Moi, Sylvie Andrieux, reine d'Angleterre à la barre

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le 14 Mar 2013
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Moi, Sylvie Andrieux, reine d'Angleterre à la barre
Moi, Sylvie Andrieux, reine d'Angleterre à la barre

Moi, Sylvie Andrieux, reine d'Angleterre à la barre

Depuis l'ouverture du procès le 4 mars, Sylvie Andrieux n'a desserré les dents que pour répondre aux journalistes en marge de l'audience et poser une question au président du conseil régional Michel Vauzelle, venu en tant que partie civile. Finalement appelée à la barre ce jeudi, la députée PS a fait face toute la matinée aux questions de la présidente Christine Mée puis à celles de l'avocat de la collectivité et du procureur durant l'après-midi.

Face aux accusations de détournement de fonds public, sa défense a semblé tout d'abord faite d'un seul bloc : "On ne me fera pas dire que je jouais un rôle qui n'étais pas le mien". C'est-à-dire aucun – "la reine d'Angleterre" avait-elle dit aux enquêteurs – sur tous les points abordés successivement par la juge. "Jamais de ma vie quelqu'un ne m'a parlé de dérives. Jusqu'à la veille tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes."

Le rôle de sa vie

N'avait-elle pas déjà un rôle politique prépondérant entre 1992 et 1998, quand elle négociait avec la droite de Jean-Claude Gaudin "une enveloppe" pour soutenir ses dossiers ? "Je réfute catégoriquement cette argumentation. Le mot enveloppe, ça me dérange beaucoup déontologiquement. On a l'impression que des choses se passent sous la table, au contraire, on a impulsé des orientations politiques", a-t-elle répondu. "On", c'est le groupe socialiste dont elle était certes présidente mais davantage dans le rôle d'une "animatrice", "jeune", "épaulée par de grands élus" cités maintes fois (Élisabeth Guigou et Jean-Louis Bianco, alors ministres, et Lucien Weygand, président du conseil général). Bref, "Sylvie Andrieux a eu de la chance". Oui, oui, elle parle d'elle à la troisième personne.

Après l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1998, elle s'occupe surtout d'habitat et de foncier, de grands dossiers comme Iter. "Dans cette délégation, la politique de la ville ne prenait ni mon temps ni mon attention en direct", assure-t-elle. De toute manière, à la région, c'est Michel Vauzelle qui avait tout en main : "Le pouvoir quand vous en avez trop, vous êtes tenté d'en abuser, oui, il a été complètement centralisé".

Voilà pour l'historique de ses (maigres) attributions, mais qu'en faisait-elle ? Quid de la ligne budgétaire R950 qui permettait, sans critères et à son usage pour la plus grande part, de subventionner des associations ? "Je l'ai découverte il y a peu, quand il y a commencé à avoir des soucis. Ce n'est pas le rôle d'un élu de lire le budget." Qu'elle ne connaisse pas précisément le nom de code attribué aux fonds dont elle avait la charge, soit. Mais c'est bien elle qui soutenait les fameux dossiers signalés, étudiés prioritairement – pour ne pas dire les mains liées – par les services ? "À aucun moment je n'ai défendu ni présenté un dossier, je passais par le groupe".

Balalas s'occupe de tout, elle du reste

Mais que faisait donc la vice-présidente de ses journées ? Elle allait à l'Assemblée, même si elle est "contre le cumul des mandats", et surtout elle était sur le sacro-saint "terrain", sa circoncription et son secteur municipal, le 13/14. "Je venais rarement à la Région", est-elle même prête à admettre. Pas besoin, puisque Rolland Balalas, secrétaire général du groupe puis son attachée parlementaire "avait toute latitude. Il avait toute ma confiance je pouvais rester des semaines et des semaines sans venir au groupe." D'ailleurs, lorsqu'elle a appris par un jour d'automne 2007 l'existence d'une enquête de police sur des associations, son premier réflexe a été de l'appeler, "car c'est lui qui gérait tout". Sa seule intervention était de "lui faire passer les dossiers".

