Pape Diouf tente un assaut en parachute sur le 13/14

Pape Diouf tente un assaut en parachute sur le 13/14

Pape Diouf soupire. "Nous allons donner raison à ceux qui nous accusent d'amateurisme", glisse-t-il en référence aux critiques des responsables marseillais du Modem avec qui les négociations ont tourné court ce week-end. Cela fait plusieurs minutes qu'il devrait avoir un micro en main pour démarrer la conférence de presse, mais la technique ne suit pas. Celle-ci aurait déjà dû commencer depuis trois-quarts d'heure mais, entre les séances photo et les interviewes radio et télé, le retard s'est accumulé. Autour de lui, le chef de file de "Changer la donne" a rassemblé les 15 autres candidats alignés dans l'ensemble des secteurs de la ville pour une longue présentation de chacun(e).

Lui-même partira dans les 13e et 14e arrondissements, là même où – ô surprise ! –  est sise la station Alexandre qui accueille la présentation. Difficile de lui faire lâcher pour quelle raison il a choisi ce secteur pour faire ses premiers pas en politique. Même si la pluralité revendiquée des origines des candidats et la volonté affirmée de cibler les abstentionnistes correspondent pleinement à la sociologie électorale du secteur. Comme toujours avec les questions de la presse, il alterne pirouettes et retours à l'envoyeur. "Il fallait bien que je sois quelque part. Ce n'est pas un choix que j'ai fait seul, c'est le fruit d'une cogitation collective. C'est là aussi que se présente le représentant du Front National [Stéphane Ravier]. S'il y a là une charge symbolique, je la revendique".

On lui demande alors quelles mesures "concrètes" il souhaite mettre en oeuvre pour mettre fin à l'emprise des réseaux sur certaines cités de ces arrondissements, il commence par envoyer un message explicite à la maire du secteur voisin, Samia Ghali. "Ce qui peut paraître concret pour l'un ne l'est pas pour l'autre. Par exemple, je pourrais en appeler à l'armée… Mais soyons sérieux. Il faut comprendre d'abord pourquoi il y a cette violence. Il faut donc être capable de poser le bon diagnostic". Le reste n'est qu'une suite de formules toutes faites ("extirper les racines du mal, assurer la sécurité des biens et des personnes, sécurité aussi bien physique que morale") que Pape Diouf sait enfiler avec brio.

Mais il sait aussi se montrer plus mordant lorsqu'il évoque la nécessité d'en finir avec "ce qu'il faut bien appeler la corruption". Un thème qui a une résonance particulière dans un territoire où la députée Sylvie Andrieux a été condamnée en première instance pour détournement de fonds publics. Elle s'est pourvue depuis en appel. Mais la flèche vise aussi son fidèle Garo Hovsepian, adversaire socialiste dans ce secteur.

"Réel risque de division"

Au PS, Samia Ghali a été la première à réagir à la candidature de l'ancien président de l'OM dans le 13/14, dans une déclaration reprise par l'équipe de campagne socialiste : "La candidature de Pape Diouf constitue un risque réel de division et va inévitablement faire le jeu du parti d’extrême droite. Aussi, nous appelons Pape Diouf au rassemblement pour lutter ensemble contre la menace bien réelle que constitue le Front National dans nos quartiers". Si Samia Ghali monte ainsi au créneau, c'est quelle était l'un des premiers soutiens de Garo Hovsepian quand ce dernier était en balance avec Christophe Masse pour la tête de liste dans le 13/14. Or, à 74 ans dont 15 à la mairie de secteur, le sortant n'est pas forcément l'incarnation du renouvellement.

Ce dernier ne se dit pas inquiet par l'arrivée de Diouf dans son pré carré. "C'est une candidature qui aura son importance, élude-t-il. Mais Monsieur Diouf est quelqu'un qui a des valeurs de gauche, on se retrouvera sur ces valeurs au second tour". Pour l'heure, l'intéressé se refuse à parler de "négociations" d'entre deux tours. D'abord parce que le leader citoyen refuse le terme même de négociations. "S'il faut discuter, nous le ferons sur la base de propositions concrètes et pas en fonction des places sur les listes", finit-il par lâcher. 

A droite, on se félicite de cette nouvelle arrivée à gauche de l'échiquier.Entre Ravier qui ne décolle pas et Diouf qui va grapiller quelques points à gauche, on se dit qu'avec la liste solide qu'on a constitué autour de Richard Miron, avec Monique Cordier et Jean-Claude Delage, on va finir par être en tête au premier tour", se réjouit Yves Moraine, porte-parole de la campagne. Si ce scénario correspond plus à un doux rêve qu'à un vrai pronostic, la multiplication des candidatures rend plus incertain le tiercé du premier tour. Au moment d'évoquer les propositions de nouvelle gouvernance, Sébastien Barles n'oublie qui est Monique Cordier : "Nous proposerons d'en finir avec les CIQ en mettant en place de vrais conseils de quartier".

Haouaria Hadj-Chikh en renfort

Pape Diouf n'arrive pas tout seul dans le secteur. En deuxième place, la liste citoyenne récupère la conseillère communautaire sortante Haouaria Hadj-Chikh. Élue Front de gauche, cette responsable associative n'est pas repartie sur sa liste de coeur. "J'ai désobéi au chef de file [Jean-Marc Coppola, ndlr] car je trouvais que sa stratégie était en désaccord avec la volonté commune d'ancrer nos valeurs dans ce territoire", formule-t-elle. En langage clair, elle s'est opposée à la présence de Samy Johsua, ancien du Nouveau parti anticapitaliste, à la tête de la liste dans ce secteur "alors que nous étions cinq sortants". Du coup, elle s'est lancée seule dans la bataille en constituant sa propre liste, qu'elle met désormais au service de Pape Diouf.

Pour les autres listes de secteur*, le mélange est assez composite entre élus écolos en rupture de ban (Sébastien Barles et Michèle Rubirola, Ferdinand Richard), signataires du Sursaut (Jean Canton, Kaouther Ben Mohamed, André Jollivet) et nouveaux venus, journalistes, juristes, chefs d'entreprise ou militants associatifs. Il reste peu de temps pour allonger les listes au-delà de ces duos de tête jusqu'aux 303 noms nécessaires pour être présents dans toute la ville. Dans le 2/3, Jean Canton affirme avoir déjà 18 noms sur 24. En revanche, la partie n'est pas gagnée pour Ferdinand Richard, qui a accepté dimanche de tenter l'aventure dans le 11/12. Et les "100 personnes" qui auraient contacté le mouvement via le site ne seront pas tous candidats. L'horloge tourne aussi pour Pape Diouf, qui continue de dire que "le temps politique n'est pas le sien".

* Sébastien Barles et Samira Korhili (1/7), Kaouther Ben Mohamed et Jean Canton (2/3), Michèle Rubirola et Yassin Amehdi (4/5), André Jollivet et Viviane Karsenty (6/8), Caroline Petit et Gorges Vinapon (9/10), Ferdinand Richard et Djamila Saïd (11/12), Pape Diouf et Haouaria Hadj-Chikh (13/14), Zoubida Menguenni et Franck Verherbruggen (15/16)