Les mille lignes de désir de l’urbaniste David Mangin

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le 23 Fév 2015
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Les mille lignes de désir de l’urbaniste David Mangin
Les mille lignes de désir de l’urbaniste David Mangin

Les mille lignes de désir de l’urbaniste David Mangin

L'ouvrage commence en 1996 par une série de petits rectangles souvent rouges, bruns, bleus ou bistres associés à un lieu et une date. Le lieu est souvent lointain. Ce début en pointillé marque l'entrée dans l'univers dessiné de David Mangin, rassemblé en plus de 1000 pages par les éditions marseillaises Parenthèses et en librairie le 3 mars. Grand prix d'urbanisme en 2008, l'homme est architecte, écrivain et enseignant à l'École nationale des ponts et chaussées et à l'École d'architecture de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée.

À peine citée en titre de ces carnets, Marseille est totalement absente de ces Desire lines. Ce joli mot anglais qui peut se traduire abruptement par raccourci ou chemin de traverse s'incarne parfaitement dans la tonsure que les passants imposent à une surface gazonnée à force d'y passer. Invité à participer au talk de Marsactu, David Mangin a une explication crédible pour justifier cet ostracisme. "Quand je viens à Marseille, c'est essentiellement pour le travail et je n'y passe que quelques jours. Ces dessins sont extraits de carnets et chaque carnet représente huit à dix jours en général de vacances."

Le résultat est une somme composite de 1200 dessins et plus de mille pages où l'on trouve "un peu de tout. Des gens, des rencontres, des paysages et des villes parce que quand même j'aime beaucoup ça", ajoute David Mangin sur notre plateau. En voici quelques extraits issus du livre ou de ses carnets.

 

 

Fine passerelle

Cela explique le caractère planétaire et la connotation vacancière des destinations apposées sur ces carnets. Marseille est une ville de travail. David Mangin y a dessiné la nouvelle entrée de la ville qui passait par le recul de plus de deux cents mètres de l'autoroute A7 et le dessin d'une fine passerelle reliant la colline Saint-Charles à la place Marceau. Inauguré en 2013, le lieu est toujours en travaux en attendant la livraison d'un hôtel japonais tout juste sorti des ornières judiciaires pour être livré en 2016 et un parc urbain dont la date d'ouverture est un peu perdue de vue.

Il y revient ces temps-ci car il fait partie des 37 équipes pluridisciplinaires qui ont répondu à l'appel à projets lancé par la mission métropole pour offrir un projet urbain à Aix-Marseille Provence. Il a été retenu parmi les dix équipes choisies sur dossier. "L'important est d'être parmi les trois équipes lauréates choisies in fine", glisse-t-il. Ces derniers seront connus à la fin du mois d'avril et devront plancher jusqu'à la fin de l'année pour que la mission offre leurs projets aux élus de la métropole. "L'idée est de laisser le choix à ces derniers. Soit ils piochent dans les trois projets pour construire le leur, soit il y en a un qui se détache. La mission propose et ce sont eux qui décident", indique-t-on à la mission métropole.

"Une éloge du dessin"

Il y aura bien dans ce projet – si l'équipe de David Mangin finit par être retenue -, un peu de dessin de sa main. Car il continue d'offrir un raccourci opportun pour faire cheminer les idées que l'architecte a en tête. "J'espère que ce livre va être compris comme une éloge du dessin. En particulier dans le métier d'architecte où tout s'est beaucoup informatisé ces dernières années. On ne dessine plus beaucoup. Cela s'est presque détaché des territoires. Quand vous allez dans un cabinet d'architecture, c'est très difficile de comprendre ce que les gens font derrière leur écran. En tout cas, ils ne dessinent plus beaucoup à la main."

Au panier, l'image éculée de l'architecte qui se noie dans un nuage de calques avant de rendre son projet "charrette". "Les étudiants dessinent un peu en première année et ensuite, ils abandonnent parce qu'ils sont trop obnubilés par l'idée d'acquérir tous les logiciels qu'ils en oublient que le dessin est un moyen extrêmement rapide pour faire comprendre une idée à un élu, un partenaire", constate David Mangin. Pour lui, s'il y a une visée professionnelle à son ouvrage, elle est surtout pédagogique à l'intention des étudiants : "Dessinez, dessinez, sinon vous allez rester des ouvriers spécialisés des cabinets d'architecture."

