Le département ne vendra pas l’église Saint-Martin-d’Arenc et veut à nouveau la réhabiliter

Info Marsactu
le 19 Juin 2023
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L'église Saint-Martin-d'Arenc ne sera finalement pas vendue par le département. La collectivité lance prochainement une grande concertation pour aboutir à un nouveau projet. La collectivité écrit une nouvelle page de ce feuilleton vieux de 40 ans.

Juin 2023. (Photo : LD)
Juin 2023. (Photo : LD)

Juin 2023. (Photo : LD)

Un véritable rétropédalage. Après avoir voté la vente de l’église Saint-Martin-d’Arenc en novembre 2022, le département – propriétaire du site – fait marche arrière. “Aujourd’hui, nous ne voulons plus vendre mais en faire un lieu de vie en gardant l’âme du bâtiment”, confirme Laure-Agnès Caradec, vice-présidente du conseil départemental. Celle qui est également présidente d’Euroméditerranée, annonce ainsi l’ouverture d’une “large consultation d’ici à la fin du mois de juin”. Comme un énième rebondissement dans le feuilleton autour de cette église désacralisée.

Rue Mirès (2e), non loin de l’Hôpital européen, les grilles qui ceignent cette église laissent apercevoir un jardin à l’abandon et une bâtisse à la façade fissurée. Sur les murs extérieurs, des tags. Depuis 1978, plus aucun visiteur n’a foulé les marches menant à l’entrée. Pour preuve, les déjections de pigeons, heureux de disposer du lieu en toute tranquillité, dissuaderaient tout curieux. L’état de délabrement, visible depuis la rue, est tel que certains riverains préféraient la destruction du site, au profit d’un espace vert, sur les 3 509 m2 de la parcelle. D’autres, comme les membres du comité de quartier (CIQ) Arenc-Villette, militent à l’inverse depuis plusieurs décennies pour sa sauvegarde. Le département, après avoir fait l’autruche, tranche finalement en leur faveur.

L’église est à l’abandon et sans fonction depuis 1978. (Photo : LD)

L’histoire de l’église Saint-Martin-d’Arenc est longue et riche de péripéties. Elle est édifiée en 1913 par l’architecte Théophile Dupoux, grâce à des donateurs dont les noms sont inscrits sur la façade arrière du bâtiment. “Elle est le brouillon du Sacré-Cœur au Prado, construite par le même architecte”, avance Antoine Cacioppo, le vice-président du CIQ. Soixante-cinq ans plus tard, elle est définitivement fermée au public pour des raisons de sécurité, au vu de l’instabilité des sols.

Église en péril

Depuis, les idées de réhabilitation se sont multipliées : école privée catholique, centre de formation et débats à l’image du Collège des Bernardins à Paris, intégration des jardins de l’église à ceux des archives départementales voisines ou encore création d’un espace culturel et cultuel. Aucun projet n’a abouti. En 2007, le bâtiment est néanmoins classé “bâtiment remarquable” au plan local d’urbanisme de la Ville. Son état se dégrade néanmoins avec le passage de squatteurs et les tags qui se multiplient. Faute de travaux, l’église est déclarée en péril en 2011.

Le diocèse n’a pas les moyens de prendre soin de la structure. Il est d’abord accompagné par une association d’entrepreneurs, “Objectifs métropole”, qui finance 117 000 euros de travaux pour mettre le bâtiment en sécurité, avec en ligne de mire l’idée de lancer ensuite une campagne de mécénat*. Mais c’est au département que sera cédé l’édifice en 2018 pour 550 000 euros, alors qu’il menace ruine. Sa consolidation est votée la même année par la commission permanente de la collectivité à hauteur de quatre millions d’euros, estimés à partir d’une première étude réalisée en 2016. L’ambition de la présidente du département, Martine Vassal (DVD), est alors d’en faire “un espace de coworking et d’exposition”. Deux millions d’euros supplémentaires sont avancés pour réhabiliter le site.

Période de latence

Mais, derrière des branches d’arbres, le panneau du département est presque oublié depuis sa pose par les passants quotidiens. “Ici, le département s’engage et investit pour assurer le sauvetage de l’église Saint-Martin-d’Arenc”, peut-on y lire. Pourtant, depuis cinq ans, le portail est toujours fermé, les fissures n’ont pas été rebouchées. Seul changement visible : les vitraux et fenêtres sont désormais soutenus par des renforts en bois. “Le département n’a fait que 300 000 euros de petits travaux, mais il n’a pas entamé la consolidation, dénonce le CIQ. On nous dit que ça coûte trop cher.” Selon nos informations, le budget du chantier de consolidation a été réévalué légèrement à la hausse dans une nouvelle étude, en date de 2022. Étude à laquelle ont participé les Architectes des bâtiments de France et que le département ne souhaite pas encore partager. Un temps, l’épineux dossier est passé par les mains d’Euroméditerranée, chargé de penser à son tour sa réhabilitation, avant de revenir dans son berceau d’origine.

