Le projet de la piscine d’Euroméditerranée prend l’eau

Enquête
le 19 Nov 2018
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Lancés conjointement en 2016 par la Ville de Marseille, les projets de piscines sur le périmètre d'Euroméditerranée et à Luminy attendent encore la désignation d'un opérateur commun. Une question de risque d'inondation en lien avec le ruisseau des Aygalades, côté Euromed, pourrait fragiliser le projet.

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L'ancienne majorité municipale avait déjà envisagé la construction d'une piscine à Euroméditerranée, mais sans concrétiser.

L'ancienne majorité municipale avait déjà envisagé la construction d'une piscine à Euroméditerranée, mais sans concrétiser.

Il fait partie des arguments avancés par la ville de Marseille, lorsque les critiques concernant le manque de piscines municipales se font trop vives. Le projet de construction de “centres aquatiques” au pied de la tour CMA-CGM ainsi qu’à Luminy avait fait l’objet d’un appel d’offres commun en 2016. La ville annonçait à l’époque que le lauréat des deux projets serait connu à l’été 2017. Un an plus tard, malgré quatre candidatures déposées, l’annonce se fait toujours attendre.

Du côté de la municipalité, l’adjoint aux sports Richard Miron évoque des “demandes d’éléments complémentaires faites aux candidats”, comme il y a près d’un an dans La Provence. Mais un autre facteur pourrait être en cause. Le projet de plan de prévention des risques inondation (PPRI) du ruisseau des Aygalades, rendu public en janvier, place une partie du site pressenti pour la piscine d’Euroméditerranée en zone inondable. Ce qui pourrait expliquer en partie le retard de la procédure et le silence radio de la mairie. L’adjointe à l’urbanisme Laure-Agnès Caradec n’a elle pas souhaité répondre à nos questions, invoquant le “secret” de la “procédure d’appel à candidature en cours”.

Le document, qui doit prochainement être soumis à enquête publique en vue d’une entrée en vigueur courant 2019, comprend une carte réglementaire, avec plusieurs couleurs, en fonction du risque d’inondation. Il s’agit d’interdire ou d’encadrer la construction de bâtiments qui pourraient faire obstacle à l’écoulement de l’eau.

Site de la consultation pour un projet mixte comprenant un centre nautique sur le périmètre Euroméditerranée et aléa inondation indiqué au projet de PPRI. En violet, la zone de risque limité, en bleu la zone de risque modéré. Cartographie : Marsactu / Source : Département des Bouches-du-Rhône

Le terrain envisagé pour la construction de la piscine d’Euroméditerranée, situé à quelques mètres du ruisseau des Aygalades, est colorié en partie en “bleu foncé”. Dans cette zone, où la probabilité d’une très forte crue est jugée “modérée”, l’implantation de grands équipements recevant du public, tel qu’un centre nautique, est interdite.

Le reste de la parcelle, en zone “violette“, associée à un risque limité, oblige tout de même le futur bâtiment à être situé 20 centimètres au dessus du niveau du terrain naturel. Deux critères qui n’étaient pas actés lors de l’appel à candidature lancé par la Ville en 2016.

Deux piscines liées

Si la piscine d’Euromediteranée coulait, elle entraînerait avec elle celle de Luminy. Annoncé plus rentable avec notamment la possibilité de compléter la piscine par un programme immobiler, la première devait permettre de compenser le déficit de la seconde. De quoi donner du fil à retordre aux opérateurs candidats, qui devaient déjà plancher sur un équilibre financier plus qu’hypothétique pour ces deux équipements (voir notre article).

La Ville à la repêche

À la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), en charge du PPRI, l’adjoint au service urbanisme du pôle risques naturels confirme qu’Euroméditerranée et la Ville n’ont été intégrés officiellement aux discussions autour du PPRI qu’en novembre 2017. Soit plus d’un an après le lancement de l’appel d’offres pour les deux piscines. En mai, une note de l’agence d’urbanisme Agam, missionnée par la Ville, a déjà permis de repêcher le terrain. À l’origine, il était classé en “autre zones urbanisées”, où les conditions sont encore plus drastiques. Autant dire que la Ville aurait pu dire adieu à sa piscine. L’argumentaire de l’Agam a permis d’obtenir le reclassement en “centre urbain”, rendant plus flexible le futur règlement associé.

Même reclassé, le terrain reste-t-il viable pour un centre aquatique? Le rapport du cabinet IPK, qui avait assisté la Ville dans la préparation de l’appel d’offre, montre la sensibilité de la question. Citant des opérateurs approchés avant le lancement de la consultation, il jugeait qu’il n’était possible d’atteindre un équilibre budgétaire que par une réduction des coûts de construction liées aux spécificités des équipements. Le classement du site en zone inondable pourrait donc remettre en cause cet équilibre précaire, notamment en imposant des contraintes (comme une surélévation par exemple) qui augmenteraient le coût de construction de la piscine, déjà évalué entre 25 et 30 millions d’euros.