Je reçois trois matinées par semaine. J'ai énormément de rendez-vous, je reçois tout le monde 10 minutes maximum. J'aime ce lien social. Je demande si ça rentre dans une vision régionale, si ça rentre dans des critères, je leur dit de prendre un rendez-vous, je téléphone en direct à Balalas. Par contre je n'ai jamais eu de dossier physique.

Inutile donc de parler de pressions pour faire passer des subventions… "Je suis incapable de donner le nom des fonctionnaires, je n'ai jamais appelé dans les services, le lien social avec les gens c'est ça qui m'intéresse (…) Je suis pour la séparation des pouvoirs, l'administration c'est l'administration je n'en suis pas la cheffe", maintient-elle. "Ce n'est pas ce que dit le code général des collectivités territoriales mais on ne pas pas épiloguer", commentera plus tard l'avocat de la Région.

Lequel se verra opposer les mêmes réponses que la juge à ses questions insistantes soulignant que beaucoup se réclamaient de son embauche. "Je ne décide jamais seule d'une embauche d'un administratif de la région", quand bien même il s'agirait d'une cousine germaine. Ca ne l'a pas empêchée, quelques minutes plus tard, de glisser qu'elle a "eu la chance de pouvoir faire embaucher des gens dans mes divers mandats".

À l'attaque

Et en fin d'audience, chauffée à blanc par le procureur, de se montrer très informée sur ces pratiques : "La moitié du cabinet du président vient d'Arles (dont il était maire, ndlr). Sur les 4000 collaborateurs du conseil régional je peux vous sortir nom par nom qui a embauché qui, qui est marié avec qui, qui a fait rentrer ses enfants. On va rentrer dans un engrenage… Je suis très, très à l'aise".

C'est l'autre facette de sa défense, accusatrice et pour tout dire victime d'une enquête où "tout commence et tout finit avec Sylvie Andrieux". Contrairement à la première partie, elle parle alors moins souvent d'elle à la troisième personne, part dans des diatribes entre deux doses de pathos sur les difficultés des quartiers Nord. "J'ai été pudique jusqu'à présent mais maintenant ça suffit. On a jeté l'opprobre sur mon honneur, ma famille, les élus qui me sont proches".

Les mots plus durs contre les collaborateurs du groupe socialiste, qui ont clairement affiché le lien entre subventions et élections, affirmant qu'ils l'avaient alertée sur les risques de dérives. "Les mêmes qui étaient sympathiques à mon endroit n'avaient pas de mot plus charmant, se cotisaient à mes anniversaires, font des déclarations à mon encontre, enfoncent le clou." Pourquoi tant de haine ?

Quand on veut sauver sa peau et qu'on a commis des choses inqualifiables, je pense qu'on a intérêt à se couvrir, grossièrement et honteusement.

Surtout, ils sont sous la coupe de Rolland Balalas, "cerveau" de la magouille selon l'expression d'un des prévenus côté associations. Lui aura droit à une contre-attaque en règle. Brassant large, elle énumère les "énormités" qu'elle dit avoir "découvert en décortiquant chaque feuillet du dossier". A quoi ça sert de payer un bataillon d'avocats…

Balalas, un "indic haut placé"

Au cours d'une perquisition, on a retrouvé dans son jardin "une Mercedes, une BMW, un multivan 4×4 d'une association, le Judo Karaté Club de l'Estaque", cité dans un autre procès. On y a aussi découvert un bulletin de salaire de sa femme d'une association subventionnée et une enquête "de la police du Vaucluse sur mon mari". Car Balalas est "un indic haut placé". Il s'est d'ailleurs associé dans une société du bâtiment avec l'un des policiers, Jean-Christophe Chuyen, qui a une troisième casquette de président d'une association qui touche des subventions du conseil régional. Vous suivez ? Au cas où l'assistance n'aurait pas compris, Me Di Marino, avocat d'Andrieux, a fait quelques sous-titres : "Ça correspond absolument aux déclarations de M. Benamar", selon lesquelles Balalas voulait se lancer dans le BTP pour détourner des fonds.

