à l'eau ?
À la Busserine, les aménagements de la rocade L2 butent sur un gros tuyau
Les habitants du grand Saint-Barthélémy vivent au rythme du chantier de la rocade L2 qui traverse leur quartier. Les améliorations de leur cadre de vie avec espaces verts et plaine sportive pourraient être retardés par un gros tuyau d'adduction d'eau dont personne ne veut payer les travaux de déplacement.
Depuis la Busserine, on perçoit bien le dénivelé jusqu'à la Benausse, de l'autre côté de la voie rapide.
La terre tremble au grand Saint-Barthélémy. Au pied du centre urbain du Merlan, la mosaïque de cités d’habitat social du 14e arrondissement (Busserine 1 et 2, Saint-Barthélémy III, Picon, Font-Vert, la Benausse…) cohabite avec le chantier de la rocade L2 qui traverse la Ville d’Est en Nord. Toute la journée, les camions de chantier vont et viennent entre les barres et les tours, virent au ras des voitures garées, à une vitesse peu modérée. Tout est couvert d’une fine couche de poussière bistre.
“Lors de la dernière réunion avec la société de la rocade L2, on a demandé à ce qu’ils paient le nettoyage des appartements, c’est limite s’ils ne nous ont pas ri au nez”, raconte Farid Adrar, du Comité Mam’Éga. C’est dans ses locaux que sont réunis des représentants des différentes structures regroupées au sein du collectif des associations du Grand Saint-Barthélémy. Tous partagent les mêmes tracas, les mêmes fracas d’une vie de chantier au cœur des cités. Au nom des locataires, Karima Berriche reproche l’absence de retombée pour l’emploi. Représentant CLCV des habitants de Font-Vert, Ahmed Manessour parle des problèmes d’asthme et de troubles respiratoires. Le président de l’association des locataires de la Busserine, Sid Abadli résume tout cela, ci-dessous.
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Mais, au-delà des désagréments créés par les chantiers croisés du programme de rénovation urbaine financé par l’agence nationale (ANRU) et de la rocade L2, c’est le grand flou. “Le vrai problème est celui de la concertation et de l’information. Les habitants sont sans cesse confrontés à des états de fait. Il n’y a de concertation ni avec l’ANRU, ni sur la L2”, constate Pierre Lezeau, du comité Mam’Éga. Du coup, les habitants ont fini par se lasser, disent-ils, d’entendre parler de ce chantier interminable. Ils ont aujourd’hui l’exaspération silencieuse.
Les lendemains déchantent
C’est “l’eau qui dort”, “l’œil du cyclone”, “le calme avant la tempête”, préviennent en chœur les représentants associatifs. Ils craignent un réveil rageur si tous ces désagréments ne se traduisent pas par une amélioration du cadre de vie après 2017, date de la livraison de la L2 Nord. Une promesse de lendemains enchantés formulée à maintes reprises par l’État et les collectivités pour faire passer la pilule de l’autoroute urbaine.
Ainsi, sur la dalle qui couvrira la rocade, il est question de “recoudre le tissu urbain” entre Picon/Busserine au Nord et Font-Vert au Sud, jusqu’à présent séparés par une deux fois deux voies. Sur le dessus de la L2, ont été promis des espaces verts, une plaine des sports, des voies de transports en commun en site propre et des pistes cyclables. “En vérité, c’est le grand flou, reprend Farid Adrar. On nous montre de jolies images mais on ne sait vraiment pas à quoi va ressembler le quartier une fois le chantier de rocade terminé.”
Le gros tuyau qui bloque
Le brouillard s’épaissit quand on quitte le terrain. Surtout depuis que le destin d’un gros tuyau sème la zizanie parmi les partenaires du chantier. D’un diamètre d’1,2 mètre, “le plus important réseau de transport d’eau potable de Marseille”, dixit la communauté urbaine, chemine le long de l’actuel boulevard Salvador Allende. À cet endroit, la société SRL2 doit réaliser des “talus verdis” en pente plus ou moins douce pour raccorder la future dalle à la Busserine en contrebas. “À partir de la dalle, la pente régulière va nous permettre d’implanter des éléments de glisse urbaine, skate et roller, un playground de basket et des jeux pour enfants”, résume Richard Miron, l’adjoint (LR) aux sports. Or, le skate et le gros tuyau ne font pas bon ménage.
Le 19 novembre dernier, une réunion entre l’adjoint aux sports, celle aux espaces verts, Monique Cordier, et la SRL2, qui a mis sur la table le détail du projet. Avec le gros tuyau en plein milieu. Cumulant ces casquettes d’ancienne vice-présidente de la communauté urbaine et d’élue à la Ville, Monique Cordier ne décolère pas : “La société rocade L2 doit réaliser les talus et nous les espaces verts dessus. Si on laisse le gros tuyau à cet endroit, il ne faut pas plus de deux mètres de terre sinon le tuyau ne supportera pas la pression et on ne pourra pas y accéder pour les éventuelles réparations. Mais si on ne fait pas ces talus, alors il n’y aura pas d’espaces verts, ni de plaine sportive et les habitants se retrouveront face à un grand mur.” Il faut donc faire passer le tuyau ailleurs, le “dévoyer” comme on dit dans le jargon.
