoriales, Gaudin fait son marché provençal

Le tableau Excel est soigneusement consigné dans la pochette d’un collaborateur de Jean-Claude Gaudin “en RTT” pour le suivre dans sa campagne sénatoriale. Il le dégaine d’un air entendu dès que le nom de Jean-Noël Guérini revient avec un peu trop d’insistance dans la bouche d’un de ses maires à qui le sénateur et candidat Gaudin rend visite. Cette feuille volante dresse à l’euro près, année après année, l’importante aide octroyée aux communes par le conseil général de Guérini. “Surtout, si le président vous propose de l’aide, prenez l’argent tant qu’il y en a ! Mais je vous ferais remarquer que c’est de l’argent public”, tente Gaudin sans insister. Les hochements de tête qui lui répondent sont mécaniques. Le doigt du collaborateur met en évidence la ligne Aurons, escale du jour à quelques kilomètres de Salon-de-Provence. Le village toucherait par habitant quatre fois plus de subventions que la moyenne départementale.

En ce vendredi matin, Jean-Claude Gaudin nous emmène avec lui à la rencontre des grands électeurs du Nord du département, de La Barben à Rognac en passant par Aurons et Pélissanne. Dans la campagne provençale, à l’ombre des cyprès, il part en quête de “[son] bâton de maréchal”, une ultime victoire électorale et un quatrième bail à la chambre haute. De village en village, il fait l’honneur d’un arrêt minute auprès des maires et devise sur leur “métier” commun. Un boulot “pas simple” bien sûr, surtout en période de vaches maigres pour les dotations aux communes. D’ailleurs, assure-t-il à ses interlocuteurs, “le gouvernement veut encore faire des économies sur le dos des collectivités locales”. Alors, dans cette campagne, la question de l’argent revient comme une antienne. Le maire d’Aurons, André Bertero en vient très vite à ses questions financières alors qu’il reçoit le candidat et son équipe dans son hôtel de ville, perdu au milieu de nulle part, loin du noyau villageois de la “perle du val de Cuech”.

“On verra ce qu’on pourra faire pour vous aider”, lâche l’air de rien l’invité du jour. De l’autre côté de la longue table en bois du conseil municipal, les coudes s’avancent sur la table et les regards se recentrent. S’il n’a pas son aide aux communes, Jean-Claude Gaudin a toujours une réserve parlementaire conséquente : son ancienneté et la présidence du groupe UMP lui octroient une jolie manne qu’il peut distribuer à sa guise. Comme Bruno Gilles ou Sophie Joissains, il a fait le choix de la dédier aux projets communaux plutôt qu’à des associations. Mais, à Aurons, il semblerait bien qu’un chèque de 15 000 euros promis en 2013 se soit perdu en route. La négociation se passe alors devant la caméra de Marsactu offrant un étonnant condensé de ces tractations financières qui alimentent la campagne.

Quel est le résultat de tels marchandages ? Le maire sans étiquette est direct : ses deux bienfaiteurs devraient recevoir chacun une part des suffrages communaux. “Monsieur le maire, c’est à votre bon coeur”, minaude Gaudin. Quelques instants plus tard, il nous confiera dans sa “voiture de location”, espérer “au mieux une voix” parmi les trois grands électeurs d’Aurons.

Il en va ainsi de cette élection. Les petits calculs (financiers) des uns rejoignent ceux (électoraux) des autres. Dans ce scrutin encore plus que dans un autre, chaque voix compte. Personne n’est négligé pour obtenir dimanche le cinquième siège espéré par la droite sur les huit que compte le département. Alors, le maire de Marseille joue aussi du prestige de la fonction. “Et j’espère que vous viendrez à l’inauguration du nouveau Vélodrome, et on vous invitera au Sénat”, lance immanquablement Gaudin sur le perron des mairies. “Ça me ferait très plaisir”, répond une conseillère municipale à la cinquantaine apprêtée.

Dans ces communes “démographiquement peu peuplées” – “petites” seraient vexant l’exercice ressemble à un entre soi déséquilibré entre le pilier du palais du Luxembourg et ces élus bien plus modestes. Gaudin arrive en terrain conquis quand un maire tendu réajuste sa cravate et une secrétaire de mairie stressée suggère à mi-voix un petit café.

La hantise du sénateur FN

“Vous verrez, c’est une élection comme une autre, nous avait prévenu une autre tête pensante de la Gaudinie. Les grands électeurs, ce ne sont pas tous des politiques, notamment les conseillers municipaux. Ce sont des Français, ils regardent la télé, ils regardent ce qui se passe. On leur tient le même discours que dans une élection normale.” De fait, le propos navigue entre ce clientélisme de quelques milliers d’euros et des considérations politiques plus générales.

