Le plan de relance de l’État donne la prime aux pollueurs dans les Bouches-du-Rhône

Décryptage
le 16 Mai 2022
4

Le plan France relance prévoit d'aider 47 industriels pour leurs "projets visant à décarboner l’industrie". Dans les Bouches-du-Rhône, quatre sociétés sont concernées dont les très polluantes ArcelorMittal Fos, Fibre Excellence Tarascon et Lafarge Bouc-Bel-Air. De quoi susciter la colère des associations environnementales.

Fibre excellence, l
Fibre excellence, l'usine de papeterie de Tarascon est régulièrement pointée du doigt pour ses rejets.(Photo : PID)

Fibre excellence, l'usine de papeterie de Tarascon est régulièrement pointée du doigt pour ses rejets.(Photo : PID)

Arcelor, Fibre Excellence, Lafarge… Pour les défenseurs de l’environnement, les noms de ces trois industriels sont synonymes de préoccupantes pollutions dans les Bouches-du-Rhône. Autant d’entreprises qui ont fait l’objet de nombreux arrêtés préfectoraux de mise en demeure et très rarement de sanctions, voire jamais, pour certains d’entre eux.

Au contraire, les services de l’État ont toujours préféré adopter une logique d’accompagnement de ces firmes, accordant des dérogations pour leurs rejets et des aides publiques pour leurs projets industriels. Au nom de l’emploi et de la production industrielle française notamment. Désormais, ces trois entreprises, plus la raffinerie Esso de Fos sont lauréates 2022 du plan France relance, dans la cadre de son volet “décarbonation”.

Pas d’information sur le montant des subventions

Après des désignations en 2020 et 2021, mi-mars, le gouvernement a communiqué sur 47 autres projets industriels partout en France qui vont bénéficier des subsides dudit plan. Il a été voulu par Emmanuel Macron pour soutenir l’économie face aux conséquences de la pandémie de Covid-19.

“L’État mobilise 1,2 milliard d’euros pour soutenir et accompagner la réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur industriel”, communique le gouvernement dans le dossier de presse qui présente le plan. Joint par Marsactu, le cabinet de la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher refuse de donner le détail des montants des subventions accordées. Nous n’avons pas obtenu plus d’informations du côté de la préfecture. À noter que le préfet à la relance des Bouches-du-Rhône, Benoît Mournet, a récemment quitté son poste pour être candidat LREM aux législatives dans les Hautes-Pyrénées. Le cabinet de la ministre nous indique que chaque industriel peut, s’il le souhaite, dévoiler la somme qui lui est allouée.

Spécialistes des dérogations et des aides publiques

Seul LafargeHolcim accepte d’en dire plus, en évoquant un montant global de 20 millions d’euros accordé pour cinq projets présentés à travers la France. Deux concernent le site de La Malle à Bouc-Bel-Air, là où sa cimenterie bénéficie depuis 2018 d’un régime dérogatoire pour ses rejets atmosphériques. Le premier envisage l’utilisation d’un nouveau matériau (les argiles calcinées) permettant de produire un “ciment bas carbone”. Ces argiles sont en effet cuites à plus basse température (750°C contre 1450°C pour le procédé habituel, selon le site spécialisé Batiweb). Le deuxième projet consiste à adapter le four de La Malle pour permettre l’injection de biomasse à la place du coke de pétrole.

Du côté de Fos, ArcelorMittal est lauréat du plan pour la seconde fois. En mars 2021, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’était rendu en personne sur site pour faire la promotion d’un projet visant à utiliser du métal recyclé pour fabriquer de nouveaux aciers. Il annonçait alors 15 millions d’euros de subventions accordées par l’État sur un total d’investissement de 63 millions d’euros. À l’été suivant, l’aciérie a été condamnée à 30 000 euros de dommages et intérêts pour 36 infractions au code de l’environnement. Le projet sélectionné cette année vise à permettre le remplacement du charbon et du coke par du gaz naturel dans la partie basse des hauts fourneaux. Contacté, l’industriel n’a pas souhaité répondre à nos demandes de précisions concernant cet autre projet.

Au sein de Fibre Excellence à Tarascon, c’est une unité déjà très aidée qui reçoit un nouveau soutien public. Via une turbine à biomasse, l’usine de pâte à papier produit également de l’électricité dite verte. La mise en place d’une turbine de meilleur rendement est prévue depuis 2018. Ce projet Biowatt s’était vu accorder à l’époque – par Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique – un tarif préférentiel de rachat de l’électricité sur une durée de 20 ans. Il bénéficie par ailleurs d’un prêt public pour un montant de 20 millions d’euros. Et la région a récemment annoncé qu’elle contribuerait à celui-ci à hauteur de 3 millions d’euros, soit la moitié du montant globale de son aide à l’industrie régionale.

Le projet soutenu par France relance au sein de l’usine de Tarascon consistera précisément à renouveler les équipements d’évaporation qui produisent la vapeur alimentant la turbine. Contacté, le papetier affirme que la nouvelle turbine devrait enfin être installée à la fin de l’année. Il n’a pas souhaité préciser la somme accordée par le plan. Ce printemps il a formulé une nouvelle demande de dérogations aux normes jusqu’en 2025 pour sept polluants rejetés dans l’air et le Rhône.

Les associations dénoncent l’utilisation d’argent public

Sur le terrain, les associations environnementales qui dénoncent ces usines depuis de nombreuses années restent sceptiques quant à la méthode et aux améliorations prévues globalement à l’horizon 2030. “C’est choquant. L’État injecte des millions pour Lafarge alors que le groupe fait 2 milliards d’euros de bénéfices par an. Il est largement capable de recourir tout seul aux meilleures techniques disponibles, s’étrangle un adhérent de Bouc-Bel-Air environnement qui souhaite rester anonyme. Des technologies qui sont pourtant imposées par une directive européenne. “Ce sont nos impôts qui payent. Je veux bien qu’il y ait des aides mais là c’est exagéré. Moi, je paye des impôts pour les actionnaires”, affirme Daniel Moutet le président de l’association de défense et de protection du littoral du golfe de Fos.

“C’est toujours pareil. Ils ne font que demander des délais supplémentaires pour se mettre aux normes et des aides. Je ne vois pas pourquoi ils changeraient une tactique qui gagne avec l’État français”, soupire Claire Simonin de l’association tarasconnaise des Flamants roses du Trébon. La confiance des riverains dans la capacité des pouvoirs publics à protéger leur santé continuent de s’altérer.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Richard Mouren Richard Mouren

    Ca fait bien longtemps que la financiarisation des entreprises les a transformées en machine à cash pour les actionnaires et que les investissements à long terme sensés les pérenniser et les mettre en conformité avec la règlementation sont devenus bien secondaires.

    Signaler
  2. TINO TINO

    L’Etat subventionne ces entreprises multimilliardaires. Voilà de l’assistanat que le medef ne condamne pas. Après avoir lu l’article sur les maires qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, je suis attéré.

    Signaler
    • Avicenne Avicenne

      Même réflexion ! 👍

      Signaler
  3. Mstmitre Mstmitre

    Lire ce genre d’information ca rend dingue. Pollueurs avec des dérogations permanentes en plus on leur file de l’argent? Et l’Etat qui refuse de donner le montant des subventions, et au nom de quoi? On a le droit de savoir non?

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire