Sous-marin, escalator géant, aquarium : la Ville repense la façade maritime de l’Estaque
La Ville vient de lancer une étude de programmation économique autour du projet de réaménagement de l'Estaque, de Corbière à Saumaty. Marsactu a mis le nez dans les cartons du projet. On y retrouve un aquarium, des funiculaires et même une aréna. Plongée dans l'Estaque du futur. Ou presque.
Les quais de La Lave, vus depuis l'Espace Mistral. (Photo B.G.)
Elvis regarde l’Espace Mistral avec la moue boudeuse qu’on lui connaît. Le vent du même nom souffle un air frais sur les quelques baraques d’une petite fête foraine installée là pour les vacances d’automne. Elvis en est un des emblèmes un peu datés. Un vent frais de nouveauté, c’est ce que souhaite insuffler la municipalité qui vient de lancer un marché à procédure adaptée intitulé “Étude de programmation économique relative au développement du projet Estaque Maritime” destinée à dessiner des “scénarios de développement économique” en vue d’une “implantation sur les espaces de la Lave”.
La Lave est cette partie du Grand Port de Marseille qui court depuis l’espace Mistral, à l’Estaque-Plage, jusqu’au port de Corbières. Et si ce premier marché ouvre une phase très prospective. Les documents qui sont soumis en annexe éclairent les intentions de la Ville pour toute cette partie de Marseille. Téléphérique, grand aquarium, centre océanographique, aréna… On retrouve dans le paysage quelques uns des jouets préférés de l’équipe Gaudin.
“Enfin, soupire Didier Réault, l’adjoint à la mer. Cette étude va permettre d’embrasser à la fois la question de la mer et du littoral mais aussi du développement économique lié au monde maritime. C’est une réflexion spacio-économique qui associe la Ville, la métropole et le Grand port. Ce n’est pas rien.”
“La jetée” prolongera l’espace Mistral
Sur cet espace, la Ville et ses partenaires imaginent une nouvelle vocation de “loisirs maritimes” sur 4000 mètres carrés sous le nom de code de “La Jetée”. Pour l’heure, ladite jetée laisse voir ses quais à moitié écroulés à quelques mètres de l’embarcadère de la navette maritime. En cette fraîche matinée de vendredi, un pêcheur suit son bouchon d’un œil morne.
Au resto Au bord de l’eau qui occupe le quai, deux clients prennent le soleil. “Je leur souhaite bon courage s’ils veulent aménager la jetée, ricane le serveur. Il est 11 heures et vous êtes le troisième client. Si on ajoute des bars et restos jusque là-bas, cela va pas multiplier les clients. Regardez la Joliette, regardez le centre-ville. Il y a des centres commerciaux partout mais pas plus de clients.”
L’étude lancée par la Ville tentera justement d’évaluer le potentiel de développement économique du lieu. D’ores et déjà, une autre étude conjointement menée par l’agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise et le Grand Port en 2015 dessine un premier scénario d’installation. Celui-ci prévoit d’installer une promenade le long de cette jetée bordée de restaurants, avec, côté large, de nouvelles places à quai. L’étude en question imagine une nouvelle vocation pour la Calanque du plan d’eau, une passerelle qui permettrait de relier directement la jetée à l’espace Mistral et d’y implanter une piscine d’eau de mer. Comme le montre le schéma ci-dessous :
Une autre étude jointe en annexe, commandée à l’agence d’architecture et d’urbanisme Tangram en 2012 et intitulée “Le technoport de l’Estaque”, projette même de repositionner en bout de jetée le sous-marin de poche Saga qui dort pour l’heure dans un hangar, à immédiate proximité de l’espace Mistral. Car si le projet dessiné imagine des porosités entre la ville et le port, il doit aussi mixer des activités. Il est donc question d’augmenter le nombre de place du port de plaisance de la Lave ainsi que d’agrandir le port à sec. Il prévoit également de maintenir sur place un certain nombre d’activités économiques liées au nautisme et à l’économie maritime.
Du sous-marin à Saumaty
Dans une visée plus large de cette entrée de ville, la rénovation doit tout embrasser : des plages de Corbière jusqu’à la zone du port de pêche de Saumaty en remontant très haut vers la Nerthe. Ce deuxième schéma fait ainsi apparaître une nouvelle zone de baignade à Corbière pour compléter les deux anses actuelles. Elle prendrait place entre l’actuelle base nautique et le port de la Lave, à l’endroit où débouche le tunnel du Rove.
Un des critères de l’étude de programmation économique lancée par la Ville vise justement à respecter la complémentarité avec le site voisin de Saumaty. À cet endroit se tient le dernier maillon de l’activité de pêche de la Ville. On y trouve également la criée aux poissons et le marché de gros de viandes. Cette zone de Saumaty est presque autant en déshérence que la pêche professionnelle à Marseille. Elle ne compte aujourd’hui plus que 24 bateaux dont deux thoniers et 3 chalutiers.
