Marseille-Provence 2013 au rapport

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le 15 Juil 2014
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L'association Marseille-Provence 2013 n'a pas encore totalement tiré sa révérence. Avant de baisser définitivement le rideau, elle se soumet à un dernier examen critique. Logique, si l'on se souvient que l'obtention du titre de capitale européenne est astreinte à une exigence : le contrôle en externe des effets de la capitale sur le territoire. Ainsi, une étude indépendante en cours d'achèvement a été conduite par le cabinet de consultants Euroval – épaulés par le cabinet Occurrence – et soumise à l'expertise de James Rampton. Ce consultant est chargé depuis 2009 de réaliser les évaluations des capitales européennes. Le but ? Mesurer, entre autres sujets abordés, les impacts de la capitale sur les pratiques culturelles et le rayonnement du territoire. Pour ce faire, une série d'entretiens a été menée auprès d'un petit nombre acteurs culturels mais aussi institutionnels, économiques et sociaux présents sur le territoire. Marsactu a pu consulter le rapport, prévu à la publication en septembre prochain.

En avant-propos, les auditeurs posent les limites de leur analyse : l'évaluation n'a pas été pensée très en amont par les acteurs de la capitale. Elle n'a pas été intégrée à leur mode d'organisation. D'autre part, ils ont dû affronter deux écueils dans leur enquête : l'omniprésence de Marseille au détriment des autres villes et la lassitude des acteurs qui n'étaient plus trop disponibles pour parler culture une fois la fête finie. Du coup, le document est assez tiède dans ses prises de position, se contentant souvent de reprendre des critiques déjà formulées notamment dans la presse. Pour l'essentiel, les données qu'il exploite proviennent de l'association elle-même ou de la Chambre de commerce (CCIMP) pour ce qui est des retombées économiques et de l'attractivité du territoire. Ce n'est donc pas à ce chapitre que l'on trouve les analyses les plus pertinentes. C'est plutôt dans la première partie consacrée aux effets sur le secteur culturel que les éléments sont plus éclairants.

L'appel à projet, "délit" de favoritisme ?

La critique la plus dure concerne la méthode mise en oeuvre par l'association MP 2013 pour sélectionner les projets et construire sa programmation. En effet, en amont de l'année capitale, celle-ci a choisi de lancer un appel à projets en direction des principaux acteurs culturels du territoire. Le recours à cette méthode a été plutôt mal vécu. La plupart des gros acteurs du secteur ont chacun présenté un ou plusieurs projets afin de multiplier leurs chances d'être retenus. Cela a causé une surcharge de travail importante et beaucoup de frustration du côté des candidats qui ont souvent attendu en vain une réponse formelle de la part de MP2013. Ainsi sur 2500 projets présentés un an après le lancement de l'appel, 500 courriers de refus ont été envoyés, et 400 projets environ sélectionnés. Les autres projets n’ont jamais reçu de réponse formelle.

Ce flou persistant a entraîné une suspicion de la part des acteurs culturels qui voyaient dans le mode de sélection la marque d'un certain favoritisme. D'un autre côté, les collectivités ont également regretté de ne pas avoir davantage été consultées pour les choix, découvrant au dernier moment les projets choisis sur leur territoire sans être associées suffisamment en amont à leur mise en place.

Cette méthode est une des causes du déséquilibre de la programmation de l'année culturelle et explique notamment la surreprésentation du spectacle vivant puisque ce sont ces structures qui ont présenté le plus de projets. Ce sont également les acteurs les plus institutionnalisés qui ont été les mieux servis. Mieux rodés à l'exercice bureaucratique, elles ont pris le pas sur des structures plus petites, innovantes, mais passées inaperçues. L'association n'a pas été capable de susciter elle-même les projets de nouveaux opérateurs qui auraient pu apporter de l'originalité.

Pour justifier ce passage par des sentiers bien balisés, les rapporteurs évoquent la rumeur persistante d'un échec annoncé de la capitale qui a sans doute incité ses organisateurs à ne pas prendre de risque en privilégiant des acteurs déjà très connus. Ainsi sur les 31 structures financées à hauteur de 200 000 euros ou plus, 22 sont des opérateurs déjà connus et financés et six sont des collectivités ou des structures en régie directe. Au final, seul Groupe F, spécialiste en pyrotechnie, a bénéficié pour la première fois de financement direct. Sauf que les feux d'artifice sont déjà des prestations souvent financées par le public.

Quartiers équipés, quartiers favorisés

Autre constat : la capitale n'a pas contrebalancé un certain déséquilibre entre villes et campagne. Ce sont "les villes-centres des agglomérations" comme Marseille ou Aix-en-Provence qui ont obtenu la plus grosse part de l'aide budgétaire, même si l'ensemble du territoire a bénéficié de projets produits ou coproduits. Au sein même des villes, ce sont les quartiers déjà riches en équipements culturels qui ont bénéficié de nouvelles implantations. Les zones les plus excentrées – et souvent les plus défavorisées – de Marseille n'ont pas été pourvues en nouveaux équipements. Certains projets se sont tout de même déroulés dans ces "quartiers relégués", dans le cas où ils pouvaient reposer sur une structure en place telle, à Marseille, au Merlan ou à la Friche de la Belle de Mai, ou par le biais des Quartiers créatifs. Cette catégorie de projets a tout de même montré ses propres limites : soit par le boycott des habitants, soit parce que les acteurs eux-mêmes ont reconnu qu'ils avaient manqué de temps pour pleinement associer les résidents.

