La longue barre de Campagne-Lévêque candidate à une mutation dans les grandes largeurs

Décryptage
le 6 Avr 2023
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Les élus de la Ville et de la métropole ont présenté fin mars le projet de renouvellement urbain de la cité de Campagne-Lévêque (15e). Dernier projet inclus dans le volet habitat du plan Marseille en grand, la grande barre de Saint-Louis doit être en partie démolie.

Située quartier Saint-Louis, l
Située quartier Saint-Louis, l'immense barre de Campagne-Lévêque se prépare à sa rénovation. (Photo : BG)

Située quartier Saint-Louis, l'immense barre de Campagne-Lévêque se prépare à sa rénovation. (Photo : BG)

La grande barre de 40 mètres de haut et 275 de long domine les hauteurs de Saint-Louis (15e) depuis plusieurs décennies. Elle est visible de très loin, bloquant l’horizon d’un trait gris béton. Elle a longtemps été considérée comme la plus longue barre construite d’un seul tenant en Europe. Un record non homologué qui positionne la cité gérée par 13 Habitat, le bailleur du département, parmi les candidates à ce qu’on appelle désormais le renouvellement urbain.

Depuis 20 ans à Marseille, on coupe, on tranche, on perce dans le béton pour tenter de refaire de la ville là où les urbanistes d’après-guerre ont posé du logement en mode industriel. Repêchée en 2021 du second panier des projets d’intérêt régional, la rénovation de la cité était inscrite dans l’enveloppe de 650 millions abondée par le plan Marseille en grand, en 2022. Fin mars, Ville, métropole et bailleur planchaient à nouveau devant la direction générale de l’agence nationale de rénovation urbaine (Anru) avec, cette fois-ci, un programme détaillé de ce qui va s’y faire.

384 logements à démolir

Campagne-Lévêque entre dans le dur de la rénovation urbaine avec la démolition de 384 logements sur les quelque 800 que comptent la grande barre et les immeubles adjacents. “Le projet est de supprimer les deux immeubles perpendiculaires, à l’arrière de la grande barre et de couper celle-ci pour permettre un nouveau cheminement à l’intérieur du quartier”, explique Frédéric Mignon, architecte et nouveau directeur de la maîtrise d’ouvrage à 13 habitat. Une démarche classique dans les projets de rénovation urbaine où l’on dessine de nouvelles rues là où le bailleur avait dessiné des allées.

Mais l’opération ne s’arrête pas là. Le bailleur a fait le choix d’une restructuration totale de la barre principale. “Cela représente 100 000 euros par appartement, explique Jean-Louis Ervoes, le directeur général de 13 habitat. C’est un coût important, mais cela nous permet de restructurer l’ensemble du bâti, en reprenant toute la typologie des appartements. Cela permettra également d’imaginer de véritables balcons en façade“.

Rénovation lourde plutôt que reconstruction

Autre avantage non négligeable en cette période de crise climatique, la restructuration en profondeur allège considérablement le bilan carbone. “Cela évite de produire des tonnes de déchets, poursuit le DG, tout en coulant moins de béton. Et la restructuration complète des logements permet d’agir en profondeur sur l’isolation du bâtiment, en assurant un confort thermique optimal”.

La barre perdra la grande largeur posée sur un éperon mais conservera sa hauteur. “Ce que les gens retiennent de Campagne-Lévêque, c’est la vue, pose Samia Ghali, maire adjointe chargée de la rénovation urbaine et élue du secteur depuis plusieurs décennies. De notre appartement du 8e étage, je voyais la mer depuis mon lit“.

Ici, tout le monde est obligé d’acheter des chauffages d’appoint électriques ou au fioul pour arriver à tenir.

Aïcha Mansouri, militante du quartier

En revanche, comme les autres habitants de la barre, elle a en mémoire la petite taille des logements, conséquence des procédés industriels de fabrication des voiles de béton qui a servi à édifier des cités de centaines de logements en un temps record. “Les adhérents de notre association font remonter deux critiques principales : la petitesse des chambres et la mauvaise qualité de l’isolation, détaille Aïcha Mansouri, la coordinatrice de l’association Campagne-Lévêque family projet. Ici, tout le monde est obligé d’acheter des chauffages d’appoint électriques ou au fioul pour arriver à tenir. Et avec l’inflation, certains ont renoncé à se chauffer“.

