À la métropole, Gaudin va devoir faire avec le marais des maires

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le 8 Avr 2016
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Pour faire fonctionner la métropole, Jean-Claude Gaudin va devoir composer avec les six présidents de conseil de territoire et les 92 maires. L'émergence d'un groupe d'intérêt communal constitué autour de Georges Cristiani et rejoint par Maryse Joissains incarnera ce contrepoids des territoires.

Conseil métropolitain du 7 avril au Palais de l
Conseil métropolitain du 7 avril au Palais de l'Europe du Parc Chanot.

Conseil métropolitain du 7 avril au Palais de l'Europe du Parc Chanot.

Même le système de vote électronique a fini par lâcher le président Jean-Claude Gaudin. Entre les 8e et 9e rapports, il demande aux conseillers métropolitains de renoncer à utiliser les petits boîtiers qui permettent de prendre part aux scrutins. De la même façon, ils renoncent au vote à bulletin secret que leur assurait ce dispositif. Ce petit incident de séance a finalement été le vrai tournant de ce troisième conseil métropolitain.

Lors des huit premiers votes, le président Gaudin a dû faire face à de très courtes majorités. Sur le rapport 3 bis instituant la création des groupes politiques, Jean-Claude Gaudin n’a réuni que 73 voix et 122 abstentions sur 235 suffrages exprimés. À chaque rapport, il obtient le même score étriqué et il lâche au DGS de la métropole Jean-Claude Gondard à ses côtés : “Il y a un problème. Il y a trop d’abstention”. Dans l’opposition socialiste, on a noté le peu de voix. “Il n’a que celles des élus marseillais, clame Patrick Mennucci. Il n’a pas de vraie majorité.

Il y a surtout un vrai problème technique. Autour de Martine Vassal, des élus de droite votent pour et ne retrouvent pas leur suffrage dans les résultats. Le mot “bug” est finalement lâché en fin de conseil pour expliquer le recours au vote à main levée. Entre temps, le président Gaudin est passé d’une majorité à l’étroit à une forêt de bras au centre de l’assemblée. Sur les derniers rapports, il se paie même le luxe de jeter un œil “pour vérifier que personne ne s’oppose”.

Le clivage des six territoires

Il ne faut s’y tromper, cette forêt cache un marais indécis. À l’extrême-droite, à gauche, les élus pestent sur le seuil de 20 élus qui empêche le FN, le PS et le PC de constituer un groupe en attendant le vote d’un règlement intérieur “en septembre”. Mais, au centre de l’assemblée où dominent Les Républicains, la question des groupes agite tout autant. Faut-il se déterminer par rapport aux six territoires, construits sur les anciennes intercommunalités, sur le courant politique dominant du parti Les Républicains ou se rassembler autour de l’intérêt communal ?

Sans cesse, les discours oscillent entre ces tendances. Ainsi, lors du débat d’orientation budgétaire, les uns mettent en avant les grands projets métropolitains “sans stopper les projets communaux”, comme le formule Eugène Caselli (PS) mais en poussant un peu le curseur comme à Lyon, Lille ou Bordeaux. “Mais l’un ne peut se faire au détriment de l’autre, rétorque Yves Vidal, maire de Grans. Les stades et les ronds-points c’est ce qui fait la cohésion sociale et le contact avec la population.” Jean-Claude Gaudin joue le consensus en rappelant la logique du rapport d’orientation budgétaire constitué par Roland Blum sous le regard aigu de Gérard Bramoullé, bras droit de Maryse Joissains : “C’est un budget de transition, un budget de continuité des projets engagés dans les territoires”.

