Jusqu'où peut bien aller le flirt entre la CMA (3e armateur mondial) et la MSC (le 2e) ?

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le 2 Déc 2011
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Evidemment ce n’est pas un hasard. Le jour même où la CMA CGM publiait ses chiffres pour le 3e trimestre 2011, le 3e armateur mondial annonçait dans la foulée la signature d’ « un partenariat majeur » avec Mediterranean Shipping Company (MSC), le deuxième mondial. Si l’armateur du quai d’Arenc a encore réussi à publier hier soir un chiffre d’affaires en hausse par rapport au même trimestre de l’an dernier (3,856 milliards de dollars soit +5,2%), le résultat s’est lui nettement dégradé. La CMA n’a pas communiqué hier le résultat net de ce trimestre, mais a juste annoncé celui cumulé des 9 premiers mois, qui reste positif (13,2 millions de dollars). Mais comme il était de 237 millions sur les 6 premiers mois, pas besoin d’être sorti major de HEC pour comprendre que les comptes de l’armateur ont viré dans le rouge ces derniers mois…

Ce qui n’est pas vraiment non plus une surprise. Car tous les grands armateurs mondiaux sont dans la même situation. Le numéro un mondial, le danois Maerks a annoncé récemment qu’il perdrait aussi de l’argent en 2012, même si ce groupe est plus protégé par des activités diversifées, notamment dans le transport pétrolier. Le marché des containers, celui sur lequel opère l’armateur marseillais, a méchamment replongé cette année. Après une année 2009 catastrophique où les Saadé, les propriétaires de la CMA, ont manqué de tout perdre, ils avaient opéré un redressement spectaculaire en 2010. Mais avaient dû ouvrir une partie de leur capital ( 20%) au turc Yldirim.

Les causes sont connues. Hausse du pétrole, ralentissement des trafics liés à la crise et surcapacité avec l’arrivée en masse cette année sur la marché de nouveaux porte-containers dont certains aux capacités de plus en plus impressionnantes (63 nouveaux navires de plus de 10 000 containers selon les Echos), ont entrainé une terrible concurrence entre les armateurs de la planète et une forte baisse des taux de fret (les prix que facturent les armateurs aux chargeurs). La concentration sur ce marché est donc devenu inévitable. Tout le monde parle avec tout le monde.

Cartes rebattues

Toujours selon les Echos, les trois armateurs japonais KOL, NYK et K Line seraient en discussion pour fusionner et devenir le 4e armateur mondial, à quelques porte-containers de la CMA CGM. Un marché que Bruxelles a également contribué à déstabiliser. Pendant très longtemps les armateurs pouvaient officiellement s’entendre sur les taux de fret, avec le système dit « des conférences ». Une belle litote pour un cartel qui était autorisé par la Commission européenne mais qu’elle a aujourd’hui interdit au nom de la libre concurrence. La commission soupçonne d’ailleurs les armateurs d’avoir continué à s’entendre dans son dos et une enquête est en cours, le bureau de Jacques Saadé, le PDG de la CMA ayant été récemment perquisitionné, à sa grande fureur.

Etranglé par une dette de plus de 5 milliards de dollars, avec un gros risque de ne pas pouvoir respecter les covenants (accords financiers pour le remboursement de la dette) à la fin de l’année, les Saadé devaient bouger. C’est d’ailleurs Rodolphe, le directeur général délégué de la CMA et fils ainé de Jacques, qui est aujourd’hui à la manoeuvre. Pour le vieux lion cette nouvelle crise est celle de trop. Il est fatigué, physiquement et moralement par ces perpétuelles montagnes russes, et même si il surveille toujours tout ça du haut de son immense bureau au sommet de sa nouvelle tour Zaha Hadid, il est en train de passer la main. Et Rodolphe lui, fait ce que son père ne lui a jamais appris : replier la voilure. Et il abat sec.

Plan d’économie et partenariat au sommet

Après il y a quelques semaines avoir annoncé un plan d’économies de 400 millions de dollars, suspendu sine die la course à l’armement pour de nouveaux achats de porte-containers géants auprès des chantiers navals chinois, et vendu des actifs non stratégiques comme la compagnie de croisière de luxe du Ponant et un terminal portuaire à Malte, la CMA CGM a donc annoncé hier soir ce partenariat stratégique avec l’armateur italo-suisse MSC. Comme toujours avec la CMA, le communiqué est succint. En 20 lignes, les deux armateurs annoncent un rapprochement qui a fait hier soir l’effet d’un coup de tonnerre dans le milieu des armateurs.

