Parc National des Calanques, pourquoi il faut sauver le soldat Teissier

La salle des mariages de la Maison Blanche, la ( très belle) Mairie du 9 ème et 10 ème arrondissement de Marseille était jeudi dernier pleine à craquer, pour la conférence de presse annonçant la  charte ( en gros le mode d’emploi) du futur Parc National des Calanques .Journalistes, CIQ, représentants d’association, supporteurs de Guy Teissier, plus une chaise de libre.
Quand Le Député-Maire du secteur, et Président du GIP des Calanques ( le groupement d’intérêt public qui porte le projet de futur parc national), arrive dans la salle, il est plutôt  bien entouré. Patricia Ricard, petite-fille du génial Paul, très impliquée, avec l’île des Embiez dans la protection de l’environnement est là. Ainsi que Albert Falco, l’ancien « bosco » de la Calypso, une légende vivante pour tous les amoureux de la mer et des mérous, et qui plonge toujours dans sa calanque de Sormiou , où il est né il y a plus de 80 ans. Il y a aussi un Député UMP du Var, Jean-Pierre Giran, ancien Maire de Saint-Cyr et Président des Parcs Nationaux de France, ainsi que Denise Bellan-Santini , Directrice de Recherche à la Station Marine d’Endoume,  et une des experts scientifiques du projet. C’est une spécialiste reconnue des Isopodes, sortes de crustacés et de parasites marins. Pour l’instant, elle a du plutôt observer des parasites terrestres depuis qu’elle a rejoint le projet. Et ceux-là, pas besoin d’un microscope, ni de plonger très profond, pour les voir arriver.
Sont également présents un représentant du Préfet et même un Amiral en grande tenue, le petit doigt sur la couture du pantalon blanc, qui n’a pas oublié que l’ex para Guy Teissier est également Président de la Commission de la Défense à l’Assemblée Nationale, une sorte de Ministre de la Défense Bis. Et puis, enfin, il y a, Lionel Royer-Perreault, bras droit et bras gauche de Teissier, le fidèle parmi les fidèles, l’homme des bons et des mauvais jours, le camarade des bons et des mauvais coups. Et en ce moment, les mauvais coups il en reçoit plus qu’il n’en donne.
Du beau monde donc. Mais tout ça n ‘est que pour la façade, pour les journalistes. Car en en réalité, Teissier se sait être un homme seul, très seul. Il a autant de soutien dans son camp que Domenech n’a d’amis sur Facebook . Ni le Maire de La Ciotat, ni de Cassis, ni de Ceyreste, pourtant UMP comme lui, pourtant directement concernés par le Parc, n’ont fait le déplacement jusqu’à la Mairie du 9/10. Ils ont mandatés leurs second-couteaux. On est le 17 juin, pas le 18, courage fuyons. Quant au Maire de Marseille, lui aussi directement concerné par le projet, lui qui est capable d’ annuler des réunions au Sénat pour aller remettre la médaille de la ville à un Vice-Président de CIQ, il n’est bien évidemment pas là. Surement à cause de la grève surprise de la RTM, il doit faire les cent pas devant l’arrêt de bus de l’Hôtel de Ville, maintenant qu’il a vendu sa voiture aux enchères et qu’il ne jure plus que par le développement durable . Mais  les 2 porte-serviettes qu’il avait dépêché sur place, ont néanmoins rassuré Teissier sur tout le bien que pense Jean-Claude  du futur Parc. Il est « atttentif, et constructif «  . Teissier avait d’ailleurs l’air très touché par ces profondes marques d’affection et de sollicitude, tout en enfilant son gilet pare balle, quand les adjoints de Gaudin ont pris la parole pendant sa conf de presse. Tout le monde sait à Marseille, mais aussi à l’Elysée et chez Borloo, au Ministére de l’Environnement, tutelle du futur Parc, que malgré les accolades en public et les sourires de façade, les 2 hommes se détestent cordialement, et que Gaudin mettra tout son poids politique pour que ce projet de Parc capote.
Du côté de la gauche, c’est pas mieux, zéro représentant. Le pourtant Vice-Président du GIP, le socialiste René Olmeta, pour le Conseil Général, pas là. La Région ? pas là. MPM ? non plus. Un parc national ? Pfff, oui, et alors ? Ils en ont vu d’autres. Ils ne vont pas sortir la 607 de fonction pour ça, ils avaient surement mieux à faire ce jour là, préférant surement compter les balles échangées entre Guérini et Mennucci.
