Face aux incertitudes politiques, les industriels veulent “aller vite” pour décarboner Fos
Il y a deux ans, Emmanuel Macron promettait des milliards d'euros d'aides publiques pour la décarbonation de Fos et de l’étang de Berre. Face à la cure d'austérité annoncée par le gouvernement, une centaine de patrons poussent leur lobby pour que la promesse ne reste pas lettre morte.
Hervé Martel, Christine Baze, Pascal Kuhn et Jean-Michel Diaz, le 16 octobre. (Photo : PID)
C’est un lobby qui s’assume. Face aux incertitudes liées aux aléas politiques du moment en France, une centaine d’industriels et d’acteurs du monde économique des Bouches-du-Rhône veulent se montrer rassemblés derrière un slogan : “Provence, fabrique des possibles”. Tout ça pour “construire ensemble le territoire leader de la décarbonation en France”, ainsi que le résume la plaquette en papier glacé remise à la presse ce mercredi 16 octobre. “Nous sommes en train de vivre une révolution industrielle. C’est un moment historique, il ne se représentera pas. Notre objectif, c’est d’influencer les décisions pour notre territoire”, explique Jean-Michel Diaz, président du Groupement maritime et industriel de Fos (GMIF).
Cela fait déjà deux ans qu’Emmanuel Macron, le président de la République, a promis 5,6 milliards d’aides publiques pour la décarbonation sur une décennie des deux grandes zones industrialo-portuaires de Fos-sur-Mer et de Dunkerque. À Fos, autour de l’étang de Berre et sur l’ancien bassin minier de Gardanne, l’investissement total sur une trentaine de projets est de l’ordre de 20 milliards d’euros. L’enjeu est de taille : l’industrie des Bouches-du-Rhône est responsable de l’émission de 18 millions de tonnes de CO2 par an. Ce qui représente 20 % des émissions industrielles françaises. Une dissolution de l’Assemblée nationale plus tard, la promesse présidentielle pourrait faire l’effet d’une grande annonce qui ne soit pas suivie de concret, veulent alerter les promoteurs de cette “Provence, fabrique des possibles”.
“Incertitudes liées à la conjoncture”
“À l’origine de la démarche, il y a une dynamique exceptionnelle sur le territoire depuis dix-huit mois. Les projets d’entreprises sont déjà présents sur le territoire”, s’enthousiasme Pascal Kuhn, président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) Alpes-Méditerranée. Production d’hydrogène, de panneaux solaires, décarbonation de la sidérurgie… les projets sont nombreux. Mais seront-ils suffisamment accompagnés par l’État ?, interrogent trois représentants du patronat via le “plaidoyer” qu’ils ont initié. Une démarche de communication et d’influence suivie par tous les grands acteurs du territoire : ArcelorMittal, GazelEnergie, Lafarge, Total, CMA CGM…
“Il y a des incertitudes liées à la conjoncture”, s’inquiète Pascal Kuhn, alors qu’à peine installé, le gouvernement annonce une cure austéritaire. Dans ce contexte, un rabotement des subsides du plan France 2030, qui finance en particulier la décarbonation, serait une catastrophe pour nos interlocuteurs. “Vingt milliards, c’est vraiment très important, c’est historique. Il faut que l’on se mobilise tous ensemble. Il ne faut pas qu’on les rate”, exhorte Christine Baze, la présidente d’Industries Méditerranée. Dans le temps mort du moment, les leaders patronaux craignent que les investisseurs aillent faire leurs projets sous d’autres horizons. “La compétition est européenne. Si les projets ne se font pas ici, ils se feront ailleurs. Collectivement, nous avons une responsabilité au niveau de la région, mais aussi de la France, puisqu’avec Dunkerque, notre territoire fait partie des deux principaux retenus pour servir de modèle pour la décarbonation”, considère Pascal Kuhn.
État et collectivités attendus au tournant
Les leaders patronaux présentent quatre piliers à leurs yeux indispensables à la réussite de la transition industrielle. “On a besoin d’une gouvernance partagée pour aller ensemble dans la même lignée, avec l’État et les collectivités”, affirme Christine Baze. Autrement dit, que l’urbanisme, la planification des projets industriels, des transports et des moyens logistiques soient faits de manière concertée. “On a besoin d’électrons bas-carbone rapidement, pour 2028-2029”, tonne Jean-Michel Diaz, le président du GMIF. De l’électricité supplémentaire qui serait amenée par la ligne à très haute tension prévue de Jonquières-Saint-Vincent (Gard) à Fos via la Camargue et La Crau. Un projet qui subit une forte contestation des élus, citoyens et gestionnaires des espaces naturels traversés, les opposants souhaitant qu’elle soit enterrée plutôt qu’aérienne.
“Je ne suis pas là pour dire quelle est la solution, ce n’est ni ma compétence, ni mon job. Mais s’il s’avère que dans les délais impartis, il faut une ligne aérienne, eh bien, faisons une ligne aérienne, plaide Jean-Michel Diaz. À un moment donné, il faut voir où est l’intérêt général pour lutter contre le réchauffement climatique mondial.” De la vitesse, il en souhaite aussi pour la réalisation d’infrastructures routières, quitte à afficher une vision très peu “bas-carbone” sur ce point, sans envisager de massifier d’autres moyens comme le rail. “Ça fait vingt-cinq ans que l’on attend le contournement de Martigues et Port-de-Bouc et qu’il faut toujours cinquante minutes en heure de pointe de Châteauneuf-les-Martigues à Fos (pour une vingtaine de kilomètres, ndlr)“, s’agace-t-il.
Si l’État est attendu sur ses responsabilités, les collectivités le sont tout autant, en particulier pour permettre “un accès à un espace foncier disponible, aménageable et situé à proximité des réseaux de transport multimodaux”, présente la plaquette en quadrichromie. Et pour finir, la formation est aussi pointée comme un enjeu incontournable. “Nous avons besoin de compétences sur notre territoire pour mettre en œuvre tout cela et pour faire tourner ces nouvelles industries”, cadre la présidente d’Industries Méditerranée, Christine Baze.
Si toutes les conditions qu’ils exposent venaient à être remplies, les représentants patronaux promettent un ruissellement à suivre : “Plus 10 000 emplois directs et quatre emplois pour un emploi direct, selon Jean-Michel Diaz. On va construire l’équivalent d’une ville de 50 000 habitants”, prophétise-t-il. Pour son camarade Pascal Khun, l’avenir se pose comme un coup de poker : “Soit on arrive à se réinventer et à nouer avec une croissance durable, soit c’est le début d’un déclassement industriel.” Les jeux restent à faire.
Modification le 17/10/2024 à 16h42 : Correction du chiffre d’aides publiques annoncées. 20 milliards d’euros ne représentant pas la totalité des aides publiques annoncées, comme écrit initialement. La somme correspond à l’ensemble des enveloppes des projets comprenant les investissements privées et les subsides publiques. Veuillez nous excuser pour cette erreur initiale.
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A première vue il y a un paradoxe entre déployer des industries productrices d’énergie renouvelable (panneaux, éoliennes, hydrogène vert) et avoir besoin d’une ligne haute-tension venue du Gard pour l’alimenter.
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