Pour l’heure, le terrain concerné englobe un grand terrain vague servant d’aire de stockage aux chantiers voisins, et un des petits immeubles désaffectés murés par Euroméditerranée. L’établissement public d’aménagement avait acquis le site en 2012 en vue d’y construire des bureaux. Mais la Ville, après avoir un temps évoqué la Porte d’Aix puis le Dock des Suds, y avait vu un emplacement idéal pour son complexe nautique. Cette fois, retour à l’envoyeur : Euroméditerranée a indiqué à Marsactu qu’il s’agit d’un “dossier suivi par la Ville de Marseille” sur lequel il n’avait “aucune information à donner”. Peut-être une manière de lui faire porter la responsabilité dans les retards à venir sur l’îlot.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Toujours triste lorsqu’on débaptise le Biaou, véritable nom du petit fleuve côtier que vous surnommez “ruisseau des Aygalades”
    Méconnaissance ? Trop difficile à prononcer ? Trop marseillais ? Pas suffisamment sérieux ?

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    • Assedix Assedix

      Ça n’a plus grande importance maintenant qu’il est tombé à l’eau, mais le projet portait plutôt sur un centre aquatique (une piscine, en somme, et ça aurait déjà été pas mal) que sur un centre nautique.

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    • Benoît Gilles Benoît Gilles

      Bonjour Nous avons corrigé cette erreur. Il s’agissait bien entendu d’un centre aquatique (une piscine donc) et non pas d’un centre nautique. Désolé pour cette coquille…

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    • reuze reuze

      Le problème de la piscine d’Euromed fait un bingo sur plusieurs problématiques locales récurrentes.
      À la base, on retrouve le problème des piscines, toujours promises et jamais construites, qui creusent le déficit de l’offre qui est maintenant de notoriété mondiale (merci le New York Times).
      S’y ajoute le problème maintenant classique du recours au PPP, dispositif bancal à la base dont les déséquilibres sont amplifiés par le mauvais ficelage récurrent du cahier des charges. Quand on veut aller vite, on ne fait pas un lot avec Luminy et Euromed, aux contraintes de risques naturels et industriels importantes et bien distinctes.
      Le dernier point est celui de la minoration ou du déni des risques naturels et industriels, justement, qui continuent d’être discutés et négociés par l’Agam et la ville (et Euromed?). Comme dans la vallée de l’Huveaune, l’évaluation des risques est priée de se conformer non à l’existant, mais aux plans d’aménagement prévus (et sans doute déjà vendus aux promoteurs). Le PPRI sur cette zone n’est pas encore finalisé mais je doute fort que la carte soit une surprise pour les spécialistes.

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    • Adrien Simorre Adrien Simorre

      Bonjour et merci pour ce rappel ! Dans l’article, nous reprenons la formulation utilisée par les services de l’Etat qui parle du PPRI du “bassin versant des Aygalades”.

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  2. titi titi

    Mince, je voulais nager ; mais et la piscine de Felix Pyat, j’ai eu ouïe dire qu’il y en avait eu une ! Ce serait pas mal de délocaliser d’une encablure.

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  3. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Pendant ce temps à Luminy, un Campus où il y a des milliers d’étudiants (et les personnels qui vont avec), dont une Faculté des sciences du sport, un plaine sportive… mais aussi une école primaire des habitants, plein d’enfants qui viennent en sortie des CLSH des environs … La seule piscine publique de 50 m de Marseille et le bassin couvert de 25 m sont toujours fermées depuis des années.

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  4. LaPlaine _ LaPlaine _

    Ou comment “enterrer” ou renvoyer aux calendes grecques des projets d’équipement tellement nécessaires. On continue comme avant dans l’absence de volonté et le repli derrière le “c’est la faute à…” et “l’impondérable” justifiant l’inaction encore et encore.

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  5. marseillais marseillais

    On lance un grand projet aquatique pour la pub, donc pour l’esbroufe mais une municipalité incapable de réaliser de simples piscines indispensables aux marseillais.

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  6. Forza Forza

    Merci Adrien pour cet article documenté. Je comprends bien que “Euroméditerranée et la Ville n’ont été intégrés officiellement aux discussions autour du PPRI qu’en novembre 2017”, mais ils savaient quand même bien dès le début que ce terrain était comme tout le périmètre placé dans une zone à risque ? (d’ailleurs si je ne m’abuse le jardin devant le multiplexe comprend un bassin de rétention — pour l’instant totalement inefficace puisque les quais sont inondés à chaque fois qu’il pleut beaucoup)
    https://www.devisubox.com/dv/dv.php5?pgl=Project/interface&sRef=3KFZRNSG )

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    • Adrien Simorre Adrien Simorre

      Bonjour,

      Vous avez raison de le préciser.

