Le Conseil constitutionnel a tranché : Jean-Noël Guérini reste sénateur

Actualité
le 24 Nov 2021
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L'ancien président du conseil général des Bouches-du-Rhône peut conserver son mandat sénatorial, malgré sa peine d’inéligibilité à effet immédiat en première instance. Les sages refusent de le démettre sans jugement définitif à son encontre.

Jean-Noël Guérini au premier jour de son procès le 15 mars 2021. (Photo Emilio Guzman)
Jean-Noël Guérini au premier jour de son procès le 15 mars 2021. (Photo Emilio Guzman)

Jean-Noël Guérini au premier jour de son procès le 15 mars 2021. (Photo Emilio Guzman)

La décision a été prise hier, mardi 23 novembre. Sa conclusion tient en peu de mots : “La requête du Garde des sceaux, ministre de la Justice, tendant à la constatation de la déchéance de plein droit de monsieur Jean-Noël Guérini de sa qualité de membre du Sénat est irrecevable et doit être rejetée”, écrit le Conseil constitutionnel. En clair, bien que condamné à une inéligibilité à effet immédiat, Jean-Noël Guérini conserve son mandat de sénateur.

Le 28 mai dernier, l’ancien président du conseil général des Bouches-du-Rhône (PS puis DVG) est reconnu coupable de prise illégale d’intérêts par le tribunal judiciaire de Marseille. Il est condamné à trois ans de prison dont 18 mois ferme avec détention à domicile, ainsi qu’à une amende de 30 000 euros et à cinq ans de privation de droits civiques et civils, donc d’inéligibilité. “La responsabilité d’un homme qui assure des fonctions électives est de s’en montrer digne et de ne jamais permettre à des intérêts personnels de prendre le dessus sur l’intérêt général”, tance alors vertement la présidente du tribunal, Céline Ballerini. Raison pour laquelle la magistrate assortit sa décision d’une demande “d’exécution provisoire” de cette peine.

Pas de jugement définitif

Traduction ? La présidente Ballerini demande que l’inéligibilité du sénateur s’applique séance tenante, qu’il quitte donc son mandat, sans attendre les conclusions du procès en appel, qui s’ouvre ce lundi 29 novembre. Pour appliquer cette décision de justice, il convient que le Garde des sceaux (ou le Sénat) saisisse le Conseil constitutionnel, lequel doit constater la déchéance du mandat. Éric Dupont-Moretti saisit donc les sages du conseil, au début du mois de septembre.

Ce 23 novembre, les sages du Conseil constitutionnel ont donc tranché. Ils considèrent que la décision d’exécution provisoire prononcée par le tribunal de Marseille ne peut s’appliquer. Selon le Conseil constitutionnel, “l’exécution provisoire de la sanction privant monsieur Guérini de son droit d’éligibilité est sans effet sur le mandat parlementaire en cours, dont la poursuite dépend de la seule exécution du jugement”.

Jurisprudence favorable

La décision des sages de la rue de Montpensier satisfait évidemment Dominique Mattei, l’avocat de Jean-Noël Guérini. Elle va dans le sens des observations qu’il avait présentées au Conseil. Et surtout, assure le conseil du sénateur, “elle est fidèle à la jurisprudence du Conseil constitutionnel” en la matière. En 2009, le Conseil constitutionnel, dans la même situation, avait sursis à statuer sur la déchéance du mandat de Gaston Flosse, sénateur de la Polynésie française, en attendant un arrêt de la Cour de cassation. Il précisait alors que la peine d’inéligibilité valait pour un nouveau mandat qu’il aurait souhaité briguer.

“En droit cet argument ne tient pas !”

Un avocat

La décision du 23 novembre du Conseil constitutionnel pose question. La lecture offerte par les sages laisse entendre qu’une exécution immédiate de la peine d’inéligibilité serait irrecevable au motif que le jugement n’est pas… définitif. Ce qui fait bondir un avocat : “En droit cet argument ne tient pas !” Il apparait que ce n’est pas toujours le cas notamment lorsque la décision concerne des élus locaux.