"Marseille, notre Rio en France"

Bien sûr, au fil des pages, il y a bien quelques schémas et visions de l'espace qui rappellent que derrière la main, il y a l'oeil et l'esprit d'un penseur de la ville. Celui qui a notamment évoqué la privatisation de l'espace public dans La ville franchisée ou cette Ville passante qu'il souhaite rendre plus perméable. Deux phénomènes qui s'entrechoquent ici. "C'est un processus très général. À Marseille, il y a un phénomène d'enfermement, d'entre-soi comme disent les sociologues, qui se traduit dans l'espace par des projets fermés. Ce n'est pas forcément de l'habitat, mais cela peut-être des centres commerciaux, des parcs d'activités ou des zones touristiques. Cela crée de grandes enclaves où les espaces publics sont réduits à des flux de circulation."

On reverra peut-être la main de l'architecte dans son projet urbain pour la métropole d'1,8 million d'habitant. "C'est une métropole étalée, spectaculairement fabriquée par la nature, la mer mais aussi l'Étoile, la Sainte-Victoire, l'étang de Berre… Pour prendre une image, c'est un peu notre Rio en France. Cette place de la nature est une valeur ajoutée absolument formidable." 

Pour lui, l'un des défis sera donc d'intégrer ces ressources naturelles sans créer de barrières supplémentaires entre les espaces péri-urbains et le tissu resserré de la ville-centre. "Faire métropole, c'est bien mais faire ville c'est aussi bien", formule-t-il pour embrasser en peu de mots la somme de rencontres et de surprises qu'un lieu central et ouvert peut susciter parmi les passants qui en ont l'usage. Un lieu de vie et d'intensité et non pas seulement le poids économique qui permet de figurer sur la carte des métropoles du monde. Un peu de plaisir, simplement dit. Tiens, justement, c'est ce que son ouvrage propose aux lecteurs au fil des mille images qui donnent à voir son regard sur le monde.

Desire Lines paraît aux éditions parenthèses au prix de 34 euros et disponible en librairies à partir du 5 mars.

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Commentaires

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  1. Laurus Laurus

    “Quand je viens à Marseille, c’est essentiellement pour le travail et je n’y passe que quelques jours”… Comment peut-il concevoir des projets urbains pour Marseille quand sa relation à notre ville ne semble être que professionnelle ? Faut-il comprendre, qu’il vient ici uniquement pour se remplir les poches des sous qu’il va dépenser dans ses voyages ? Marseille ne vaut-il pas une semaine de flâneries ?

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  2. Durand (anonyme) Durand (anonyme)

    Je travaille dans une société de promoteur immobilier à Toulouse et pour moi, il est important de mêler l’art à l’urbanisme. Les lieux de vie sont des endroits à ne pas négliger !!! Cet ouvrage a l’air vraiment intéressant ..

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  3. Gilles CHAMBON Gilles CHAMBON

    Un éloge, David, pas une éloge (on ne se relit jamais assez) ! À part ça, félicitations pour ton bouquin de desir lines, que je n’ai pas encore vu.

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  4. Electeur du 8e Electeur du 8e

    “Marsactu est mort mais son forum bouge encore”, a écrit Julien Vinzent sur Twitter.

    A propos de projets urbains pour l’aire marseillaise, je tombe par hasard sur ce bilan comparatif (paru fin mai 2014) des outils participatifs territoriaux Marseille Carticipe et Strasbourg Carticipe : http://carticipe.net/2014/05/23/carticipe-strabourg-et-marseille-petit-bilan-quantitatif-compare/

    Il est intéressant d’observer, même si ce n’est pas tout à fait surprenant, que plus du quart des idées exprimées à Marseille concerne les transport en commun, mais 16 % seulement à Strasbourg…

    Nos élus municipaux et communautaires ont-ils essayé de tenir compte des “grandes idées transversales” que les concepteurs de la démarche ont repérées parmi les quelque 500 idées déposées sur la carte ? Celle-ci est toujours visible ici : http://marseille.carticipe.fr/, et continue à vivre de loin en loin.

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