NKM veut sortir le tunnel du Rove des poubelles de l’histoire

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le 23 Mai 2011
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« Que d’eau, que d’eau, que d’eau« , comme disait Mac Mahon. Jeudi dernier, avant d’aller faire la claque pour son ami Renaud Muselier au vrai/faux débat sur la gestion des eaux marseillaises, le cortège ministériel de Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre du Développement durable, s’est arrêtée en chemin entre Marignane et le parc Chanot, du côté du Rove.

Une pause peu médiatisée. Pour suivre NKM, il fallait être équipé d’un bon GPS, les indications de ses services de presse étant plutôt floues. Cette discrétion, quelle soit volontaire ou non, traduit parfaitement un certain malaise, une certaine gène, qui entoure le sujet, qu’elle venait traiter : le remise en eau du tunnel du Rove. Une incroyable réalisation du début du XXe siècle qui est aujourd’hui tombé dans les poubelles de l’histoire.

5000 ouvriers

Et pourtant, avec presque 8 km de long, 22 mètres de large et 15 mètres de hauteur, il figure toujours dans le Guiness Book comme le plus grand tunnel maritime au monde. A une époque où les transports routiers n’existaient pas, l’idée était de relier Marseille au Rhône, via l’Etang de Berre, afin d’approvisionner la ville. Un tunnel qui nécessita des années de travail, interrompues par la première guerre mondiale, qui fit travailler entre 3000 et 5000 ouvriers, dont beaucoup d’italiens et d’espagnols, et qui fut ouvert le 23 octobre 1926, et officiellement inauguré le 25 avril 1927 par le président de la République d’alors, Gaston Doumergue, le vrai « Gastounet ».

Il fonctionna pendant presque 40 ans (en 1955 les journalistes de l’ORTF avaient fait le voyage) et s’arrêta brutalement le 16 juin 1963, suite à un effondrement. Une histoire parfaitement racontée dans ce court documentaire réalisé par la webtv provence.tv. Ne vous arrêtez pas à la voix off de départ un peu old school , allez jusqu’au bout , vous verrez c’est passionnant. Magnéto provence.tv :

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NKM est donc venue annoncer la remise à l’eau, qui devrait être effective en 2016, avec un démarrage des travaux en 2013. Ce chantier à 11 millions d’euros qui fait partie des réflexions du groupement d’intérêt public pour la réhabilitation de l’étang de Berre (Gipreb, depuis janvier 2011 syndicat mixte de l’Etang de Berre, il regroupe Etat, collectivités, associations…). Une « courantologie » comme disent les spécialistes, mais dans un seul sens, de la mer vers l’étang. Ou plus exactement d’abord vers l’étang de Bolmon, qui jouxte l’étang de Berre à Marignane, séparé par la bande de terre du Jaï, comme vous pouvez le voir sur cette capture Google Earth :

 

Cette courantologie devrait permettre de resaliniser et de réoxigéner l’Etang de Berre, notamment sa partie ouest. Car on le sait peu mais, en plus des risques liés à la pétrochimie, la principale pollution qui frappe l’étang – « la petite mer des oubliés » – c’est le déversement pendant des années d’eau douce de la Durance dans cet étang, via l’usine hydroélectrique de Saint-Chamas. Entre les années 60 et les années 90, l’étang de Berre recevait par an près de 3 fois son volume en eau douce !

Condamnation de l’Europe

Le plus grand étang d’eau salée d’Europe s’est transformé en une catastrophe écologique, ses eaux saumatres – pas vraiment salées, pas vraiment douces – ayant tuées quasiment toute sa faune et sa flore. Suite à l’échec du « plan de reconquête de l’étang de Berre » (dit plan Barnier, lancé en 1993 par le ministère de l’Environnement) et à une mobilisation citoyenne des pêcheurs et des riverains l’Europe a condamné en 2004 la France et obligé à ce que l’usine baisse fortement ses rejets d’eau douce.

Depuis, les choses semblent – un peu – s’améliorer. Mais en créant ce nouveau déversement d’eau de mer dans l’Etang, cela permettrait de créer un nouveau courant et éviterait également à l’eau de croupir, comme c’est le cas notamment aujourd’hui dans l’étang de Bolmon. La seule ouverture avec la mer pour l’instant étant le canal de Caronte vers Martigues.