“La proportionnelle, c’est les sensibilités”

Car, plus que des “sensibilités politiques” que le président Gaudin dit vouloir ménager c’est  avec l’intérêt des territoires et des communes qu’il doit composer. Et quand ce n’est pas le cas, on le rappelle à l’ordre. Les groupes de travail sur le règlement intérieur et le pacte de gouvernance financier et fiscal sont constitués en fonction des courants politiques car “dans mon esprit, la proportionnelle, c’est le respect de ces sensibilités”, insiste Gaudin. Mais cela ne suffit pas, Georges Cristiani, artisan du groupe d’intérêt communal souhaite également que des maires de sa tendance soient représentés.

“Nous avons tenu compte de la représentation des sensibilités, j’ai ensuite accepté la proposition de Maryse Joissains d’y associer les six présidents de conseil de territoire, énumère le président. Le fait qu’il y ait eu des exécutions capitales (sic) entre les éléments de la gauche, je n’y suis pour rien”. Tout le monde rit quand on fustige le parti socialiste mais Gaudin cède à la demande. “Les six présidents de territoire choisiront un élu supplémentaire par territoire”.

Cristiani prend la main

Car Georges Cristiani apparaît comme le grand gagnant de cette lutte de groupes. Le sien compte 38 élus mais ne va pas s’arrêter là. Une fois la séance bouclée, Maryse Joissains glisse qu’elle renonce à créer son groupe territorial autour du pays d’Aix et souhaite rejoindre celui de Cristiani.

Au final, le groupe fondé par Roland Giberti autour des élus de l’Est de la métropole n’a plus vocation à s’étendre bien au-delà. “Nous avons 34 élus dont 28 maires, explique l’intéressé. Notre volonté est de représenter les petites communes. Mais comme avec le président Teissier à l’époque où nous avions créé ce groupe, nous nous inscrivons dans la majorité Gaudin”. Il sera donc la force d’appoint du noyau dur constitué par les élus marseillais, dont le groupe n’a pas encore été fondé. Mais que feront les autres ?

Territoire au singulier ou au pluriel

La présidente du conseil départemental, Martine Vassal a beaucoup travaillé pour rassurer et rassembler les maires ces dernières semaines. “Il faut sortir du débat marseillo-marseillais, insiste celle qui n’est plus l’adjointe de Gaudin. Ce qui compte pour eux, ce n’est plus l’étiquette politique mais la représentation des territoires”. Le maire de Salon, Nicolas Isnard est-il du même avis, lui qui annonçait vouloir créer son groupe territorial si l’unité la plus large ne se faisait pas ?

“Je n’ai pas changé d’avis, je suis pour la plus large représentation du territoire”, rétorque le jeune maire. Alors le territoire métropolitain au singulier ou les territoires communaux au pluriel ? “La représentation territoriale la plus large”, pirouette Martine Vassal tout en se félicitant de la souplesse syntaxique du français. Dans son dos, un autre élu souligne d’un clin d’oeil appuyé : “Ce qu’il faut surtout noter c’est que la métropole permet l’émergence de nouveaux axes politiques et d’une nouvelle génération”.

En attendant, ce lundi, Jean-Claude Gaudin réunit la première conférence métropolitaine des maires, histoire de remettre ces derniers au centre du jeu politique.

Correction le vendredi 8 avril à 16 H30 : Contrairement à une information donnée par son cabinet, François Bernardini dément rejoindre le groupe d’intérêt communal de Georges Cristiani.

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Commentaires

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  1. Laurent Lhardit Laurent Lhardit

    La Métropole efficace ne pourra pas s’embarrasser longtemps des engagements votés dans les intercommunalités avant l’entrée en fonction de la Métropole. Bon nombre des projets concernés sont des aménagements de confort pour des communes déjà largement dotées en équipements publics. Quand Yves Vidal dit que « les stades et les ronds points, c’est ce qui fait la cohésion sociale » on comprend le gouffre qui sépare encore des élus qui se vivent en père-noël de leurs administrés et la nécessité qu’ils se mettent maintenant à voir un peu plus loin.