Dans les campagnes électorales, on appelle ça des "éléments nouveaux de polémique", de ceux qui sont interdits la veille du scrutin car difficilement vérifiables. Même si on est au tribunal, ça n'a visiblement pas plu au procureur Blachon qui s'est attaché à rectifier des "mensonges". "Saviez-vous que M. Chuyen est en disponibilité de la police ?", a-t-il interrogé. À la version sous-entendue d'un Balalas alimentant une enquête politique pour faire tomber Andrieux, il a proposé une hypothèse  alternative : "Il se serait renseigné sur une procédure qui était susceptible de mettre en cause votre époux pour vous protéger". Protestations sur les bancs de la défense.

Quant à la boîte de BTP, elle a été créée en février 2009, alors qu'il était déjà mis en examen et sous contrôle judiciaire. Si l'on ne s'en tient qu'aux actions, il y a mis 200 euros, il en a tiré 6000 euros deux ans plus tard. On a vu mieux comme combine discrète. Nouvelle question du proc' en forme de réponse : "Saviez-vous que M. Balalas était membre de ce club de judo" et qu'à ce titre il a pu se voir confier l'utilisation d'un véhicule, par exemple pour des déplacements sportifs. Renseignements pris, la Mercedes serait une simple Renault Clio et sa femme serait employée dans une société tout ce qu'il y a de plus privée. "Si Rolland Balalas est là renvoyé, c'est peut-être pour quelque chose, mais ça ne veut pas dire que Sylvie Andrieux ne l'est pas pour rien", balaye l'avocat de la Région. La députée a une semaine pour roder sa défense, après la plaidoirie de la partie civile et le réquisitoire du procureur lundi.

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Commentaires

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  1. Ellemra Ellemra

    Pour le dire vulgairement, en matière de mauvaise foi, elle craint dégun !

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  2. kerozene kerozene

    encore une grand mère de la politique qui se croit irremplaçable. A quand le non cumul des mandats dans la durée ?

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  3. Jean Kéhayan Jean Kéhayan

    Vive l’Etat de droit et la présomption d’innocence. Mais pour qui connaît de près les pratiques de Sylvie Andrieux, il y a quelque chose de pathétique à la voir nier une réalité que tout le monde connaît depuis des lustres.

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  4. joseph F. joseph F.

    Voilà qui n’est pas banal: un procureur qui défend un prévenu contre un autre prévenu en utilisant un argument qui justifierait des poursuites au nom du code pénal. Si M. BALALAS utilise le véhicule d’un club auquel il appartient et pour lequel il a participé activement à l’attribution de subventions, il commet une prise illégale d’intérêt (Article 432-12 du code pénal). Idem pour le bulletin de salaire de Mme BALALAS. Par ailleurs, quel est le rapport entre le fait que Mme BALALAS soit employée dans une société privée et le fait que la police ait retrouvé un bulletin de salaire à l’entête d’une association subventionnée au nom de Mme BALALAS. L’un ne justifie pas l’autre. Les informations évoquées sont vraies ou fausses, personnellement je n’en sais rien. Si elles sont vraies, que le parquet poursuive ou non sur la base de l’article 432-12 du code pénal, on peut avoir un doute plus que sérieux sur la façon de faire de M. BALALAS à l’époque.

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  5. Anonyme Anonyme

    Elle a déjà prévu de faire appel, puis d’aller en cassation, et après à la cour européenne de justice. En 2023, elle sera condamnée définitivement à un peu de sursis, mais entre-temps ses avocats auront dégoté un vice de procédure ou les politiques auront voté une n-ième amnistie, ainsi va la vie des politicard(es)+ ou – véreux(ses)

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  6. Pascalou Pascalou

    Vauzelle aurait du la dégommer avant hier !!! Résultat c’est lui qui se fait charger !
    Pas de couilles ce Vauzelle…
    Pauvre Sylvie, C’est vrai qu’elle est au courant de rien et qu’elle préfère simplement recevoir la cours des miracles dans son bureau… elle fait du social : un place en crèche madame ? une place à la Région Madame pour mon fils ? une aide de la Région pour mes fils voyous ?
    C’est beau la politique du clientélisme pour obtenir des voix… elle récolte les desiderata et Balalas faisait le sale boulot…

    Sylvie : c’est vraiment malsain d’agir comme cela… cela rappelle de sombres heures de l’histoire de FRANCE de telles pratiques nauséabondes !