Cette histoire du canal du Rove est aussi l’histoire de Marseille. Qui a choisi depuis des années de se boucher le nez et de regarder ailleurs. « Disons les choses plus brutalement : l’étang de Berre est comme une grande flaque odorante qui s’intégre mal à la « bonne image » de la Provence qu’ont progressivement coproduite les ethnologues, les résidents secondaires et les professionels du tourisme. L’étang fait tache » a écrit le sociologue Jean-Louis Fabiani en préface du très beau livre du photographe Franck Pourcel « la petite mer des oubliés »

 

Pourtant, on ne pourra pas construire cette grande métropole marseillaise, qui pourrait inclure les communes de l’Etang, sans réfléchir à leur avenir. On l’a vu récemment avec le profil climat de Marseille Provence Métropole : seule, la collectivité est dans les clous du Grand Lyon ou de la métropole lilloise, mais avec son pendant industriel – exclu de son périmètre – le bilan carbone est doublé…

Avenir qui se dessine aussi peut-être un jour via un monde sans pétrole. Il faudra alors penser à la requalification, de ce qui à été un des plus beaux endroits de Provence. OK, il y a encore du temps. Mais la réouverture du tunnel du Rove peut-être le début d’une relation nouvelle entre Marseille et Berre. Aujourd’hui juste faire de nouveau passer l’eau et pourquoi pas demain des bateaux ?

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Commentaires

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  1. Anti-mafia Anti-mafia

    Très bel article, lié à la thématique de l’eau et du Grand Marseille…!

    Léger désaccord néanmoins avec “Suite à l’échec du « plan de reconquête de l’étang de Berre » (dit plan Barnier, lancé en 1993 par le ministère de l’Environnement) et à une mobilisation citoyenne des pêcheurs et des riverains l’Europe a condamné en 2004 la France et obligé à ce que l’usine baisse fortement ses rejets d’eau douce.”

    En effet, c’est le plan Barnier qui introduit une première réduction des rejets d’eau douce (-35 %) et de limon (-50 %).

    Puis, à partir de 2004, le lissage est expérimenté, et les rejets d’eau douce encore revus à la baisse.

    La pêche dans l’étang, interdire en 1957, est rétablie dès 1994.

    Bref, si le plan Barnier n’a pas suffi à lui seul à rétablir un équilibre suffisant, il fut un premier pas nécessaire et salutaire. Le qualifier d’échec est un peu rude.

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  2. casanovette casanovette

    Les baignades extraordinaire qu’on s’est fait là bas, étant jeune … au Jaille ! C’est inouïe, ce qu’on en a fait … destruction programmée ! Madame NKM compte-t-elle réitérer sur terre, avec l’affaire Gaz de Schistes ? Vu le “foutage de gueule” permanent qu’elle promeut, tout semble l’indiquer !

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  3. yvettedu13 yvettedu13

    Article très intéressant sur un lieu que tout le monde connait et qui était cher aux provençaux.
    Il est temps de s’en occuper.

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  4. Fredo Fredo

    L’étang de Berre mis à genou par des rejets d’eau douce est une douce fable. Non pas que ce ne soit pas un problème à part entière, mais si cette zone est durablement sinistrée c’est bien et d’abord à cause des rejets de l’industrie pétrochimique. Mais là les élus du Gipreb préfèrent se taire, trop de taxe professionnelle en jeu. Dégazages de nuit, sols de l’étang truffés de produits chimiques dangereux. Mais il vaut mieux ne pas parler de ça. Ca arrange tout le monde de tout mettre sur le dos d’EDF; les élus qui perçoivent de belles taxes, les habitants employés des industries, les pêcheurs et les agriculteurs qui ont besoin que l’on pense qu’il n’y a pas de pollution dangereuse dans la zone.

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  5. Biaggio Biaggio

    Et oui pendant longtemps s’opposer à EDF c’était s’opposer au progrès, à l’emploi et à la CGT…cela n’a pas empêché EDF de pourrir l’étang de façon bien plus importante que la pétrochimie de Martigues

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  6. Don Don

    Simplement un fait historique, l’armée allemande quelques temps avant la fin de l’occupation avait décidé de faire sauter l’entrée du tunnel côté Marignane. Quelques jeunes marignanais, dont Laurens Deleuil, futur maire de Marignane et mon Papa l’en avait empêché.
    Ce n’est qu’un fait qui restera discret mais qu’il fallait citer !

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  7. etranger etranger

    Papa et son frère ayant construit un canoé, ont descendu la Saone puis le Rhone et son arrivés à Marseille par le tunnel du Rove.
    J’en ai quelques photos mais je ne sais ou ellles sont.

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  8. druide67 druide67

    C’est pas trop tot!

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  9. Marius Marius

    Le massacre de l’Etang de Berre, que nos parents ont connu propre, poissonneux, riche en oursins et en moules, a été une honte.

    Il est possible que le tunnel du Rove ne serve que marginalement à du trafic commercial, car on n’est plus dans la première moitié du siècle précédent.
    Mais ne servirait-il qu’à assainir partiellement l’Etang par apport d’eau de mer, que ce serait à soi seul une raison valable de le remettre en état.

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  10. evony evony

    J’ai traversé ce tunnel à la fin des années 40 début 50 (49? 50? 51? je ne sais plus exactement) dans le sens Marseille étang de Berre sur la péniche de mes grands-parents “la Railleuse”

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