“Il y a du “citizen-washing” pour ces municipales”

Interview
le 7 Mar 2020
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Pour le politiste Guillaume Gourgues, le foisonnement de candidatures dites "citoyennes" ne traduit pas forcément une volonté de changement des pratiques politiques. Pour faire face à la défiance actuelle à l'égard des politiques, certains d'entre eux n'hésite pas à "ruser" en collant une étiquette citoyenne à leur candidature, pour s'éloigner en apparence du jeu des partis.

De quoi est le nom de l’explosion du nombre des candidatures “citoyennes” des municipales 2020 ? Comme Marsactu l’expose dans son décryptage sur les Bouches-du-Rhône. Pour tenter d’y voir plus clair, nous avons posé quatre questions au chercheur Guillaume Gourgues, maître de conférences en sciences politiques à l’université Lyon 2. La démocratie participative et la participation publique comptent parmi ses champs de recherche. Il a notamment travaillé sur la métropolisation du territoire d’Aix-Marseille. Attentif à la gestion municipale pratiquée à Saillans (Drôme) depuis 2014, il mène une observation du processus d’essaimage à d’autres communes de ce type d’expérience en “compagnonnage” avec le mouvement Action commune.

Pour ces municipales 2020, des listes se revendiquant comme citoyennes se multiplient, de quoi est-ce le marqueur pour vous ?

C’est difficile de trouver un dénominateur commun entre toutes ces listes. Il y a des collectifs qui sont engagés depuis des années pour penser leur méthode de composition des listes, leur programme. Beaucoup sont assez directement inspirés de l’expérience de Saillans, et leur démarche commence à se revendiquer du municipalisme, et se distinguent par leurs méthodes, en construisant directement avec les habitants, en assemblée ouverte. Ces collectifs, veulent gagner les élections locales pour mettre en œuvre des alternatives de gestion municipale.

 Des candidats tentent de ruser en se présentant comme “citoyens” pour effacer les étiquettes partisanes.

Ceci étant dit, dans le climat de défiance actuel vis-à-vis des élites politiques traditionnelles, incarné entre autres choses par le mouvement des Gilets jaunes, des candidats tentent de ruser en se présentant comme “citoyens” pour effacer les étiquettes partisanes. Cet effacement n’est pas nouveau. Par exemple, cela fait très longtemps que de nombreux maires sortant communistes valorisent de cette manière leur image plutôt que leur parti. Dans la séquence “macronienne” du moment, des entrepreneurs politiques locaux s’affichent ni de droite, ni de gauche ou même “société civile”, alors que leur parcours est ou a été celui d’un militantisme partisans plutôt classique.

Pour des listes en réalité “partisanes”, est-ce que cela veut dire qu’elles ne portent aucun renouvellement des pratiques démocratiques ?

Il faut voir jusqu’où les partis politiques sont prêt à aller pour rendre plus transparente la construction de leur liste et de leur programme, plutôt qu’à continuer dans des logiques d’appareil, notamment dans les grandes villes. De ce point de vue, les configurations locales sont très différentes d’une commune à l’autre.

Pour aborder les limites de la participation citoyenne, vous utilisez l’expression de “citizen washing“. Est-ce un peu la même chose que le “green washing” ou blanchiment vert, concernant la prétention écologique des entreprises ou des collectivités ?

Il s’agit de construire une rhétorique pompeuse sur l’implication des citoyens à partir de quelques bricoles participatives.

Une écoute sélective des propositions des citoyens est-elle assimilable à une co-construction d’un programme ?

Par exemple, un candidat fait une série de réunions publiques, retient ce qui lui plaît et affirme ensuite que son programme a été “en grande partie” élaboré par les citoyens. C’est sûrement vrai en partie. Mais cette écoute sélective des propositions des citoyens est-elle assimilable à une co-construction d’un programme ?… Et quel candidat ne fait pas campagne sans faire de réunion publique ? Ce que j’appelle “citizen washing”, c’est une manière de survaloriser sa communication avec quelques figures imposées des campagne électorale. Elles ne témoignent pas forcément de nouvelles façons de faire de la politique.

Est-ce que la valorisation de la figure de la tête de liste, amenée à être maire, déclarée en préfecture et recherchée par les médias, n’est pas un frein au changement ? Qui laisserait plus de place au collectif plutôt qu’à l’homme ou à la femme providence…

Ça a été le grand enjeu à Saillans. En 2014, le maire a été désigné par le collectif sans l’avoir demandé, pour laisser la place, justement, au groupe citoyen. C’est ce qu’on appelle le “vote sans candidat”, c’est-à-dire que chacun a voté pour qui il veut, à partir d’une fiche de poste définit collectivement, qui établit le profil de la personne qui remplirait le plus de compétences pour être tête de liste.

Plutôt que de s’en remettre à une gestion hiérarchique du pouvoir, il y a beaucoup à faire en expérimentant d’autres méthodes de décision collective, comme par exemple la sociocratie. Cette manière brouille la figure du “leader” qu’affectionnent beaucoup les médias traditionnels, même si on ne peut pas nier l’intérêt massif actuel que suscite les listes participatives dans la presse.

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