Pourtant, alors que Marseille Capitale Culturelle 2013 est en train de tourner à une belle kermesse sur le Vieux-Port, que le Forum Mondial de l’eau ne risque que de servir ‘à sponsoriser avec de l’argent public quelques multi-nationales afin de les aider à signer de beaux contrats avec des pauvres villes du tiers-monde, ce projet de Parc National des Calanques, c’est un vrai beau projet pour Marseille. Et pourtant si mal aimé.
Comme le rappelait lors de cette réunion, Jean-Pierre Giran, la Président des Parcs Nationaux de France  » c’est un label international, reconnu partout dans le monde« ,  » Un label très envié, le Maire de Chamonix souhaite classer le Mont-Blanc en Parc ». Et puis ce n »est pas comme le forum mondial de l’eau où la capitale culturelle, c’est pérenne, ça ne s’arrêtera pas en 2012 où 2013.
Au-delà de cette reconnaissance internationale, c’est aussi et surtout le moyen de protéger le patrimoine exceptionnel de nos calanques, et la faune et la flore qui y vivent.
Pour ceux qui ont eu la chance de voir, dans la réserve de Scandola, du côté de Calvi, voler un balbuzard, l’aigle pêcheur dont il ne reste plus que 50 couples en Europe, et dont la plupart sont à cet endroit de la Corse, on se dit que donner la chance à nos enfants de revoir un jour des aigles de Bonelli, cet aigle méditerranéen qui a quasiment disparu, planer au-dessus de leurs têtes dans les calanques marseillaise, ça vaut bien de demander aux héritiers de Gaston Rebuffat, de laisser 2 où3 falaises tranquilles.
Et pour ceux qui ont aussi pu mettre un masque et un tuba et  plonger à Port-Cros, où même au sentier sous-marin de Carry, et avoir la sensation de se baigner dans un aquarium, entouré d’énormes sars, de très grosses daurades royales, si proches qu’on peut presque les toucher, on se dit aussi que ça vaut le coup de laisser 2 où3 réserves interdites à la pëche et à la chasse sous-marine. Et puis, tout le monde sait, et les pêcheurs les premiers, que ces réserves sont bonnes pour la pêche, les poissons autour sont plus gros et plus nombreux. Toujours à Scandola, depuis la création de la réserve, les poissons pêchés alentour par les pêcheurs professionnels sont 2 fois plus nombreux et 4 fois plus gros. Et ce ne sont pas des marseillais qui le disent.
Et quant les scientifiques nous alertent sur les 75% des herbiers de posidonie, le poumon de la méditerranée, qui sont aujourd’hui en mauvais état, et qu’il faut un siècle pour qu’ils poussent de 1 mètre et 10 secondes à l’ancre d’un bateau pour les arracher, on se dit aussi que les plaisanciers peuvent également accepter quelques petites contraintes, comme ne pas mouiller n’importe ou.Comme le disait Albert Falco, « il faut ce parc pour que nos enfants n’aient pas honte de nous ».
Et puis un Parc National c’est aussi mettre
les projecteurs sur cet égout à ciel ouvert, dans la calanque de Cortiou, qui malgré la nouvelle station d’épuration dont Gaudin est si fier,  » la plus grande d’europe, Môssieur Drucker« , reçoit toujours les eaux usées de Marseille et des 17 communes de MPM. Des eaux certes traitées, mieux qu’avant, mais pas encore suffisamment , pour ne pas impacter un ‘environnement marin si fragile. Le parc va appuyer aussi là-aussi où ça fait mal : les rejets de boues rouges à Cassis, où la décharge de La Ciotat, même si ces deux verrues écologiques ne seront pas dans la zone dite du « Coeur du parc », on ne pourra plus les cacher, on pourra peut-être alors agir.