“Qu’est-ce qu’on attend ? Qu’elle tombe ? Depuis 1978, c’est presque un miracle que ce ne soit pas le cas”, commente le CIQ. En janvier dernier, fatigué du silence du département sur la question, il a adressé plusieurs courriers à Martine Vassal, Benoît Payan, maire de Marseille (DVG), au préfet et au député Manuel Bompard (LFI). En vain. Pour protéger le bâtiment de la destruction, un temps envisagée, le comité de quartier a déposé une demande de classement au patrimoine historique. “L’édifice est passé en délégation permanente le 06 avril 2023 et a reçu un avis favorable à la poursuite de la procédure de protection”, confirme la Direction régionale des affaires culturelles.

Parallèlement, le collectif lance une pétition en décembre 2022. Un peu plus de 1000 riverains signent. “Mais en faisant croire qu’un promoteur avait acheté le terrain et allait construire une tour”, grince une habitante engagée. Car tous les habitants d’Arenc-Villette ne soutiennent pas le collectif qui, pour certains, “s’obstine”.

En route pour un énième projet

Sollicité par Marsactu, le département répond de ces années blanches et confirme qu’aucun travaux de consolidation n’a eu lieu. “Les projets de réhabilitation n’étaient pas à l’équilibre économique donc nous n’allions pas lancer de chantier”, justifie Laure-Agnès Caradec. Avant de poursuivre : “Nous devons maintenant réfléchir à des financements publics, et de partenaires. Aucun acteur privé n’a d’intérêt si ce n’est pas financièrement viable. C’est un coût colossal.”

Une concertation sur le sujet est annoncée pour les jours à venir et doit aboutir à un projet de “consensus”. Elle rassemblera tous les acteurs, architectes nationaux, élus de secteur et de la Ville, comité de quartier ou encore riverains. Avec au bout, “des travaux de consolidation rapidement, peut-être d’ici la fin de l’année”, avance avec précaution la vice-présidente. Le rendez-vous est donné pour ouvrir un nouveau chapitre dans la vie de Saint-Martin-d’Arenc. Pour le moment, il ressemble à s’y méprendre au précédent.

*Actualisation le 21 juin à 18 h 30 : correction de nos informations concernant l’association Objectif métropole, dont nous écrivions, à tort, qu’elle avait envisagé de financer la réhabilitation de l’édifice à hauteur de plusieurs millions d’euros.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Avoir laissé à l’abandon aussi longtemps un tel bâtiment et maintenant lancer des travaux qui vont etre un gouffre financier, c’est incompréhensible. Quelle sera la destination finale ? Personne ne s’avance, seulement de vagues “idées ” énoncées…

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    • Forza Forza

      Assez probablement aucun privé n’en n’a voulu vu le contexte et le Département ne se sent pas d’assumer les images de la grignoteuse en train de déconstruire l’église au journal de FR3. Quant à une concertation à l’arrache d’où emergerait miraculeusement un projet consensuel… va falloir mettre un cierge 😁

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Une question basique: si en 1978, l’église a été abandonnée pour des raisons de sécurité causés par l’instabilité des sols, comment diantre se pourrait-il qu’en 2023, la compositions des sols ait pu tellement se bonifier que l’on puisse à nouveau ouvrir cet édifice au public?????

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  2. Forza Forza

    Un musée Pagnol ? 😁

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    • RML RML

      Que Dieu nous préserve ! 😱

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  3. julijo julijo

    encore une concertation. belle et grande idée de démocratie participative.
    ce concerter, c ‘est échanger divers points de vue avec les acteurs concernés. ça ne veut pas dire qu’on recherche une décision commune acceptée par tous, un compromis. non, non, juste on expose, on se concerte, sur les idées différentes peut être…..
    la collectivité pourrait peut être, pour être efficace, et devenir crédible, prendre une décision plus rapidement, d’autant que depuis quelques années, les acteurs ont déjà tout dit !! peut être !?!

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  4. Jean Pierre RAMONDOU Jean Pierre RAMONDOU

    Le département achète l’église et puis ne sait quoi en faire.
    Bravo Mesdames et Monsieurs les élus !
    Celui qui a fait une bonne affaire c’est le diocesse.

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    • RML RML

      Vu le prix de vente indiqué, pas tellement…

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    • Jean Pierre RAMONDOU Jean Pierre RAMONDOU

      Sur quelle base ?
      A la valeur du foncier il faut déduite le côut de la démolition.

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  5. jacques jacques

    Oh que si! Au delà d’un € c’est déjà trop pour une ruine.

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  6. pierre-yves pierre-yves

    Marsactu, il faut enquêter pour savoir pourquoi Martine Vassal a t’elle acheté cette église en ruine ?