 

À Pélissanne, Jean-Claude Gaudin arrive à l’hôtel de ville comme chez lui. Pascal Montécot, un quadra trapu, tend son bras vers la photo de Sarkozy président accrochée au mur : “Il est toujours là”. En face, sur le mur opposé à l’entrée, le portrait de Hollande par Depardon : “Vous respectez la loi”, sourit Gaudin. Face au maire UMP, Jean-Claude Gaudin ne s’attarde pas sur Hollande, le parti socialiste et sa candidate locale Samia Ghali. Il ne l’a pas plus fait à Aurons où il classe le maire plutôt à gauche. Est-ce son discours habituel ou est-ce notre présence qui l’influence, Gaudin va se concentrer sur la question du Front national. “Je voudrais attirer votre attention là-dessus, explique Gaudin. Pour la première fois, le Front national part de Marseille avec 220 voix. Il y a un danger qui n’échappe pas au maire et à nous. Les sièges, ça va se jouer à quelques dizaines de voix près. Il faut faire attention. Si nous gagnons le Sénat, ce n’est pas ce que l’on dira si à Marseille il y a un sénateur Front national. Les télévisions ne parleront que de ça.”

Le message ne suscite aucune réaction au sein de “l’équipe rajeunie” de Montécot venue écouter l’élu marseillais. Alors, Gaudin poursuit un refrain bien plus local déjà entonné à La Barben où le jeune maire, Christophe Amalric, est candidat sur sa liste. “Nous faisons le tour de nos amis de la vallée des Baux où il peut y avoir une tentation vers le vote FN pour dire : le danger, on l’a déjà vu aux législatives. Monsieur Vauzelle a gardé son siège mais à Tarascon, une dame Laupies [prononcé “Laupize”] a fait 60 %. Et attendez, cette fois-ci, le mec qui se présente, ce monsieur Ravier, il veut être candidat au siège de Mme Andrieux quand tous les recours seront purgés et qu’il y aura une législative partielle. Donc dans un an s’il gagne, c’est madame Laupies qui sera sénateur (sic)”.

Le Nord-Ouest du département, traditionnellement ancré à droite, se montre à l’image du Vaucluse de plus en séduit par l’extrême-droite. Alors, l’émergence d’une parlementaire ne ferait que renforcer le poids du FN. “Il faudrait le dire à Roland ça aussi”, toussote Montécot. “Alors, Roland, oui. On y va. On va aller une fois encore expliquer ça aux Saintes-Maries-de-la-mer”, balaie promptement Gaudin. Roland, c’est Chassain, le maire et conseiller général des Saintes-Maries. Ce n’est pas la première fois que ses flirts avec le Front national remuent l’UMP. En 2012, il avait soutenu Laupies contre son ennemi juré Vauzelle. Malgré des promesses d’exclusion, Chassain est toujours membre du parti sans renier ses votes passés. Au point semble-t-il de pousser ces collègues de l’UMP à s’interroger sur ses intentions dominicales.

La métropole du bout des lèvres

À entendre Gaudin, le Front conquerra au-delà du socle de ses grands électeurs comme “Perdomo en 1998 parti sur le papier avec 200 voix et qui en avait fait 320 au final.” Alors, à l’heure de dérouler sa liste, il s’arrête sur le nom de deux femmes, Anne-Marie Bertrand et Muriel Boualem : les explications, rodées, tirent sur des ficelles déjà usées par le FN. Anne-Marie Bertrand, “c’est une agricultrice et son nom de jeune fille, c’est Ayme”, explique-t-il en forçant  sur l’accent. Bref, “c’est l’authenticité provençale”. Quant à Boualem, “c’est la fille du bachaga Boualem, un de ses hommes qui venaient d’Algérie, qui ont choisi la France et que les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n’ont pas très bien traités.”

À l’arrière de sa voiture où il nous a convié pour quelques confidences entre deux rendez-vous, l’ancien professeur d’histoire-géo devise sur “l’influence de Maurras, de Léon Daudet, de Mistral qui a façonné ce territoire”. La portée de son message va plus loin que cette seule élection pour laquelle Bruno Gilles a assuré quelques minutes plus tôt : “Le FN va faire son score et automatiquement fera un siège.” Si Gaudin prend soin de labourer ces terres de la “Vendée provençale” traditionnellement conservatrice, c’est qu’il craint d’y voir à terme la droite vampirisée par le vote FN.