Et puis, l’autre grande peur ce sont les touristes. Mais comme le rappelaient également les conférenciers jeudi dernier, il y a déjà près de 2 millions de personnes qui chaque année se baladent dans les calanques, et avec 2013, les fameux croisièristes, l’aéroport Low Cost, etc… ce chiffre va forcément exploser dans les années à venir. Parc National ou pas Parc National. Des touristes à qui aujourd’hui on laisse faire à peu près n’importe quoi. On a tous assisté, un peu effrayé à ces bateaux promène – touristes qui s’enfoncent de plus en plus loin dans les calanques de Sormiou ou de Morgiou, à toute vitesse, au milieu des nageurs. Un jour il y aura un accident, si rien n’est fait. Sans parler des haut-parleurs, qui hurlent des commentaires avec un niveau sonore digne des vuvuzelas sud-africaines. Au moins, le Parc, grâce aux moyens humains et financiers dont il disposera, va aider à gérer cet afflux touristique et imposer et faire respecter quelques règles . Ne pas débarquer les touristes à terre, aider les bâteliers à s’équiper de moteurs hybrides, par exemple.
Mais tout ça n’est rien à côté de la grande crainte des politiques locaux. Parlementaires, Maires …. la vraie trouille c’est la perte de leur pouvoir d’élus locaux au profit du futur Directeur du Parc. On ne le connait pas encore celui-là, mais c’est déjà l’ennemi public numéro un des politiques, qui lui prêtent déjà des pouvoirs quasi-surnaturels. On nous explique qu’il pourra reigner en véritable despote, à la tête d’une armée de 40 gardes lui obéissant au doigt et à l’oeil. Pour faire appliquer dans la terreur des règlements stupides et ineptes et « décidés depuis Paris », forcément. Et, Jean-Claude Gaudin le premier est à la tête de cette fronde. « Et si demain je veux inviter à diner le Président de la République, comme je l’avais fait avec Jacques Chirac à la Grotte à Callelongue, il faudra peut-être que je demande un ausweis au Directeur du Parc ? Je deviens quoi, moi ? la Reine d’Angleterre ? » Tous les journalistes qui ont interrogé le Maire de Marseille ont entendu l’anecdote. Comme d’habitude avec Gaudin, ça ressemble à du Fernandel, mais on sent que sur le fond il ne lâchera rien.
Gaudin sait pourtant très bien que c’est le Conseil d’Administration du Parc qui en réalité aura le pouvoir, pas son Directeur. Il le sait d’autant mieux qu’il a été, en tant que Premier Vice-Président du Sénat à l’époque, très actif pour faire voter la loi de « décentralisation » de 2006 sur la réforme des Parcs Nationaux. Pour éviter comme par le passé d’avoir effectivement une gestion des Parcs trop jacobine, les Conseils d’Administrations sont aujourd’hui majoritairement composés d’élus et de personnalités locaux. Et d’autre part c’est ce même conseil, qui propose une liste de 3 noms au Ministre de l’Environement pour désigner le Directeur du Parc. On est donc très loin de la caricature d’un Directeur omnipotent, ne rendant des comptes à personne, et totalement déconnecté de la réalité locale, n’étant obsédé que par la volonté de raser les cabanons et d’interdire les calanques aux marseillais. Mais Teissier a beau crier sous tous les toits des cabanoniers cette vérité, rien n’y fait.  » Oh, c’est clair, je ne sais plus comment le dire ! » s’exclamait t-il encore jeudi dernier pendant sa conférence de presse.
Gaudin a déjà réussit a sortir le village des Goudes du « Coeur du Parc », pour le mettre en « zone d’adhésion ». La zone d’adhésion, le Maire, il y fait à peu près ce qu’il veut, il pourra y faire construire une centrale nucléaire ou un gratte-ciel si bon lui semble. Le vrai Parc, très réglementé, c’est « le Coeur du Parc », pas la zone d’adhésion. Géographiquement, la zone d’adhésion entoure le Coeur du Parc, elle bénéficie de son image, mais n’a absolument pas les mêmes intérêts en terme de protection de l’environnement notamment.
Il reste encore quelques mois, avant le tracé définitif, à Gaudin et aux autres Maires, comme celle de Cassis, par exemple, qui a réussit aussi à faire sortir la Calanque de Port-Miou du Coeur du Parc, pour bien torpiller le projet de Teissier. Un Teissier, qui semblait jeudi dernier assez combatif mais réaliste, et qui philosophait, en conclusion de sa présentation  » j’espère que sur ce projet, comme sur d’autres, Marseille n’aura pas le destin du gardien de phare, beaucoup d’horizon devant lui, mais peu d’avenir… ».

le site du futur Parc National des Calanques, gipclanques.fr

le site des Parcs Nationaux de France

le site de l’association des calanques et des hommes