Orphelins de la Victorine, les Pas perdus cherchent toujours un lieu de création

Actualité
le 21 Août 2018
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Collectif d'art contemporain, les Pas perdus présentent leur Cour des super songes au Panier en cette fin d'été. Résident du comptoir de la Victorine (3e), dévasté par un incendie cet hiver, le collectif attend la rentrée avec inquiétude. Il est censé réinvestir le lieu toujours en travaux et reste toujours en quête d'un atelier.

Orphelins de la Victorine, les Pas perdus cherchent toujours un lieu de création
Orphelins de la Victorine, les Pas perdus cherchent toujours un lieu de création

Orphelins de la Victorine, les Pas perdus cherchent toujours un lieu de création

Il y a des rêves plein la cour. En colonne, en bouture, en greffe d’objets ou plantes à fleur de porcelaine. Les Pas perdus ont baptisé le lieu la “cour des super-songes” et il a tout de la parenthèse. Ouverte pour une installation d’œuvres collaboratives, du 22 août au 16 septembre, l’exposition est inscrite dans le parcours de Marseille Expo, cousine avec Art o’rama à la Friche et participe au bouquet final de la saison culturelle Quel Amour !. Une belle conjonction qui permet de prendre le temps d’un retour sur quelques années de création par les Pas perdus, autour des songes réalisés à Bordeaux-sud, Marseille-Joliette ou Saint-Mauront.

Mais cette cour en parenthèse fait autrement rêver Guy-André Lagesse. Elle accueille encore les activités du théâtre de Lacydon et de l’association qui a pris la suite du patronage chrétien qui, durant des décennies, a occupé le lieu. La piscine enterrée (lire notre article), la chapelle sise au-dessus d’un dojo paré de bois et les cercles branlants de panier de basket témoignent de ces lointaines activités. Le plasticien rêve donc d’installer son atelier sous le grand platane de la cour et dans les cabanes attenantes. “Avec une grande toile, on pourrait y faire un atelier de plein air”, songe-t-il. Mais il sait que c’est là peine perdue, “l’association qui a la jouissance du lieu, propriété du diocèse, y mène encore beaucoup d’activités”.

Après l’incendie, les soucis

Si Lagesse rêve ainsi, c’est que les Pas perdus ont toujours un souci d’habitat. En février dernier, le comptoir de la Victorine qu’ils occupaient depuis près de 20 ans était en partie dévasté par un incendie (lire notre article). Le lieu doit partiellement rouvrir début septembre dans un immeuble mitoyen de la courée. C’est en tout cas la promesse de la Ville, propriétaire du lieu qui s’est engagée à ce qu’ils réintègrent le comptoir le 1er septembre. “Nous aurons assez de place pour installer les quatre structures résidentes avec un studio d’enregistrement et de montage pour L’Art de vivre et les Têtes de l’Art, des locaux de répétition, détaille Dorine Julien. En revanche, cela ne remplace pas les 450 mètres carrés de nos ateliers.”

Situé dans la partie sinistrée, cet atelier est le véritable trésor du collectif d’art fantaisiste. Leurs collections d’objets, leurs machines et donc une part de leurs savoir-faire, sont restés enquillés là-bas. “La Ville était censée assurer le clos et le couvert et diligenter des expertises pour vérifier si la structure métallique est touchée”, reprend Guy-André Lagesse. Mais, de tout cela, ils n’ont pas de nouvelles. Or, si les Pas perdus trottent par monts et par vaux (dans les prochains mois, ils sont attendus en Inde, en Roumanie et dans plusieurs lieux de France), ils ont besoin d’un lieu de fabrication et de stockage pour ce que leurs pérégrinations leurs ont fait inventer et accumuler (voir encadré plus bas).

Recherche atelier

“Nous travaillons avec la direction des affaires culturelles sur la recherche d’un lieu et avec la direction du patrimoine sur le chantier de la Victorine, explique Dorine Julien. Mais l’atelier est notre outil de travail. Il nous est indispensable.” La Ville s’est engagée à trouver une solution, mais quand ?

Cette inquiétude est loin de se limiter au devenir du seul atelier des Pas perdus. Si les associations locataires ont ont été agréablement surpris par la réactivité de l’équipe municipale au lendemain du sinistre, depuis, l’action de la ville s’est engluée dans la saison estivale. “Nous sommes censés entrer dans les lieux le 1er septembre mais, visiblement, les travaux n’ont pas tous été réalisés, explique Emmanuelle Gourvitch, directrice de production de l’Art de vivre et présidente du collectif de la Victorine. Nous espérons donc qu’ils vont tenir leurs engagements“. Ses interlocuteurs à la Ville lui assurent que tout sera fini pour la date prévue “mais nous avons eu beaucoup de mal à dialoguer avec les services techniques qui doivent assurer le suivi des travaux”, constate la présidente.

L’adjoint en charge du patrimoine, Robert Assante, a suivi le projet depuis ses débuts. C’est lui a fait voter en juin dernier le principe d’un appel à projets qui doit permettre de redonner un élan au lieu pour les 30 prochaines années. Joint par Marsactu, l’élu assure que les délais seront tenus : “Les résidents pourront entrer le 3 septembre comme je m’y étais engagés. Seule une sortie de secours sera réalisée avec un certain délai”.

“La Ville n’a pas conscience des effets qu’a sur nous ces retards dans la mise en conformité, explique Sam Khebizi, le directeur des Têtes de l’art. Mais cette absence de sortie de secours nous oblige de passer de 50 personnes à 20 en comptant les permanents et les usagers. Nous venons de remporter un marché avec le Département pour le suivi des bénéficiaires du RSA dans le secteur culturel. Si nous n’avons pas des locaux adaptés, nous serons pénalisés”.

Appel à projets à l’automne

Pour les résidents de la Victorine, après des mois d’accueil provisoire à la Friche Belle de Mai, le retour dans les murs doit coïncider avec d’autres travaux cruciaux. “La Ville doit publier son appel à projets à l’automne, précise Emmanuelle Gourvitch. Selon ce que prévoit le cahier des charges, nous saurons ou pas si nous sommes à même de répondre”.

En cas de réponse positive, les résidents auront quelques mois pour construire un projet global pour la totalité de l’ancienne fabrique d’allumettes avant une signature de bail au mieux à l’été 2019. “Nous savons que ce lieu devra conserver une vocation artistique et d’économie sociale et solidaire. Nous souhaitons, bien entendu, pouvoir déposer un projet pour avoir enfin notre destin en main”, complète Dorine Julien. Mais rien n’exclut qu’il y ait de la concurrence. Un tel projet pourrait coûter plusieurs millions avec la nécessité de trouver des partenaires qui puissent apporter une véritable assise financière.

Quel que soit le repreneur choisi, il devra intégrer la présence des structures historiques du comptoir dans son projet. “Si nous sommes assurés que nous serons locataires sur la durée totale du bail, pour l’instant nous n’avons aucune certitude sur la surface qui nous sera accordée”, reprend Emmanuelle Gourvitch. Une fois réintégré le bâtiment, c’est le chantier du projet au long terme qui démarrera.


Des songes en cour

D’un côté de la cour de l’ancien “patro” du Panier, de grandes colonnes Morris donnent à voir des quidams pris dans des postures oniriques où des éléments urbains de la Joliette croisent leurs rêves intimes. “Vivre à plat ventre sur le dos”, pense ainsi Moussa Aïssa sur un container soulevé par deux sumos au pied d’un gratte-ciel. En 2017, les Pas perdus ont présenté cette Joliette des songes réalisés avec ceux qu’ils nomment “les occasionnels de l’art” qui leur ont livré leurs rêves secrets.

Juste derrière, de grands bacs présentent la pépinière artistique baptisée “la bouture bordelaise”. Sur un mode surréaliste, les artistes ont tenté des greffes d’objets dans le cadre d’un projet de rénovation d’un quartier du centre-ville de Bordeaux. Il y a donc la “pelle des vacances” où une tong tente de se marier à une pelle, sans résultat. De grandes perches présentes des assiettes diverses comme une rose trémière offre ses fleurs. Aucun insecte butineur pour l’heure. “Nous nommons les objets ainsi réalisés comme on nomme une nouvelle fleur ou un nouveau fruit, explique Guy-André Lagesse. Mais c’est comme en botanique, lorsqu’on bouture ou greffe, ce n’est pas sûr que cela prenne. Pour l’instant, cela n’a rien donné mais nous gardons espoir”.

L‘exposition est à voir du 22 août au 16 septembre, impasse Sainte-Françoise au Panier. Deux marches songiales sont organisées les 16 août et 8 septembre à 9 H 30 en partenariat avec le bureau des guides. Le croque-songe, une expérience culinaire, est proposée tous les jours d’exposition. 

Actualisation le 21 août, à 18 H 58 : ajout des citations de Robert Assante et Sam Khebizi.

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