      Un périmètre bien plus large que le seul terrain prévu pour la piscine est d’ailleurs en aléa inondation (cf carte). Mais si cet aléa est connu, il faut attendre le document produit par l’Etat -qui croise l’aléa avec les enjeux du territoire- pour connaître la réglementation précise qui s’applique à la parcelle concernée. Au vu de la chronologie que nous avons reconstituée, il semblerait que la ville, lorsqu’elle lance son appel d’offre en 2016, n’ait pas anticipé la réglementation assez stricte finalement prévue par l’Etat en 2017 .
      La ville n’ayant pas souhaité répondre à nos questions, nous ne pouvons toutefois pas confirmer ces informations…

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    • LN LN

      Juste 2 exemples : les constructions autour du stade Vélodrome, les pieds dans l’eau au bord de l’Huveaune (classé rouge) et la déclassification du secteur de la base nautique du Roucas Blanc (classé rouge aussi) dès l’annonce de JO. (Il doit y en avoir d’autres.)
      Si on remonte toute la vallée de l’Huveaune et au regard de tous les chantiers en cours – B.U.S compris – je ne sais pas trop à quoi il sert au juste le PPRI puisque globalement tout est en zône inondable. Peut-être à justifier le travail de qqs fonctionnaires.
      Alors oui, la piscine d’Euromediterranée pourra prendre l’eau.

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  7. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Les piscines publiques sont un équipement de loisir et de santé publique indispensables dans tout Marseille mais il faut parfois deux ou trois bus pour les rejoindre.
    3 lignes de bus convergent vers Luminy et cette piscine pouvait également desservir ainsi non seulement le campus mais aussi une bonne partie de la population du 9 ème arrondissement mais l’incompétence et le manque de volonté politique de l’ensemble de l’équipe municipale fait qu’il n’en sera rien.
    Et dire que l’inauguration des travaux de la piscine de Luminy était inscrite au programme de Marseille Capitale européenne du sport 2017. L’inauguration des travaux n’à jamais eu lieu de même que les travaux eux mêmes bien sûr quand à l’inauguration de la piscine n’en parlons pas.
    Pendant ce temps les citoyens paient chaque année les lourdes mensualités du stade Vélodrome et de l’ensemble des soi disant partenariats publics/privé.

    Pour cela et pour bien d’autres méfaits, c’est l’ensemble de la municipalité qui devrait être démis.

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  8. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le célébrissime “plan piscines” que l’excellentissime élu nullicipal Miron nous a survendu en 2008 (et beaucoup plus mollement en 2014) pourra vraisemblablement être fourgué à nouveau aux électeurs en 2020.

    C’est l’avantage des promesses non tenues, elles peuvent servir plusieurs fois.

    En 10 ans, exception faite de la rénovation de la piscine Vallier, à quoi ce plan a-t-il abouti d’autres qu’à des fermetures de bassins ? Et à l’abandon pur et simple de la piscine de Luminy, en dépit de belles promesses – immortalisées par d’émouvantes photos – de travaux “d’une durée de 4 ans à compter de mars 2009″… : https://twitter.com/vince13008/status/1023975847085129728

    Mais on tolérera ce retard, puisqu’on ne peut pas tout faire à la fois et que la municipalité a finalement mis le paquet sur la lutte contre l’habitat indigne. Ah ben, non plus…

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  9. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Quand l’Etat, gaulliste planificateur, abhorré par Gaudin était à la manœuvre 6 piscines furent construites à Marseille
    58 piscines en 1958 en France, 158 en 1965 et 408 en 1969. L’État veut aller encore plus loin dans le cadre des investisse-ments du sixième plan quinquennal (1971-75) en lançant son opération dite des « mille piscines ». Le but est l’apprentissage de la natation, notamment à la suite de résultats décevants des nageurs français aux Jeux olympiques d’été de 1968 à Mexico. Le volontarisme de l’État, accompagné de moyens financiers conséquents, a rendu possible dans les années 1960 la cons-truction d’équipements sportifs dans de nombreuses com-munes, à une époque où l’autorisation de l’État central était nécessaire pour emprunter afin de réaliser des investissements locaux. Le professeur de médecine Joseph Comiti, un marseil-lais, secrétaire d’État aux sports du gouvernement Chaban-Delmas (1969-72), décida qu’un effort particulier devait être mis en œuvre pour diffuser la pratique de la natation sur l’ensemble du territoire afin que les scolaires en bénéficient en priorité. Entre 600 et 700 piscines ont ainsi été construites, de type Iris, Plein-Ciel, Plein-Soleil, Caneton et enfin Tournesol, lauréat des deux concours d’idée. Le type Tournesol, l’un des plus caractéristiques, est l’œuvre de l’architecte Bernard Schoeller. Près de 200 exemplaires ont été finalement cons-truits, sur les 250 prévus initialement.

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  10. LOU GABIAN LOU GABIAN

    étrange ce souci de la peur que la piscine soit inondé, il me semble que dans le bassin y a de l ‘eau

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  11. LOU GABIAN LOU GABIAN

    et la piscine du panier, qui connait toujours fermé

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  12. Pascal L Pascal L

    Et la piscine de la Castellane, fermée également depuis deux mois pour une raison inconnue car de long travaux y avaient été menés il y a a peine deux ans.

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  13. Tarama Tarama

    Et évidemment, la piscine de Luminy ne serait qu’un prétexte à un projet immobilier en coeur de Parc National des Calanques…

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  14. CAT13 CAT13

    Il faut arrêter de se plaindre un peu, comme dirait Jean Claude, les petits marseillais ont la mer pour apprendre à nager, enfin!!

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