Une étude du cabinet Egis de mars 2015 prévoit donc de rationaliser cet espace en regroupant l’activité de pêche sur une partie des quais et en renvoyant le marché de viande vers les Arnavaux. Le reste des quais et le foncier libéré permettront d’accueillir de nouvelles activités. Réparation navale, plaisance professionnelle ou amateur, le cabinet écarte toutes ses pistes pour n’en garder qu’une seule : la filière des activités sous-marines.
Le scénario retenu pour la restructuration du site de Saumaty vise à regrouper, au sein d’une zone portuaire sécurisée et bénéficiant d’accès terrestre et maritime facile et permanent, des acteurs identifiés de la filière.
12 entreprises du secteur ont été approchées pour intégrer ce pôle “sous-marin” notamment lié au off-shore, de l’extraction de pétrole et de gaz. Parmi celles-ci, l’incontournable Comex, Bourbon subsea service, un des géants du secteur ou Acsa qui développe le sea explorer, un planeur sous-marin conçu pour consommer le moins d’énergie possible. On y trouve également Subsea Tech, une entreprise spécialisée dans les mini-sous-marins et implantée justement sur le port de la Lave.
Quel délai pour déménager ?
Quand on pousse la porte du siège en préfabriqué de l’entreprise, on se rend compte très vite de l’aspect étriqué et vieillot du lieu. Avec 25 employés sur 300 mètres carrés, l’entreprise est à l’étroit. Son président Yves Chardard avait justement une réunion la semaine dernière à ce sujet avec le grand port, la métropole et la Ville. Son fils Yannick témoigne de l’état d’esprit collectif : “Notre volonté est de rester ici, aux Riaux. Le port nous propose un bail à longue durée si nous reconstruisons sur place. Mais ils nous parlent de 2018 ou 2019. Nous n’avons pas le temps d’attendre jusque-là. C’est aujourd’hui que nous sommes à l’étroit.”
Quand on évoque cet impératif auprès de Didier Réault, il reconnaît lui-même que les délais sont longs. “Les travaux devaient démarrer en 2016. Nous avons voté le projet de la Ville pour la mer et le littoral en décembre 2010. Entre temps, forcément, des entreprises que nous souhaitions voir s’implanter là sont parties ailleurs. C’est la vie. J’espère seulement avoir les premières avancées concrètes avant 2020.”
Une bretelle à travers la garrigue
L’élu se garde bien de pousser plus loin l’hypothèse calendaire. Cela fait presque une décennie que l’agence d’urbanisme, la Ville, la communauté urbaine produisent des études et rapports sur ce coin de Marseille. En 2008, l’AGAM étudiait la partie haute autour de la Nerthe en dessinant l’hypothèse d’une bretelle autoroutière au niveau de Jas-de-Rhode permettant de créer un accès routier direct depuis l’A55. On retrouve cet échangeur dans l’étude de l’agence Tangram en 2012.
“Si on veut construire quelque chose de cohérent à cet endroit, il faut forcément repenser l’accès. Cela passe par une nouvelle bretelle autoroutière au niveau de Jas-de Rhodes, reconnaît Didier Réault. Nous avons d’ores et déjà pris contact avec la région pour envisager la mise en place d’une halte ferroviaire qui permette un accès direct depuis la ligne de la côte bleue. De la même façon, il faut entièrement repenser l’offre de parkings sur la zone.” Cela passe, par exemple, par la mise à profit des anciennes carrières et sites industriels pour y implanter des parkings de grande capacité.
Escalator ou funiculaire ?
Dans ses dessins, le cabinet Tangram imagine également des liaisons douces de la gare de l’Estaque et de celle de Corbière jusqu’au littoral en réinventant la calade provençale sur un mode plus mécanisée. En clair, des escaliers mécaniques, un funiculaire, voire même un téléphérique pourraient permettre ces liaisons douces comme en témoigne l’illustration ci-dessous :
Plus de grands équipements
En revanche, le marché de programmation économique écarte la possibilité d’un grand équipement, tel une arena, qui semblait pourtant au cœur de la commande faite à Tangram. De nombreux croquis y laissent voir des bâtiments en forme de coquillage niché au bord de la Lave.