Si Jacques Saadé et Gianluigi Aponte le propriétaire de MSC avaient pas mal discuté l’an dernier, comme Marsactu vous l’avait raconté à l’époque, personne n’avait semble-t-il vu venir le coup. Bien sûr pour le moment il ne s’agit simplement que d’un accord commercial, où les numéro 2 et 3 mondiaux vont proposer à leurs clients « le meilleur de leur flotte respective, une meilleure couverture portuaire et une fréquence de départs intensifiés« . On ne sait pas encore très bien ce qu’il y a derrière ce partenariat, et les deux compagnies ont été hier très prudentes dans leur annonce, ne voulant justement pas risquer d’être attaquées par la Commission européenne ou leurs homologues pour entente illicite. Ils ont d’ailleurs précisé qu’ils restaient concurrents et que cet accord était limité dans le temps, à deux ans.

Quid de l’emploi ?

Pas certain en tout cas que leurs concurrents restent sans réagir. Leurs avocats sont déjà au boulot et les fonctionnaires de Bruxelles aussi. Si pour l’instant aucun accord capitalistique n’est prévu Rodolphe Saadé a néanmoins déclaré hier « l’accord est de nature opérationnel, pour l’instant, nous apprenons à nous connaitre« . Des propos repris par nos confrères des Echos qui annonciateurs vraisemblablement un rapprochement plus important dans les prochains mois.

Si ce deal a en tout cas rassuré les banquiers de l’armateur marseillais, qui a obtenu un waiver sur ses covenants comme on dit dans la  haute finance (une dérogation sur le remboursement de sa dette, ça fait moins chic), il inquiète néanmoins de nombreux salariés de la CMA qui redoutent que les futures synergies qui vont être mises en place avec la MSC aient un impact sur les emplois, notamment à Marseille. Même si hier soir Rodolphe Saadé s’est dit très confiant dans une reprise de l’activité pour 2012, et même si MSC vient d’investir encore fortement sur la marché français, dans un nouveau hub au Havre, et reste à travers MSC Croisières et ses activités sur Fos 2XL un acteur de premier plan du port de Marseille.

Un lien Pour mieux connaitre MSC, vous pouvez relire ici l’article que nous leur avions consacré en mars 2010 s
ur Marsatu « et si la Cma fusionnait avec MSC « 

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Commentaires

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  1. maja maja

    Tout va bien, la Cosa Nostra va renflouer notre fleuron national qui va s’empresser de transferer ce qui lui reste d’actifs à Genève. La bas les banquiers seront plus compréhensifs…

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  2. Tresorier Tresorier

    Inquietant.

    Le role de l’etat est de surveiller tout cela.

    Sinon demain, il n’y aura plus de flotte commerciale francaise.

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  3. connaisseur connaisseur

    apres seafrance, est ce le tour de cma cgm de sombrer à nouveau ?

    après avoir vendu les bijoux de famille en 2010, vu les taux de fret et les volumes de 2012, tout porte à croire que 2012 sera terrible pour cma cgm. avec un management de 75 ans de moyenne d’age, et méprisant pour les salariés, cma cgm est vulnérable.

    connaisseur du dossier

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  4. connaisseur connaisseur

    le president est il encore à la barre ? vu les taux de fret et le lachage des banques bien comprehensible, que va annoncer cma cgm ? l’ex CFO est parti de la boutique, mais personne ne le regrettera. il fut si muet….
    cma cgm aime marseille pour des raisons économiques et politiques mais marseille aime t elle cma cgm.. pas si sur.
    a y reflechir, cma cgm n’est plus trop dans l’air du temps ramenant tant et tant d’objets produits en chine, cette fameuse delocalisation qui detruit l’industrie française.
    faut il encore souhaiter tant de containers pleins arrivant de chine ?
    pas si sur.

    et avec des bateaux qui pour etre rentable doivent etre remplis à 80% minimum, la stratégie cma cgm ressemble a du passé. pourquoi ces bateaux si énormes ?
    en outre, maersk n°1 mondial du secteur, dispose de ressources financières énormes et peut attendre quelques années pour voir cma cgm sombrer et msc aussi d’ailleurs ( qui ne dispose pas de beaucoup de cash d’avance).
    la bataille de la consolidation est en cours..
    cma cgm doit faire rentrer d’autres investisseurs mais qui va accepter de travailler avec cma cgm et pour financer quelle stratégie vu les perpsectives désastreuses du business dans les 5 ans qui viennent ?
    investir à fonds perdus, le FSI ? pas sur que cela soit accepté.

    et puis il faut accepter de travailler dans une ambiance méprisante, sans aucun bonheur ni reconnaissance. cadres supérieurs fuyez, cadres moyens, cherchez ailleurs un travail avec un management plus clairvoyant…

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  5. pmo pmo

    Bonjour au pays des bisounours et des requins marteaux !!!! C’est à qui va becquetter l’autre(sauvagement!!!)……mes ressources financières étant malheureusement limitées,je ne puis parier un kopeck,pardon un euro,sagesse extrême…et me retrouve dans l’obigation insupportable d’attendre la suite des évènements et du résultat de ce combat de titans !!!! J’adore la vie des bêtes,et là,question carnassiers,je suis comblé…

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