    Car chaque habitant de la Métropole, qu’il habite Grans, Martigues, Saint-Antonin, Aix ou Marseille, sait que beaucoup des améliorations qu’il souhaite ne sont pas du ressort des communes. La question des transports et des mobilités est principale, car c’est elle qui permettra de résoudre bon nombre de handicaps, y compris en matière d’emplois et de logement, et c’est donc elle qui devrait en toute logique concentrer dès maintenant l’essentiel des moyens.

    Jean-Claude Gaudin est enfermé dans ce jeu pervers. Budgétairement, il a devant lui le constat des manœuvres menées par les communes depuis de longs mois, y compris par lui même à Marseille, depuis qu’elles ont compris que la Métropole était inéluctable, et qui plomberont durablement les finances de la Métropole s’il ne revient pas dessus.

    Le sujet lié, c’est celui du mode d’élection des conseillers métropolitains. Pour l’instant, on ne peut être élu à la métropole que si l’on a été élu dans une commune. La réforme du mode d’élection des conseillers métropolitains est donc un enjeu de toute première importance si l’on veut que les prochains élus métropolitains aient en tête autre chose que la défense d’un territoire communal.

    Laurent Lhardit, conseiller PS du 3e secteur, Marseille

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    • Trésorier Trésorier

      Parfaitement d’accord avec vous.
      Mais il fait à la métropole ce qu’il a fait à MPM. Vider la collectivité de ses compétences, de ses choix et de ses finances.

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  2. Manipulite Manipulite

    L’ancien monde n’a pas disparu ; clientélisme au travers de ces groupes foisonnants !
    Ces petits élus municipaux ont-ils le sens de l’intérêt général ?

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  3. Regard Neutre Regard Neutre

    Yves Vidal fait partie de ces nombreux élus locaux qui se sont « nourris », durant de 35 ans, de la politique. Leurs pouvoirs de faire tout et n’importe quoi, datent de l’acte 1 des lois de décentralisation. Aucun grand projet structurant de compétence métropolitaine, n’a vu le jour depuis ces trois décennies. Aussi, on constate que leur vision d’aménagement du territoire s’arrête stricto sensu aux limites communales. En fait, les communes sont devenues des baronnies, au sein de laquelle le Maire règne. Même l’Etat y perd la main sur leurs décisions d’orientation stratégique ; son seul recours reste les coups de rabot dans les épaisseurs budgétaires et les dotations globales de leur fonctionnement. Mais les maires, qui ont vite compris, compensent en augmentant, en sourdine, les impôts locaux, au motif que c’est la faute de l’Etat. Les contribuables se perdent en conjecture dans la crème du millefeuille. L’addition est aujourd’hui insupportable pour les propriétaires.
    On pourrait recenser à l’infini le nombre incalculable de ronds-points, aménagés à l’initiative des maires, qui n’ont pas ou peu d’intérêt sur la sécurité routière et qui nuisent souvent à la fluidité de la circulation pénalisant ainsi l’usager dans les déplacements pendulaires. Time is money…
    Quand au stade, laissez-moi rire, quand Yves Vidal, maire de Grans, claironne —« Mais l’un ne peut se faire au détriment de l’autre, les stades et les ronds-points, c’est ce qui fait la cohésion sociale et le contact avec la population. »— Allez vérifier, autour du stade de Grans, situé en pleine campagne, si la cohésion sociale existe le dimanche matin ou même les jours de Kermesse;vous aurez des difficultés à compter les pèlerins. Cette politique a plombé pour longtemps les finances publiques communales. Le nombre de stades abandonnés et sans entretien, car coûteux, est peut être aussi grand que le nombre de communes.
    Alors, je crains qu’avec ce type de réflexions stratégiques, l’avenir de la Métropole soit compromis, en un seul mot évidemment…

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    • JL41 JL41

      Le maire de Grans ne communique peut-être pas sur ce qu’il s’est passé de meilleur sur sa commune. Si la plateforme logistique de Grans-Miramas s’est faite en partie sur sa commune, c’est parce que le maire de Grans a gagné le bras de fer qui opposait les deux rivales de Salon et de Grans pour accueillir des activités. Opposé au départ, le maire de Grans, poussé par la CCIMP a fini par déclasser les terres agricoles qui permettaient de réaliser l’opération. Des cultures de pommiers, un secteur en crise dans le département. Ces 5 dernières années, la commune a gagné 475 emplois dont 297 dans la logistique (source Urssaf). N’importe quel maire serait réélu pour moins que cela !