Il n’est plus question non plus d’une vaste salle de concert installée dans une des anciennes carrières que l’agence d’urbanisme avaient imaginé comme lieu d’accueil sans voisins. Fini également l’aquarium géant. “Il est clair qu’on envisage plus sérieusement de l’implanter entre le J4 et le Silo, sourit Didier Réault. À l’Estaque, on imagine plutôt permettre au grand public de découvrir le sous-marin saga en le plaçant au bout de la jetée de la Lave. Cela fait déjà un joli totem. Et puis, il y a toujours l’implantation de la station marine d’Endoume qui est sur la table. Mais pour les grands équipements, on verra plus tard. Commençons par avoir un aménagement rationnel du lieu et cela sera déjà un bon début.”
Délicat dialogue entre la ville et le port
Cela passe par un travail en bonne intelligence avec le grand port maritime, propriétaire de la plupart des espaces ouverts à la réflexion. Le projet Estaque maritime, correspondant pleinement aux “porosités” que le président du conseil de surveillance du port, Jean-Marc Forneri, appelait de ses vœux dans “le respect de la vocation industrielle et commerciale des bassins Est”. Déjà, une des zones du projet est actuellement utilisée pour le débarquement des passagers en cas de grand vent. Cette vaste esplanade présente un aménagement plutôt spartiate à des années lumières de la valorisation du foncier nécessaire à l’équilibre du projet.
Dans l’étude de l’Agam, validée par le GPMM, des solutions sont envisagées comme des constructions sur pilotis permettant aux cars de manoeuvrer en dessous. Mais il faudra surtout que la Ville et le port trouve une manière de fonctionner plus subtile que l’attaque frontale comme c’est le cas pour le hangar J1. Du côté du port, on confirme avoir été associé au cahier des charges de cette étude tout en énonçant une évidence aux accents de prévention : “Le GPMM, lui-même propriétaire d’espaces devant être valorisés sur cette zone, étudiera avec intérêt les conclusions de l’étude globale”.
Commentaires
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Le potentiel côtier et maritime de la rade Nord exploité vertueusement et sans démagogie pourrait tirer vers le haut tout ce quartier de Marseille.
S’il vous plait, pas de Casino si vous voyez ce que je veux dire !
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“le respect de la vocation industrielle et commerciale des bassins Est”
Le caractère industriel du port, une vielle rengaine complètement obsolète et qui empêche le développement touristique de Marseille. Au nord du MUCEM, il n’y a rien pendant près de 5 km jusqu’aux petits 300 m de l’espace Mistral à l’Estaque lui-même entouré de ports privatisés et clos qui profitent à une clique de privilégiés qui fait ses barbecue à l’écart du peuple derrière les barreaux. Les travaux en cours après la cale de mise à l’eau vers les Corbières (rare espace public et, comme toujours à Marseille, laissé à l’abandon, nids de poule, épaves et poubelles qui en font la décoration, la “Marseille touch”)ne sont pas fait pour agrandir ou améliorer l’espace public mais encore pour un agrandissement de l’espace concédé et clos pour les plaisanciers. Les^premier travaux : construire des barrières de 2,5 m de haut !
On pourrait imaginer une marina ouverte aux promeneurs et allant de l’espace Mistral à l’embouchure du tunnel Rove avec éventuellement une location de petits bateaux sans permis et des jeux pour les enfants. Au lieu de ça, on va installer une entreprise qui a seulement besoin d’un petit accès à la mer et qui va bloquer une partie de la côte, ne laissant au tourisme que des terrains vagues jonchés de verre brisé.
Evidemment les “locataires à vie” qui louent des emplacements pour une bouchée de pain (moins de 300 Euro par an et même parfois moins de 200) mais qui peuvent revendre la place sous le manteau à 50 000 Euro n’ont pas du tout intérêt à ce qu’on remette les choses à plat.
Et que dire du Cap Jamet. Quand je passe sur l’A55 et que je vois ces espaces en bord de mer qui servent de parking pour l’embarquement. Combien d’emplois pour cette activité et combien pourrait-on en créer avec une zone de loisir (piscines d’eau de mer, thalasso, “aqualand”, départ pour la plongée, départ pour le frioul, restaurant et hôtel). Il me semble que ces automobiles ne se plaindraient pas plus que cela de partir de Fos sur mer.
En bref cinq kilomètres d’une façade maritime d’exception entre calanque et côte bleu, face au Frioul, desservie par le TGV donc à quelques heures de Francfort, Paris, Bruxelles et complètement “vitrifiés” par des projets soit disant “industriel” débile mais qui ne sert qu’à masquer le fait qu’on ne veut pas toucher à une rente que certains ont réussi à se constituer. A pleurer !
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Pascal
je souhaiterais appuyer sur deux points sensibles parmi ceux que tu soulèves dont il serait bien que l’on les remette sous le feu des projecteurs :
– L’incroyable incapacité à remettre en service le tunnel du Rove.
Oui, c’est à pleurer !
– L’apparente gestion extra territoriale du domaine maritime par le Port Autonome.
Quid du domaine public !
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