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  7. mars mars

    Alors c’est ça un élu de la République, un député représentant le peuple….Le spectacle qu’a donné Sylvie Andrieux au tribunal est affligeant. Mensonges éhontés, mauvaise foi, coups tordus, indignation feinte grossièrement, victimisation outrancière, syntaxe et vocabulaire plus qu’approximatifs, sens de la responsabilité proche du néant. Le spectacle que S.A. a donné est pathétique. Avec ce type d’élus, Marseille n’est pas prête de sortir de ses problèmes, et on peut mesurer la responsabilité des élus dans l’état de cette pauvre Ville. Marseille est martyrisée par ses élus.

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  8. Anonymuse Anonymuse

    Sylvie Andrieux, pathétique et ennuyeuse, si cela continue, je vais lâcher une larme…….

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  9. Anonymuse Anonymuse

    C ça le PS et à tous les étages, mêmes aux plus hauts….ne riez pas c avec notre pognon…!!!!!!!

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  10. fornairon fornairon

    “Sur les 4000 collaborateurs du conseil régional je peux vous sortir nom par nom qui a embauché qui, qui est marié avec qui, qui a fait rentrer ses enfants. On va rentrer dans un engrenage… Je suis très, très à l’aise”… Tout est dit!

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  11. Monsabert Monsabert

    Ce qui est drôle, c’est qu’elle dit en gros qu’elle ne mettait plus les pieds au Conseil Régional, que ce sont d’autres personnes de confiance qui s’occupaient de tout mais en même temps elle connaît tout le monde, elle a des dossiers sur tous… C’est drôle! tu as un mandat électif dont tu admets te contrefoutre (bonjour l’absentéisme) mais malgré ça, tu connais l’institution comme ta poche.

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  12. insulaire35 insulaire35

    le clientélisme ordinaire qui se dévoile dans ce procès est une asphyxie pour l’administration, et ses moyens : tel,qui a bénéficié d’un contrat de complaisance avec tel élu, passera en quasi CDI, dans un bon placard, au prochain changement, et ainsi de suite…
    Le non cumul des mandats est essentiel aujourd’hui, autant que les réformes structurelles locales, les tuilages et feuilletages des collectivités, agences, associations sont autant de niches possibles aux dérives de protections.

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  13. Tresorier Tresorier

    Plusieurs commentaires :

    – tous le monde embauche ses copains, sa famille et ses electeurs : on comprend l’inflation des impots locaux, l’inefficacite totale des collectivites locales, l’inflation des effectifs,….. On est devenu une veritable republique mafieuse ou bananiere,
    – le PS 13 devrait etre poursuivi pour tous ces detournements de fonds et atteinte a la democratie et interdit (je parle bien de la federation des Bouches du Rhone du PS, pas du PS lui meme),
    – la Commission Richard, l’inculpe David Ciot et le PS (dirige par Harlem Desir, deja condamne pour emploi fictif et amnistie de 80 000 FF de PV), ils ne devaient pas faire le menage ?,
    – les regions ont ete crees pour realiser des investissements structurants a la taille de la mesure, pas pour faire du social dans le 13/14. Il y a un total detournement du role de la region, qui genere des doublons dans les secteurs mediatiques (sport, tourisme, social, culture, ….) alors que la region n’ai pas foutu de remplir ses missions legales (TER, developpement economique, formation professionnelle, LGV,…),
    – ……

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  14. Anonyme Anonyme

    C’est aussi un bouc émissaire , elle ne doit pas être la seule coupable Tant d’argent qui sort du CR à coups de millions ou même de milliards , je ne sais pas ces chiffres me dépassent , je me suis arrêtée à 100 000 euros ! et le grand chef suprême , le grand manitou ne voit rien et ne devine rien et il laisse pisser ???? noon ! je n’y crois pas un brin ..

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