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  4. Regard Neutre Regard Neutre

    @JL41—”Opposé au départ, le maire de Grans, poussé par la CCIMP a fini par déclasser les terres agricoles qui permettaient de réaliser l’opération”— Tout est dit, l’initiative vient bien de la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille Provence qui, comme vous le savez, a pour vocation d’appuyer les entreprises dans leur développement — le secteur privé est en l’espèce le premier impliqué — .On peut aussi avancer facilement que le positionnement géographique de la commune de Grans , riveraine et contigüe à Miramas ,a fait le reste. La Région et l’Etat ont dû de leurs côtés, appuyer le projet pour faire plier les résistances communales ou intercommunales. Le projet, eu égards aux enjeux économiques, se serait réalisé avec un autre Maire, peut être avec un gain de temps…Prêter la création de 475 emplois au Maire actuel de Grans me fait aussi sourire.

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    • JL41 JL41

      Le bon positionnement de cette opération aurait été Salon-Grans, mais il aurait fallu déclasser des terres agricoles de maraîchage, ce qui n’était pas vraiment envisageable. Grans-Miramas permettait de sauver la zone industrielle de Miramas, parvenue à un état de foutoir. Mais tandis que Grans gagnait 197 emplois logistiques ces 5 dernières années Miramas en perdait 175 et le solde des emplois est négatif sur la commune. Je ne sais pas comment évolue cette plateforme logistique publique, mais elle enregistre aussi le trafic rail-route le plus faible de tous les chantiers combinés de France. Je n’ai pas d’explication. Mais pendant ce temps là, la zone logistique privée de St-Martin-de-Crau, qui dépend de la CCI d’Arles et qui se trouve hors métropole, gagnait 447 emplois logistiques.
      Tout cela, comme le « village commercial de marques » créé à Miramas, se faisait dans des logiques communales, chaque maire essayant de capter des emplois, une fréquentation commerciale et de la taxe professionnelle pour son propre compte, les clés de la réélection. La métropole devrait permettre de se sortir de cette logique de territoire morcelé avec ses effets pervers et permettre de traiter chaque question à sa bonne échelle. Mais certaines prérogatives que les maires souhaitent garder, comme l’urbanisme et la délivrance des permis de construire, laissent la porte ouverte à un certain retour au passé.

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  5. leravidemilo leravidemilo

    “Il ne faut pas s’y tromper, cette forêt cache un marais…” . A Marseille c’est souvent le cas (et même un marigot!). M Gaudin n’aime pas les petits groupes ? Qu’on apporte à M Gaudin des grands groupes, indécis et mouvants de préférence. A lui de se dépatouiller avec “…la force d’appoint du noyau dur… dont le groupe n’a pas été encore fondée.” et autres joyeusetées “territoriales”!

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  6. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    “Les stades et les ronds-points c’est ce qui fait la cohésion sociale…” Pathétique foutage de gueule, ou M. le Maire pense-t-il vraiment une telle imbécillité ? Il appartient vraiment à cette génération périmée de maires bétonneurs qui ont créé la “France moche” (dénoncée ici : http://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php) sans préserver ni le centre-bourg (lieu de la “cohésion sociale” d’antan) ni la qualité de vie de leurs administrés.

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  7. Trésorier Trésorier

    Comme prévu, la métropole va se résumer comme MPM a une caisse commune ou les baronnies locales vont puiser fonds et compétences sans aucune vision ni projet d’avenir commun.

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