De ville en village, Gaudin démine et contre les arguments que pourraient porter ses adversaires. Le président Guérini est salué partout pour son combat anti-métropole ? Lui doit compenser une infidélité faite aux maires. La métropole que l’immense majorité des élus locaux réprouve, il a permis son adoption au Sénat. Alors, face aux édiles inquiets de “l’hégémonie marseillaise”, Gaudin martèle désormais qu’il n’y aura “pas de métropole si le plan local d’urbanisme n’est pas rendu aux maires”.

Bruno Gilles, qui a toujours été plus mitigé que le maire de Marseille sur ce sujet, admet un changement de pied : “C’est difficile de faire campagne en disant aux électeurs le contraire de ce qu’ils pensent.” Mais il n’est pas plus simple d’admettre face à notre caméra cette opposition entre le Gaudin des villes et celui des champs. Notre périple “embedded” avec Jean-Claude Gaudin s’arrête après deux questions posées sur le parvis de la mairie de Pélissanne. Sa route se poursuit vers Rognac et une victoire certaine dimanche. Avant de filer, il a livré avec gourmandise un pronostic en forme de souhait : “Ce serait historique si ni le parti socialiste ni les communistes n’avaient de siège.”

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Commentaires

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  1. Mistral Boy Mistral Boy

    Voilà pourquoi il faut se battre contre le cumul des mandats, s’il n’était pas sénateur le Maire de Marseille aurait le temps de travailler à la mise en place des rythmes scolaires au lieu de se balader dans le département, si nous avions un Maire à 100% la mairie ne serait peut être pas aussi mal gérée.

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  2. Anonyme Anonyme

    Le clientélisme dans toute sa splendeur = le système gaudin

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  3. Electeur du 8e Electeur du 8e

    Ces nobliaux qui distribuent des chèques aux manants, qu’il s’agisse de Gaudin ou de Guérini, ont complètement oublié que cet argent ne leur appartient pas. C’en est surréaliste !

    Comme est surréaliste le temps que passe Gaudin à flatter ses interlocuteurs, alors que les difficultés de la ville dont il est maire exigeraient qu’il s’en occupe à plein temps.

    Et ces “grands” (sic) électeurs qui mettent leur voix aux enchères, ont-ils un peu de dignité ?

    Mais les mêmes, qui constatent tous les jours que leur commune n’a pas les moyens de son autonomie et doit quémander des aides financières pour la moindre réfection d’un trottoir, refusent toute évolution de la carte communale !

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  4. anonyme anonyme

    La République est bien malade de ses élus. Le cumul des mandats est vraiment une plaie pour avoir des représentants des citoyens qui travaillent pour l’intérêt général. Ces élus qui ne pensent qu’a rempiler, s’attirent des voix avec des subventions publiques.

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  5. Anonyme Anonyme

    Des mandats trop longs ou encore des Maires qui n’habitent pas la commune où ils sont élus…A quand un Président française qui habite en Suisse ou en Belgique !! Nous, les électeurs manquons clairement de vigilance et de clairvoyance. Marsactu nous aide certes, mais combien sommes-nous à lire vos articles ?

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  6. simplet simplet

    Extraordinaire. Anthologique

    “Sans pression excessive” : tout est dit face au binaire Guérini. “Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi !”

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  7. Marcel Marcel

    Distribution gratuite de nos impôts merci ” jean Claude” ” GUERINI”

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  8. piqueboufigue piqueboufigue

    vous etes d une tristesse pas possible,
    ceux qui critique le maire divent certainement habiter dans les villages voisins et on rabache toujours le meme refrain.
    on n elit pas un maire 4 fois oui 4 fois,cela fait mal a certains ,parce qu il ne gere pas sa ville ,bien sur tout n est pas parfait et alors,vous etes parfait vous.laissons travailler notre maire pour le bien de Marseille et il sait tres bien le faire pour la 4 eme fois!!!bonne fin de semaine ………

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  9. Anonyme Anonyme

    C est sur que vu de loin on marche sur la tête avec ce Sénat et ses élections.
    C est vrai aussi que de ne pas voir de jeunes pousses ou talents émerger en politiques pose problème.
    Mais qu j’en j ai vu ce leader de “renouveau ps “à la tv,son air agressif,sans carisme,sans idées ,je plais notre démocratie de bas en haut.
    J ai peut être plus peur de lui que de Gaudin et Guerini.