Qui veut payer un million ?
Les partenaires de la L2 s’écharpent depuis des mois à ce sujet. Du côté de l’ancienne communauté urbaine en charge de l’eau et de l’assainissement, on plaide la nécessité de détourner la canalisation. Pas vraiment une mince affaire puisqu’à coup de 3000 euros le mètre, la facture du dévoiement monte à 1 million d’euros. “Dans le partenariat public-privé, les travaux collatéraux nécessaires à l’aménagement de la L2 sont normalement pris en compte, et donc à la charge de la SLR2, titulaire du partenariat public-privé, indique-t-on à la communauté urbaine. MPM avait donc demandé par courrier il y a quelques mois à la SRL2 de prendre en charge ces travaux, considérant que le déplacement de cet ouvrage entrait dans ce cadre.”
Or, la filiale de Bouygues est bien d’accord pour détourner le tuyau d’eau, pas pour en honorer la facture. Un refus qu’elle ne commente pas officiellement : “Ce n’est pas un sujet. Le chantier n’est pas bloqué. Chacun travaille sur ses emprises”, indique-t-on aujourd’hui du côté de l’entreprise. Pourtant les discussions durent depuis des mois sans déboucher. Certains craignent que la société de réalisation ne laisse le dossier en l’état et se concentre sur le gros morceau du chantier routier. Les talus seraient alors laissés en plan et les travaux d’embellissement du quartier remis à plus tard. On imagine alors l’ire des habitants.
À l’État de taper du poing
“Ce qui me met en colère, peste Richard Miron, c’est que dans la partie Est, les travaux d’accompagnement ont été pris en charge par la société dans le cadre du contrat de partenariat. Au Nord, tout retombe sur les collectivités locales.” De concert, sa binôme aux élections départementales, Monique Cordier hausse le ton : “C’est au préfet de saisir le ministère pour demander à la SRL2 de payer ces travaux. Après tout, il y a une ligne de budget destinée à financer les travaux connexes. Soit l’État tape sur la table, soit il paie.”
Du côté de l’État justement, le temps n’est pas aux sourcils froncés. Joint par nos soins il y a quelques jours, le directeur de service transports et infrastructures à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, Robert Unterner était optimiste : “C’est un sujet délicat mais j’ai bon espoir que les partenaires de la L2 trouvent une solution de financement partagé à ce problème”.
Celui-ci était déjà attendu pour décembre. En vain. Si les négociations continuent d’achopper, le Préfet Bouillon prendra langue avec le maire de Marseille et le président de MPM. Sauf qu’entre-temps, la communauté urbaine s’est fondue dans la métropole. Laquelle repose dans les limbes du conseil constitutionnel. Le gros tuyau attendra encore.
Commentaires
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J’adore l’expression marseillaise “playground de basket” de l’adjoint Richard Miron, ça bonifie allègrement le terrheiin en goudroncon
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Alors que les études de la L2 remontent à des temps immémoriaux, il est surprenant qu’en cours de réalisation des travaux , le constat de la présence d’un tuyau au demeurant imposant appelle encore la contestation pour le financement de son déplacement. Pourtant MPM et la ville savent bien que ,quand il y a déclaration d’intérêt public, nous y sommes pour le cas de la L2,la règle générale veut que le propriétaire de la canalisation prenne en charge le cout déplacement si l’ouvrage est implanté sur le domai,ne public rouiteir avant expropriation
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Le problème soulevé par le représentant des locataires est important : quid du traitement des fumées des cheminées ? On parle santé publique !!!
Plus globalement, la L2 intervient trop tard. La ville a dépassé ses frontières et elle est désormais en pleine ville.
Le périphérique de Marseille, c’est l’A 52 – A 8. C’st à dire qu’on doit tout faire pour empêcher les voitures et les camions de passer par Marseille. On doit privilégier les investissements en transports en commun au lieu de continuer la politique du tout bagnole.
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L’axe de la L2 a été tracé en 1936…L’eau de la modernité a coulé entretemps sous les ponts de l’Huveaune. Le maillage autoroutier A7/A52 est-il aujourd’hui encore utile et justifié pour les bucco-rhodaniens,alors que l’emploi a déserté la cuvette marseillaise?
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regardneutre, l’A 52 relie Aubagne Aix. Dire que l’emploi “a déserté la cuvette marseillaise” me semble dépassé, le tertiaire revenant sur Marseille alors que l’emploi industriel en dehors de la ville est en souffrance. Enfin, les transports routiers ou autres n’assurent pas que des trafics pendulaires de travail.
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