Ophélie Kirsch : "La Défense avec un grand D"

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le 9 Fév 2012
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Ophélie Kirsch : "La Défense avec un grand D"
Ophélie Kirsch : "La Défense avec un grand D"

Ophélie Kirsch : "La Défense avec un grand D"

« Papa…Que dois-je faire ? On me demande de tirer sur la foule, mes frères, mes sœurs, nos enfants. » Elle a respiré profondément, et a commencé sur ces mots. C’était il y a deux semaines, à l’occasion de la 23e édition du concours international de plaidoiries du mémorial de Caen. Ophélie Kirsch, jeune avocate marseillaise, y défendait la cause de Walid Adb Al Karim Al Qashami. « Walid », comme elle l’appelle. Un soldat syrien actuellement réfugié à la frontière de son pays et condamné à mort par contumace pour avoir refusé de tirer sur une foule de manifestants désarmés. D’une voix juste et assurée, elle a convaincu, ému aussi. Et gagné.

La jeunesse et le talent

Difficile pourtant à première vue d’imaginer ce petit bout de femme plaider avec brio devant un parterre de plus de 1500 personnes. Simple, naturelle, souriante, discrète. Et toute jeune. 27 ans exactement, avec à peine un an de barreau. « Nous avons été impressionnés par son talent » témoigne Ariane Weben, membre du jury et bâtonnière de l’Ordre à la Cour d’appel de Caen. Un talent qu’elle ne doit qu’à elle-même, et à sa passion. Aînée d’une fratrie de quatre enfants, elle naît en effet dans une famille totalement étrangère au monde juridique. Mais dès 14 ans, elle a trouvé sa vocation : elle sera avocate.

Bachelière, elle prend donc sans hésitation le chemin de la fac de droit et, après avoir partagé son enfance entre Saint-Germain-en-Laye, Strasbourg et Rennes, s’installe finalement dans la région à la suite d’une mutation paternelle. Elle entame alors sa 2ème de droit. La jeune juriste intègre enfin l’école des avocats, durant laquelle elle effectue un stage chez Dominique Mattei, le bâtonnier de Marseille – « mon modèle ». C’était il y a deux ans. Entre-temps, elle a prêté serment à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 5 janvier 2011, et a décidé d’exercer dans la cité phocéenne. Spécialisée dans le droit privé général, elle avoue sa préférence pour le pénal, « qui touche à la liberté individuelle » : « On y plaide beaucoup plus que dans le civil, plus pécuniaire. En prenant la parole, j’ai la vie d’un homme entre les mains. »

La défense et l’éloquence

Car ce qui l’a attirée dans cette profession, c’est véritablement la défense : « la défense avec un grand D ». Elle en a tout à fait conscience, et l’avoue dans un demi-sourire presque amusé : « J’ai une vision totalement idéaliste de l’avocat, défenseur de toutes les causes… Même si dans la pratique, on tombe parfois de haut ». Voilà d’ailleurs pourquoi elle s’est inscrite sur la liste des avocats commis d’office : « J’estime que chaque citoyen, même un violeur, a le droit à une défense. Et c’est le devoir de l’avocat que de remplir ce rôle ».

Mais la défense ne serait rien pour elle sans l’éloquence. C’est bien par l’art de la plaidoirie qu’elle entend se faire le porte-parole des personnes en difficulté : « les écrits et les actes fondent notre travail, mais il faut les sublimer par sa parole ». Un art qui la passionne depuis toute jeune et dans lequel elle est manifestement plutôt douée : elle a pratiqué le théâtre et a été sélectionnée à 18 ans pour la finale régionale d’un concours d’éloquence en Bretagne, avant de s’imposer en février dernier, quelques semaines seulement après avoir prêté serment, au concours de plaidoiries de Marseille. Alors, quand on lui suggère de tenter sa chance au concours international de Caen – une référence en la matière – elle se dit tout simplement : « pourquoi pas ? ».

La chance (un peu) et l’intelligence

Il y a 6 mois, elle se lance donc dans ce nouveau défi. Seule obligation imposée aux candidats : la plaidoirie doit concerner un cas individuel, réel et actuel de violation des droits de l’Homme. Elle contacte alors Amnesty international, qui lui parle de Wallid, un soldat syrien de 21 ans condamné à mort par contumace pour avoir refusé de tirer sur la foule. C’est décidé, elle défendra sa cause, et par son intermédiaire celle du peuple syrien. Un choix qui, de l’avis de tous, a joué en sa faveur : « J’ai eu de la chance avec la conjoncture des évènements, explique-t-elle. Au moment de choisir, je me doutais que le conflit ne serait jamais résolu aujourd’hui. C’est sûr que ma plaidoirie aurait eu beaucoup moins d’impact si cela avait été le cas ».

Mais son choix était surtout judicieux : « la cause qu’elle défendait était à la fois d’une actualité parfaite et interrogeait un thème universel : faut-il répondre favorablement à un ordre injuste ? » indique Alain Tourret, vice-président chargé aux droits de l’Homme du Conseil régional de Basse-Normandie. « Elle a adopté un point de vue très original. On a l’habitude d’entendre parler des victimes civiles, mais là, elle a proposé une analyse des victimes par ricochet » a expliqué de son côté Ariane Weben, avant d’ajouter : « Nous avons apprécié la qualité de son propos, le choix des mots, l’émotion de son intervention, la pertinence de son analyse ». Le tout sur « un ton qui était juste, pas trop larmoyant, en même temps juridique et émotif ».

L’émerveillement et la conscience

Une performance qui ne doit pas occulter le plus important. Certes, elle ne le nie pas,  « chacun avait envie de gagner », mais « il n’y avait pas d’esprit de compétition. On avait tous en commun cette volonté de défendre une cause, les droits de l’homme. ». « Au moment de prendre la parole, je me suis sentie transportée. Le temps de quelques instants, j’ai pu incarner ce rôle d’avocat tel que je le rêve ». En évoquant ces moments, son visage s’illumine. Ses mains se portent naturellement sur sa poitrine et ses grands yeux pétillent, comme ceux d’un enfant à l’heure d’un souvenir heureux : « J’étais dans un autre monde… Je me bats pour vivre des moments comme ça ».

L’émerveillement, mais aussi la conscience : « Ce qui est génial, c’est que tu plaides la cause d’un cas réel. Je connais les risques, mais il faut en prendre et s’investir pour des causes aussi nobles. Notre rôle d’avocat est magnifié par la tribune internationale offerte pour la défense d’une personne bafouée dans ses droits. Cela donne la possibilité à son petit niveau de faire quelque chose pour quelqu’un. J’espère désormais que quelqu’un va se servir de ça pour en faire autre chose ». Il semble qu’Ophélie Kirsch ait aujourd’hui réussi son pari : elle reçoit des mails du monde entier, comme celui d’un compatriote de Wallid, qui lui écrit simplement : « Merci pour le peuple syrien ». Et si le retour à la réalité est un peu difficile, elle compte bien poursuivre le rêve sur la route des grands concours de plaidoiries. Sans bien sûr oublier son combat pour Wallid.

Un lien Découvrez la plaidoirie d’Ophélie Kirsch : « Un héros ordinaire »

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Commentaires

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  1. kolng kolng

    ouais, pas mal, mais franchement de là a faire une envolée lyrique sur le talent d’orateur de le jeune femme….

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  2. eriberi eriberi

    L’envolée lyrique ne concernait pas tant le talent d’orateur de la jeune femme que l’idéal qu’elle porte et qu’elle ne veut pas perdre…

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  3. carnap carnap

    Un concours de plaidoieries ? c’est déontologique ça ?
    quelle comédie

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