Le festival d'Aix se délocalise au cœur des quartiers

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le 11 Juin 2014
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Le festival d'Aix se délocalise au cœur des quartiers
Le festival d'Aix se délocalise au cœur des quartiers

Le festival d'Aix se délocalise au cœur des quartiers

Une procession musicale chemine lentement depuis le centre social de la Savine jusqu'à un étrange bassin bétonné garni de gradins. L'endroit date de la construction de la cité mais le bassin d'ornement a vite été vidé de son eau et transformé en stade de football par les jeunes de la cité. En ce samedi, ni ballon, ni poisson, mais deux rangées d'artistes, de musiciens, de femmes et d'enfants se font face et s'observent. Du haut de ses huit ans, Elyès se lance le premier dans l'arène, il prend possession de l'espace qui l'entoure. Il se déplace en produisant des sons, des onomatopées, ses pas sont lents puis rapides, saccadés et ses mouvements répétitifs. Il est suivi par le reste du groupe qui s'anime un par un et, chacun à son tour s'approprie l'espace.

Faire chanter les enfants 

Cet "impromptu" est exemplaire de ce que veut être Musiques en cité : une rencontre entre musiciens, professionnels, amateurs et habitants dans un lieu éloigné du théâtre ou de l'opéra. Depuis plusieurs années, le service "passerelles" du Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence travaille en partenariat avec la Sound Musical School, autrement appelé B Vice, un "centre culturel à l'usage de la rue" installé au coeur de cette cité perchée au nord de Marseille. Déjà en 2012, Boras, un projet interculturel autour de berceuses comoriennes créé avec les musiciens du London Symphony orchestra. L'aventure avait mené des femmes et des enfants de Marseille jusqu'à Londres pour une représentation à la chapelle Saint Luke, lieu de représentation du célèbre orchestre. Cette année, la création musicale se déplace au pied des tours de la Savine.

Au fond du bassin, la chanteuse Stéphanie Hamadi, fait un cercle avec des minots âgés de 3 à 11 ans. Elle entonne "ye mbona", une berceuse comorienne sur le thème de l'amour d'une mère pour son enfant. Ce moment de complicité entre eux se poursuit très naturellement avec Halima Hassane, membre de l'association, qui reprend une autre berceuse comorienne. Lentement, le chœur s'éloigne du bassin et rejoint un autre lieu pour un nouveau moment musical.

"Le projet est une initiative du festival, basé sur la transmission de la musique à travers des ateliers pédagogiques avec des musiciens-relais qui font appel à  des notions d'improvisation dans l'espace public", explique Raphaël Imbert qui tient la baguette de chef d'orchestre. Il est épaulé par la chorégraphe Geneviève Sorin qui travaille sur les mouvements dans l'espace public. Avec eux, une équipe s'est constituée, avec d'une part des musiciens dit "relais", qui sont en formation avec l'académie européenne de musique. Au côté des artistes et de ces passeurs, les enfants ont participé à trois ateliers avant de se lancer dans l'improvisation. Mais, pour Geneviève Sorin, cet instant de partage est surtout possible car "les enfants sont naturels, justes, complètement dans l'exercice et qu'ils respectent tout".

"Un moment de poésie à la Savine"

Illustration parfaite avec un second cercle musical dans lequel ce sont les enfants qui guident et donnent le tempo aux adultes. Cette inversion des rôles réjouit Raphaël Imbert : "On peut faire de la musique sans l'écrire. Ici, on ne joue pas de la même façon qu'à Aix-en-Provence. Les musiciens sont spéciaux, comme Elyès qui donne des instructions à des professionnels"

Mais, au-delà des acteurs humains, le cadre de la cité compte pour beaucoup dans le projet. "Quand Emmanuelle Taurines, la responsable du service "passerelles" du festival d'Aix nous a proposé ce projet, nous avons tout de suite souhaité que cela se passe chez nous plutôt qu'à Aix-en-Provence, explique Soly Mbae, auteur compositeur, slameur mais surtout responsable du B Vice. C'est un moment de poésie à la Savine alors que nous venons de vivre un premier mort par règlement de comptes. Le fait que le festival se déplace à la Savine c'est une très bonne chose, cela montre que nous ne sommes pas un "no man's land", on peut faire des choses, créer des événements. Il se passe énormément de bonnes choses ici". 

Claquements de doigts, applaudissements autour du thème intitulé Yémen (Amen)  devant la façade graffée du B Vice. Le public participe activement aux improvisations, les voix des intervenants se mêlent à celles des amateurs. Une ronde de sourires saluent la performance. A la toute fin, Soly slame un texte intitulé Armées du béton armé, accompagné par des chœurs mélancoliques. Raphaël Imbert joue du saxophone entrecoupé dans le slam. 

Blocs de béton barbouillés à la bombe
Bouchant le bleu de l’horizon mis au ban du monde
Tours de Babel délabrés bravant la tempête
Banlieues Nord bariolées de barreaux aux fenêtres
Bienvenue dans le berceau des braves cœurs sans grade.

Ce mot de bienvenue plutôt sombre est une invitation paradoxale à la rencontre. En écho, après l'événement, une petite scène en fait l'illustration. Dans un coin, la violoniste japonaise Chikako Hosoda initie un puis plusieurs enfants à son instrument. Un groupe se forme, la musique passe.

 

Les improvisations musicales se poursuivent ce dimanche 22 Juin, à 18 h à Encagnagne, au Jas de Bouffan à Aix-en-Provence. 

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Commentaires

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  1. Eric SCOTTO Eric SCOTTO

    Initiative louable comme un emplâtre sur une jambe de bois tant que “l’éducation” musicale publique ne sera pas accessible de la même façon dans toute la ville à toute les catégories.

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  2. jdeharme jdeharme

    Le festival d’Aix se délocalise au cœur des quartiers très bonne initiative et pendant ce temps là le Maire de Marseille laisse filer l’applestore à Aix plutôt qu’à Marseille. Mr Gaudin grassement payé pour être maire de cette ville pourrait il parfois s’occuper de Marseille autrement que pour refuser l’application des lois et rater toutes les opportunités économiques c’est aussi dans son programme.

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  3. Marseillais indigné Marseillais indigné

    @D’accord Éric mais cette excellente initiative n’est qu’un début ,il faut continuer le combat

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