Sur les disciplines présentées tout au long de l'année, la diversité des champs culturels et artistiques a été appréciée, avec une mention "bien" pour la gastronomie et un mauvais point pour le spectacle vivant comme évoqué ci-dessus, surreprésenté en comparaison avec les arts plastiques. 142 sur 377 million d'euros, soit 38% des fonds, ont été consommés par ce secteur. Sur les 600 projets de la programmation "officielle", 370 relevaient du spectacle vivant contre 70 expositions. L'association et les collectivités locales ont dû elles-mêmes pallier ce manque.

Les critiques des acteurs locaux et de la presse sur l'absence ou la représentation trop faible de certaines disciplines dans la programmation ont également été reprises dans le rapport : sont visées en particulier les musiques actuelles et du monde, le design, la littérature, la danse, le cinéma et, plus surprenant, la tauromachie. Bien évidemment, il est surtout question de la quasi absence du rap local, ce que l'on a pu entendre et souligner à plusieurs reprises. L'influence du Off sur l'ouverture de la programmation en termes de disciplines a été jugée limitée, même si le caractère "populaire" et décalé des projets présentés est reconnu facteur d'enrichissement.

Un retard comblé, l'avenir suspendu à un fil

Sur les publics, les consultants rapportent que tout comme les autres capitales culturelles, ce sont les cadres et les professions libérales qui se sont rendus plus que les autres aux manifestations. Il est également indiqué qu'à Marseille, les événements proposés dans l'espace public n'ont pas eu l'impact escompté sur les habitants des quartiers Nord, à la différence par exemple des habitants des quartiers Est et Sud, pauvres aussi en structures culturelles. Sans ce que cela ne soit noté, ce déficit est lié à l'absence de médiation menée dans ces quartiers autour de la capitale. En revanche, dans les communes de taille moyenne comme Istres, Martigues ou Aubagne, les habitants se sont plus massivement mobilisés y compris ceux des quartiers plus éloignés.

Un des points positifs cités par le rapport est que l'année capitale de la culture a permis à Marseille d'amorcer un rattrapage dans le domaine culturel notamment par rapport à Aix ou encore Arles. Un retard notamment sur les équipements a été en partie impulsé par MP2013. Et après ? Le chapitre que le rapport consacre au futur tient en une page : elle résume les effets bénéfiques de la capitale sur le territoire mais pointe également la nécessité de poursuivre l'élan. Il s'agit donc de continuer "une stratégie ambitieuse" comparable à celle de Lille ou de Liverpool car sans initiatives supplémentaires la situation peut s'enkyloser doucement dans un lent retour "à la normale".

Or, une fois l'association liquidée, il n'existe plus de structure permettant une gouvernance commune, à laquelle seraient associés les opérateurs culturels. Pour l'heure, les projets restent bien flous et le personnel politique plus obnubilé par la création de la future métropole que par le besoin de prolonger les projets culturels transversaux. C'est ce que le rapport indique et ce que tout le monde savait d'emblée : après 2013, il y avait 2014 et les élections municipales. Celles-ci ont gelé les projets déjà initiés en 2013 et ce durant plusieurs mois. D'autre part, des municipalités très engagées dans la capitale comme celle d'Aubagne ont dû faire leurs valises. Le partenariat est donc à reconstruire avec les nouvelles équipes

Enfin les mannes financières ont plutôt tendance à se tarir. Malgré l'engagement des collectivités à maintenir leur effort en faveur de la culture, il n'est plus certain que cela soit le cas aujourd'hui. Surtout qu'il s'agit également de contribuer aux financements des nouveaux équipements (Mucem, tour Panorama, Frac…) qui développent leurs propres programmations. Du coup, la crainte des coupes budgétaires notamment dans les budgets de fonctionnement est toujours vive. Après la capitale, voici le temps des vaches maigres… 

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Commentaires

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  1. anonyme anonyme

    Pour mieux comprendre l’annulation du quartier créatif du Merlan, lisez l’article du jour sur ce théâtre et son lien avec le quartier… On peut pas tout mettre sur le dos de MP2013!

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  2. Marseillais indigné Marseillais indigné

    Une “reprise en main” doit toujours être progressive , c’est tout un art, surtout lorsque le contexte est compliqué !

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  3. Dazibaos Dazibaos

    Année de la culture qui se devait d’être POPULAIRE est devenu ÉLITISTE

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  4. Marcelle Marcelle

    “L’association Marseille-Provence 2013 n’a pas encore totalement tiré sa révérence” Effectivement Jean-François Chougnet énarque fûté continue d’occuper un bureau à la maison diamantée et de toucher son salaire. “Pourvu que ça dure…”

    Eternel faux ahuri, sur son scooter à la Nani Moretti,il passe et repasse usant jusqu’à la corde ses relations avec les institutions. En voilà un qui aura su tirer parti de l’incapacité du territoire à travailler en intelligence. Et de cette incapacité, il aura su mettre son intelligence à en tirer parti.

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