En 2011, par exemple, l’ex-maire FN de Marignane (Bouches-du-Rhône), Daniel Simonpieri, est condamné par la justice à une peine de privation de ses droits civiques et à une inéligibilité pour une durée de cinq ans. Sans attendre la décision en appel, il est démis d’office de ses mandats par le préfet des Bouches-du-Rhône. En 2018, le tribunal administratif de Guadeloupe rejette la demande d’un conseiller municipal qui – condamné à de l’inéligibilité en première instance avec exécution provisoire – contestait l’arrêté du préfet de Guadeloupe le déclarant “démissionnaire d’office”. Ordonnance confirmée par le Conseil d’État, plus haute instance administrative.

Séparation des pouvoirs

Il n’en va pas de même pour Jean-Noël Guérini. “Pour les parlementaires, le Conseil constitutionnel fait l’inverse de la solution qu’applique le conseil d’État pour les élus locaux. En droit, rien ne vient justifier cette décision. Si ce n’est que le Conseil constitutionnel sait qu’il ne pourra pas lui-même être censuré dans sa décision et qu’il a aussi pour mission d’assurer la séparation entre les pouvoirs législatif et judiciaire”, analyse Éric Landot, avocat et auteur d’un blog juridique qui décrypte notamment cette décision.

Ce qu’un de ses confrères dit autrement : “Il ne faut pas qu’un petit juge d’un tribunal de province puisse “se taper” un parlementaire quand bon lui semble en cours de mandat, au risque en plus que la peine soit infirmée en appel. C’est une réaction épidermique compréhensible en partie pour ce qui est de la séparation des pouvoirs. Mais l’argumentaire déployé est plus politique que juridique.”

Le procès en appel de Jean-Noël Guérini et de son frère Alexandre s’ouvre ce 29 novembre à Aix-en-Provence. D’ici à son arrêt puis à un éventuel pourvoi devant la Cour de cassation, l’élu des Bouches-du-Rhône peut dormir tranquille : il va encore siéger plusieurs mois, sinon années, dans son fauteuil de velours rouge du Palais du Luxembourg.

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Commentaires

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  1. vékiya vékiya

    encore une décision qui va redorer la confiance que nous avons dans nos élus, mais comment se passer d’une telle pointure au sénat ?

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  2. ALAIN B ALAIN B

    Il devrait rembourser les sommes perçues lors de son jugement définitifs

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  3. Alceste. Alceste.

    J’ai écris un premier commentaire, et effacé immédiatement.Trop violent à l’égard de la classe politique , de Fabius et des membres du CC, et de Guérini.
    Jugement juridiquement défendable temporairement,mais scandaleux définitivement.
    Ces gens m’écoeurent et Larchet plus particulièrement.

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    • LOU GABIAN LOU GABIAN

      experience familiale de la gestion des ordures

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  4. Massilia fai avans Massilia fai avans

    Il y a quelque chose que je ne comprends pas: s’il est condamné à 18 de prison ferme (même aménagée) comment fait il pour siéger au sénat (physiquement) ?
    Cette partie de la peine n’est pas exécutable ?

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    • Alceste. Alceste.

      Vous allez vite comprendre avec un exemple parallèle.Benzema condamné, fait appel, Le Graet et Deschamps disent que sa condamnation n’est pas définitive ,donc on le garde en équipe de France ” vitrine “du pays.
      Cette argutie intellectuelle , de jugement non encore définitif évite de prendre la décision qui s’impose.La famille Balkany a tenue comme ceci des décennies.
      Il y a quelque chose de pourrie en France pour paraphraser Hamlet

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    • Assedix Assedix

      @Massilia fai avans: pas avant l’appel, je pense.

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    • Christiane CLOUET Christiane CLOUET

      ce n’est pas la même chose pour Benzema, il est condamner avec sursis. On ne peut empêcher quelqu’un de travailler pour une condamnation avec sursis.

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  5. Pascal L Pascal L

    On est pas obligé du tout d’appeler “sages” les membres du conseil constitutionnel. Je dirais même qu’on devrait l’éviter car c’est, en toute rigueur, du parti pris.
    Et ce n’est pas parce que tout les médias classiques le font qu’il faut s’aligner.