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    • Jean Pierre RAMONDOU Jean Pierre RAMONDOU

      c’est la bonne question

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  7. ALAIN B ALAIN B

    C’est une très bonne résolution prise par le département
    Peut être que la bataille qu’à mener par le CIQ Arenc Villette pour conserver le patrimoine de Marseille a influencé cette décision
    Si vous voulez avoir plus de précision vous pouvez aller sur le site du CIQ et vous aurez toure l’histoire de cette église, l’architecte des archives qui a fait le grand esplanade devant les archives pour que la façade soit visible,
    Non le patrimoine de Marseille doit être préservé
    Bien sûr vous trouverez toujours quelques personnes qui préfèrent les belles tours qui cachent la vue aux habitants du quartier
    La manifestation samedi qui a réuni plus de 100 personnes (nous les avons comptées) a certainement influencé la décision du département
    Des associations nous ont soutenu et en particulier des historiens qui luttent pour la protection du patrimoine
    Cet espace avec des arbres centenaires et le jardin des archives peuvent faire aujourd’hui qu’on lutte contre le réchauffement climatique un peu de verdure dans ce quartier EUROMED qui manque cruellement d’espaces verts
    Savoir reconnaitre ses erreurs est savoir revenir en arrière est une position politique positive

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    • marianne13 marianne13

      En l’occurrence, la préservation du bâti dont l’architecture n’est quand même pas exceptionnelle, va coûter une fortune aux marseillais car la construction a été réalisée sur du remblais.
      Mais pourquoi ne pas raser le bâtiment et compléter l’espace vert ? Ça aurait un sens il me semble !

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    • Forza Forza

      Il faut arrêter de mentir le CIQ. Personne ne préfère les tours et tout le monde veut préserver les arbres. En revanche tout le monde n’est pas d’accord pour engloutir des millions (les nôtres) dans la restauration d’une ruine sans savoir ce qu’on va en faire et avec le risque que le lieu soit à nouveau squatté dès qu’il sera sorti de péril. Sur ce coup là je suis d’accord avec le Département, (même si on ne comprend pas ce qu’ils ont foutu depuis 2018) : il faut recréer un accès public au lieu mais pour ça il faut d’abord un projet avec un équilibre économique sur le long terme.

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    • Pascal L Pascal L

      Tout à fait d’accord avec Marianne 13.
      Le quartier est ultra bétonné et se bétonne encore.
      Rue de Rufffi et rue Peysonnel on ne voit quasiment pus le ciel des trottoirs en raison des immeubles de plus de 15 étages qui les bordent, sauf en dehors de quelques endroits dont celui-ci.

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  8. Mistral Mistral

    Pourquoi tant d’émoi et tant d’argent dépensé pour un bâtiment en ruine qui a à peine plus d’un siècle d’existence alors que la droite locale alors à la tête de la Ville n’a pas su protéger la carrière de la corderie, une des plus vieilles carrières du bassin méditerranéen vieille de 2600 ans !

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  9. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    La petite reine de Provence et sa Chambellane au béton ont rêvé d’une fondation tenue par une grande fortune pour faire à moindre frais de cette église abandonnée un phare culturel dans un quartier d’affaires. Pinault, Guggenheim, LVMH, Cartier, que de noms qui font rêver… Hélas, si nos deux héroïnes pensent qu’Euromed c’est La Défense, Manhattan ou la City mais en mieux, les grandes fortunes ne l’ont pas compris – ou n’ont pas voulu le comprendre. Pire, Maja Hofman a choisi Arles, Karolina Blaberg a choisi Le Thoronet, Gattaz a préféré racheter des domaines viticoles dans le Liberon et le géant du tourisme culturel CulturEspaces a préféré Aix en Provence et Les Baux de Provence…

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  10. ALAIN B ALAIN B

    Si le département avait vendu le site de l’église saint Martin d’Arenc vous n’habitez certainement pas le quartier cela n’aurait pas été pour faire un parc pour les habitants, c’es pour cela que la peur justifiée du CIQ et pas seulement lui, le CIQ a agit pour que la métropole ne vende pas ce terrain à un promoteur qui aurait fait quoi? posez vous la question
    Après pour construire la L2, la priorité c’est la conservation du patrimoine Marseillais où faire entrer plus de voitures dans la ville

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    • marianne13 marianne13

      J’y suis allée : beaucoup de subjectivité et de bondieuserie !

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Abattre cet élément patrimonial très très mineur permettrait de faire un chouette jardin en reliant ce terrain au jardin des Archives, ce qui sauvegarderait les platanes centenaires. Sauvegarder cet édifice sans pouvoir le rentabiliser coûterait un bras à la collectivité qui a déjà pas mal de soucis de conservation sur les bras. Les curieux de ce genre d’architecture pourront avantageusement se déplacer au Prado.

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  11. ALAIN B ALAIN B

    aujourd’hui des élus lors des élections ont un programme, font des propositions. Pour l’église Saint Martin d’Arenc si vous avez vu le site du CIQ vous avez vu et entendu les propositions des élus qui sont au pouvoir au département
    Alors faire le contraire de ce qui est dit publiquement et même dit en se filmant devant l’église cela serait normal
    Non ces élus avaient fait un projet, ils connaissaient les frais engagés
    Nous ne devons pas nous habituer que les discours avant les élicitons soient des mensonges

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