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  10. Electeur du 8e Electeur du 8e

    Dans une tribune libre signée par Michèle Rivasi et Sébastien Barles, qui plaident pour une profonde réforme du Sénat, on lit la définition qu’Edouard Herriot donnait de celui-ci : “Assemblée de notables réactionnaires dont les méfaits sont heureusement compensés par une forte mortalité.” (http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1243280-senat-obsolete-crise-de-confiance-5-idees-concretes-pour-reenchanter-la-politique.html)

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  11. ReprendreLaMain ReprendreLaMain

    C’est bien pour dénoncer ce genre de pratiques que Nouvelle Donne propose une liste citoyenne aux élections sénatoriales. A quand la fin au carriérisme en politique, la limitation des mandats, les sanctions contre l’absentéisme des Sénateurs et la vraie transparence de la vie politique? Cette élection n’est pas vraiment démocratique, mais le vote est quand même à bulletin secret…les grands électeurs auront peut être un sursaut de conscience dans l’isoloir!

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  12. piqueboufigue piqueboufigue

    out le monde critique le sént et tout le monde veut etre senateur,moi je pense avec mes amis compagnon ,salariés,amis et famille ,comme la dit le president Sarkozy,il faut diminuer de moitié les parlementaire,et j entends déjà les vierges effarouchées dire ,on nous l a déjà proposé,et bien nicolas le feras.actuellment nos gouvernants n ont le courage de rien,ah oui de se gaver,fairecirer les pompes,ne pas payer impots,edf,planquer sa fortune en suisse ou ailleurs,cela il savent faire.attendons 2017.

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  13. ALAIN PERSIA ALAIN PERSIA

    Dans le cadre de la prochaine élection présentielle il serait souhaitable que l’ensemble des candidats inscrivent dans leurs programmes la suppression du Sénat et du Conseil Economique et Social . Il faut aller vers une modernisation de nos institutions qui permettraient de réconcilier en partie les citoyens avec la politique et engendrerait de sérieuses économies . Dans le même temps il conviendrait de supprimer TOUTES les réserves parlementaires.

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  14. hommedesbois hommedesbois

    Quel estomac il a ce Gaudin quand il dit (dans la vidéo) à la veille des sénatoriales : “Dès qu’un maire nous demande, nous le faisons sans arrière-pensée politique”.
    Faut quand même le faire … et en plus devant la caméra de marsactu.

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  15. Anonyme Anonyme

    Dans cet article du parisien il est très instructif de s apercevoir que les sénateurs aident au moins leurs communes et parfois des projets plus lointains que leur ville Pour dire qu il aime MARSEILLE avec son accent pagnolesque gaudin est la mais il n a pas fait bénéficié MARSEILLE ni le reste des bouches du Rhône de sa cagnotte parlementaire pour un maire qui aime tant sa ville et un sénateur tant que ça son département c est étonnant non ? Alors gaudin aime sa ville surtout pour ce qu elle lui apporter a lui comme indemnités et comme seule et unique façon d avoir le pouvoir car comme prof d histoire il en aurait pas eu autant et surtout beaucoup moins d argent sur son compte en banque et pas l inverse car MARSEILLE attends les aides de gaudin senateur ?
    http://www.leparisien.fr/politique/argent-public-les-surprises-de-la-cagnotte-des-senateurs-23-09-2014-4156737.php

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  16. Anonyme Anonyme

    Suffrage censitaire déguisé, vestige de la monarchie de juillet. Quelle est la légitimité du futur sénateur -maire de Marseille Gaudin ? Réélu avec 1/5 des électeurs inscrits, dont une dizaine de milliers d’agents territoriaux, encartés à FO dont il est membre d’honneur et leurs familles? Que représentent ses « grands » électeurs » cooptés par ses soins ou les maires subventionnés comme le fait l’autre candidat Guerrini, son allié, avec l’argent des contribuables ?

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  17. Marssien Marssien

    Pari tenu.
    Et quant aux scandales locaux, je ne pensais pas aux affaires (de gauche comme de droite), mais aux rythmes scolaires, aux piscines fermées, aux montagnes d’ordures, à la voirie défoncée, aux transports pathétiques, etc.

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  18. Anonyme Anonyme

    Bygmalion: deux ex-cadres de l’UMP, dont Eric Cesari, en garde à vue
    Va falloir que l’ump s’explique sur ce sujet et Mr gaudin il a de hautes responsabilités à l’ump alors ce serait bien qu’il nous donne sa version

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