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  6. Richard Mouren Richard Mouren

    Sauf erreur de ma part, les deux décisions citées de 2011 et 2018 relevaient du droit administratif dans lequel l’appel n’est pas suspensif.

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    • Alceste. Alceste.

      Nous sommes là en correctionelle .

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    • Tyresias Tyresias

      Il semble que ce soit la contestation de l’interprétation par le Préfet du jugement correctionnel, qui ait été portée au tribunal administratif

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  7. Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

    Étonnant en effet. L’exécution provisoire est justement conçue pour exécuter une décision de justice sans attendre le résultat des recours éventuels. En s’opposant à cette exécution provisoire le conseil constitutionnel en affaiblit le principe et incite les justiciables à multiplier des manœuvres dilatoires. D’autant plus étonnant que le Conseil d’Etat n’est pas sur la même ligne… Mais voilà : les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Donc l’avocat de Guerini a bien joué

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Oui, en prononçant l’exécution provisoire de la décision, l’intention de la juge était d’obtenir la decheance du mandat de Guerini sans attendre l’issue des recours. Et le Conseil constitutionnel dit que cela ne relève pas du pouvoir d’un juge en première instance. Rappelons que les électeurs eux-memes ne disposent pas d’un tel pouvoir (de destituer un parlementaire). Donc il faudra attendre une décision définitive. Au-delà du cas de Guerini, il me semble heureux de ne pas accorder à un seul juge le pouvoir de prendre (presque) seul une telle décision.

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  8. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    Laurent Fabius lui fait une “fleur”

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  9. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    et bien nous impôts vont servir à faire vivre largement ce mec

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    • Alceste. Alceste.

      Sans oublier les “grands élécteurs” qui ont votés pour lui aux sénatoriales.
      C’est le renvoi d’ascenceur des subventions départementales allouées par guérini aux maires. A ce sujet , j’en connais une qui avec ce système risque de se voir transférer au palais du luxembourg, un de ces jours .

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  10. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    s’appellerait SG ?

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    • Pascal L Pascal L

      ou MV ?

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    • Alceste. Alceste.

      Plutôt MV qui pourrait tenir ainsi compagnie à Valérie Boyer pour ses activités de tricots et crochets au Sénat à 7200 minima plus 6000 de frais.Elle est pas belle la vie Guérini !

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  11. Pascal L Pascal L

    Des fois, j’en viens à rêver à un tirage au sort des représentants du peuple parmi les citoyens : mandat de 4 ans mais jamais renouvelable.
    Les Athéniens avaient expérimentés et Socrate condamné ce système qui faisait la place belle aux lobbys, aux riches et aux sophistes (avocats entrainés à défendre tout et son contraire) mais depuis la donne a changé : le niveau moyen d’étude des français approche de bac + qq chose.
    Et de toute façon les riches, les lobbys et les sophistes sont déjà là, très puissants dans le système.
    Le gain : une représentativité (et donc une légitimité) des “tirés au sort” plus grande que celle des élus. Un peu moins de copinage et moins de dépenses publiques : plus d’élections qui coutent très cher. Pour les élus, un salaire de 5000 € indexé sur l’indice des prix des l’INSEE (qui sera donc plus juste) et plus les alloc familiales, à prendre ou à laisser et l’assurance de retrouver son ancien emploi après le mandat.
    On peut toujours rêver : c’est bientôt Noël.

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    • Alceste. Alceste.

      Je suis assez enclin à vous rejoindre, pour une simple raison.Les policards nous expliquent que ce qu’ils font est un métier , difficile,exige une très longue expérience ( l’ancienne municipalité était en un véritable EPADH) et ne peut-être mis entre toutes les mains.En revanche là ,les citoyens lambda peuvent se retrouver jurés d’assises sur tirage au sort pour expédier éventuellement un type pour des peines à perpétuité.Trop con pour être sénateur ou autres mais bons pour faire le sale boulot, car juré d’assises c’est loin vraiment d’etre évident.
      Alors oui une partie de lamdas, pourquoi pas ?

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