Pour l’heure, le projet n’en est qu’à ses premières esquisses. De nombreuses études devraient le compléter, une fois les grands principes validés par l’Anru. À l’inverse des autres projets présentés en mars 2022, dans le cadre des 650 millions débloqués avec Marseille en Grand, Campagne-Lévêque n’a pas donné lieu à une vraie concertation de terrain. Celle-ci interviendra après la validation par l’Agence nationale de rénovation urbaine, a contrario de ce que préconise l’agence.

Partir du besoin des habitants

Outre cette concertation, 13 habitat doit également réaliser une véritable enquête sociale pour évaluer les besoins en relogement. Tous les projets de renouvellement donnent lieu à ce qu’on appelle en langage techno des décohabitations. Le relogement permet aux grands enfants d’être relogés à leur tour et aux parents de trouver un appartement plus petit et mieux conçu.

Dans nos quartiers, il y a un enjeu très fort de relations intergénérationnelles, explique Nora Preziosi, la présidente de 13 habitat. Il nous faut imaginer des offres qui permettent d’accueillir les parents âgés, par exemple dans un studio à proximité de leurs enfants“. Le projet présenté à l’Anru propose sur la pointe escarpée de la cité un premier établissement d’hébergement pour personnes âgées à vocation sociale porté par la Ville. Un dispositif que l’élue départementale imagine complémentaire de ce que le bailleur pourrait mettre en place dans son patrimoine.

Répondre au squat endémique

Autre particularité propre à Campagne-Lévêque, l’emprise du squat qui concerne une centaine de logements, et qu’il faudra résoudre avant le début des travaux. “Il y a des réseaux opportunistes qui mettent à profit la crise du logement pour louer les appartements vacants, explique Jean-Louis Ervoes. Une petite partie sert également les réseaux de narcotrafic. Contrairement à une idée reçue, cela ne facilite pas le travail de rénovation, parce que vider ces appartements coûte du temps et de l’argent en procédures. Chaque appartement libéré sera immédiatement rendu inhabitable“.

Le sujet est délicat, car tous les projets de rénovation urbaine mettent en tension les bailleurs sociaux sur leur patrimoine. Ce que l’agence appelle la reconstitution de l’offre vient s’ajouter aux logements neufs, sociaux, intermédiaires et à prix libres dont les objectifs chiffrés sont fixés par le plan local de l’habitat qui vient d’être arrêté. Chaque bailleur concerné par un projet de renouvellement urbain doit donc trouver les ressources en relogement dans son propre patrimoine, tout en reconstituant ailleurs les logements démolis.

Où reconstruire les logements détruits ?

Or, ce sujet de la reconstitution de l’offre concerne l’ensemble des projets validés par l’Anru. Ainsi, 13 habitat espère mettre à profit le foncier libéré par les démolitions pour construire sur site. Mais le projet doit également prévoir des immeubles pour populations à revenus intermédiaires, éligibles au 1% logement, le financeur principal de l’Anru.

Les habitants des quartiers Nord veulent continuer à y vivre. Il faudra donc continuer à construire, y compris du logement social.

Samia Ghali, maire-adjointe

“Le bailleur doit d’abord trouver les moyens de reloger dans son propre patrimoine, explique Samia Ghali. Ensuite, il ne faut pas se mentir, même s’il faut mettre à profit le foncier disponible dans tout Marseille, les habitants des quartiers Nord veulent continuer à y vivre. Il faudra donc continuer à construire, y compris du logement social, dans les quartiers où il y en a déjà.”

Le vice-président de la métropole, chargé de la rénovation urbaine, Martial Alvarez (DVG) y voit une “occasion historique“, alors que cette nouvelle vague de rénovation urbaine coïncide avec le premier plan local de l’habitat métropolitain. “Il faut travailler sur ce qu’on appelle les gisements fonciers, à l’échelle de la ville et de la métropole, explique le maire de Port-Saint-Louis-du-Rhône. La rénovation urbaine doit être une occasion de mettre en cohérence l’ensemble de nos politiques : la mobilité, les équipements, le développement économique et l’habitat“.

À ce titre, Campagne-Lévêque peut être exemplaire : le futur tramway des 15/16 passera à quelques mètres à peine avant de descendre vers la Castellane. La piscine Nord, longtemps réclamée à cor et à cri par Samia Ghali, alors maire de secteur, doit renaître dans le même périmètre. Reste à savoir en quelle année, voire en quelle décennie, cet avenir radieux sera effectif.

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Commentaires

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  1. Andre Andre

    Cette réhabilitation dans le cadre de la politique de la ville est toujours du même ordre. Nécessaire, utile mais non suffisante pour réintroduire ces quartiers dans un fonctionnement social et urbain satisfaisant. On n’agit que sur ce que les pouvoirs publics veulent bien maîtriser, cad. le bâti HLM et les espaces publics.
    On va isoler thermiquement et restructurer les apparts, faire joli sur les façades, désenclaver par des voiries nouvelles ou réaménagées, reverdir ce qui reste d’espaces libres… C’est fort bien et bénéficiera aux résidents. Je ne vais pas dévaloriser ce travail, ce fût le mien pendant des années pour ce qui concerne les espaces publics.
    Mais ça ne réglera rien sur le fond. Les trafics
    continueront à gangrener le quartier, tout autant que l’état les tolérera. Trafics dont, il est utile de le rappeler, les premières victimes sont les habitants. L’échec scolaire et le chômage continueront à peser sur les jeunes générations, conduisant certains vers la délinquance…
    Ensuite, maintenir absolument les résidents dans leur quartier est pour moi une fausse bonne intention . Si l’offre sur place doit exister car les gens doivent rester libres de choisir, il serait utile de favoriser les mouvements. Bouger, changer de domicile de quartier et de ville voire de région, qui est le lot de tout un chacun dans des milieux intégrés socialement, permettrait de casser les “isolats” sociaux et culturels de ces populations souvent refermées sur elles mêmes.
    Mais en effet, Mme Ghali, qui défend l’immobilisme géographique, y perdrait peut-être une partie de son électorat potentiel et risquerait de voir débarquer dans son 7me Sud côte mer des populations indésirables….

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    • Jb de Cérou Jb de Cérou

      André, vous parlez d’ or. J ai fait moi aussi du “renouvellement urbain” en démolissant et reconstruisant sur place les appartements véritablement indignes de Bassens ( ex cité d urgence bâtie à la hate pour le relogement des rapatriés) dans les années 70. Les appartements actuels de Bassens sont incomparablement plus confortables, mais la population, elle, avait besoin de bien autre chose: accompagnement sécuritaire, éducatif,social professionnel…et la politique de la ville met bien trop d argent dans le béton au regard des besoins énormes d accompagnement humain

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    • Marc13016 Marc13016

      Autre exemple frappant : le quartier du Mirail à Toulouse, est composé d’immeubles plutôt haut de gamme. ça ne l’a pas empêché de devenir une citée gangrénée par les trafics.
      A Marseille, les immeubles du Merlan sont paraît il de bonne qualité. La vie n’y est pas douce pour autant, (je ne connais pas mais ça m’en a tout l’air).
      Rénovons la sociologie de ces quartiers en même temps que leurs habitats. Il n’y a que comme ça que ça évoluera.
      Et comme vous, je suspecte Me Ghali de vouloir assigner à résidence son fond de commerce électoral. Tiens, elle devrait faire un Come Back et revenir habiter dans le quartier, après rénovation. ça ça serait classe. Presque je voterais pour elle …

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    • MarsKaa MarsKaa

      Vous oubliez juste une chose : la volonté des personnes concernées. Qui ont besoin parfois au quotidien de la solidarité de leur famille ou de leurs voisins. Et qui redoutent de se trouver isolées, loin, dans un quartier qui leur sera peut-être hostile.
      C’est la même problématique dans certaines communes rurales. Un attachement à son terroir, un lieu, un milieu de vie, limité peut-être, mais que l’on maîtrise.

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  2. Moaàa Moaàa

    @Marsactu pouvez vous nous décrypter les soi disant milliards d’euros de 13H pour la réhabilitation de leurs cités pourries. En sachant que cela concerne 520 cités sur tout le département et plus de 34000 logements, il ne restera quasiment rien pour Marseille. Je pense que c’est de la poudre de perlimpimpim et une démarche purement électoraliste en direction des habitants des quartiers nord pour les prochaines municipales. Car oui, preziosi redmania veut prendre la mairie du 13 et 14 contre vassal 😅😅😅 alors elle raconte de m***e

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  3. Christian Christian

    A l’époque où cette barre monstrueuse a été édifiée, les permis de construire étaient accordés par l’Etat. Mais la municipalité pouvait s’y opposer. Comment a-t-elle pu sans réagir laisser commettre cette énormité urbanistique et architecturale ? Cela tient sans doute à l’une des tares séculaires, jusqu’) récemment, de notre ville : l’absence complète de projet, de vue d’ensemble de l’urbanisme, les lotissements l’un après l’autre à la va comme je te pousse, et pour tout aggraver en négligeant souvent la voirie et les transports en commun.

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