NOT SO NICE

Christian Estrosi, la victoire en flippant

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le 14 Déc 2015
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La large victoire du candidat Les Républicains ne peut masquer la forte progression du parti frontiste dans la région. Ni même les profondes fractures qui traversent la droite.

Christian Estrosi, la victoire en flippant
Christian Estrosi, la victoire en flippant

Christian Estrosi, la victoire en flippant

Arlette Fructus sera à l’extrême gauche de l’hémicycle régional vendredi. Mais quand on le lui fait remarquer, la présidente départementale de l’UDI se verrait plutôt “au centre” de l’hémicycle, comme d’habitude. Entre le FN et Les Républicains, donc, mais à y repenser, la perspective ne l’enchante guère. Ce dimanche soir, malgré la large victoire de Christian Estrosi sur Marion Maréchal-Le Pen avec 54,8 %, personne n’avait à droite la tête à fêter la victoire.

Slogan de second tour, la “résistance” au Front national a pourtant fonctionné au-delà des espérances du maire de Nice et de ses soutiens. Mis de côté le profil droitier du candidat LR à la présidence de la région. Entre les deux tours, Christian Estrosi a fait plus que doubler ses voix de premier tour et succèdera vendredi à Michel Vauzelle. Un succès qu’il doit en partie au ralliement des électeurs de gauche qui ont préféré la pince à linge à la canne à pêche.

“Le sacrifice” de la gauche

À Nice où étaient réunis ses soutiens, Estrosi n’a pas omis de saluer ses adversaires de gauche qui ont choisi de ne pas se maintenir au second tour : “Que soient remerciés celles et ceux à gauche qui ont fait le sacrifice de leur présence au sein de l’hémicycle régional pour permettre le triomphe des idéaux républicains que nous avons en partage, a-t-il lâché à la tribune. Je sais que par leur vote ils n’ont pas abdiqué leur conviction mais qu’ils ont su faire prévaloir avant tout l’intérêt général et vis-à-vis de ceux-ci, je sais la responsabilité qui pèse sur mes épaules de ne pas trahir ces idéaux républicains que nous avons en partage.”

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Au Florida palace, QG d’une soirée du FN, on critiquait évidemment cette alliance de circonstance : C’est une déception mais on ne peut pas gagner quand le système se coalise contre nous, souffle Franck Allisio, le porte-parole de la candidate. En revanche, la victoire des idées est totale. Face à la coalition des partis, il y a aussi une coalition de ceux qui veulent le changement.” Plus d’une heure plus tard, la candidate aiguisait cet angle d’attaque dans un discours qui résonnait d’accents victorieux : “Il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs. Au nom des valeurs de la République, ils ont ce soir sabordé la représentation du peuple français.”

Le discours de la candidate frontiste ne verse pas dans la tristesse. Elle sait qu’elle a conquis ce dimanche 166 000 voix de plus que dimanche dernier. Avec 886 000 voix, elle réalise le meilleur score du FN en France, et le meilleur jamais réalisé en PACA. Mais il régnait chez les militants FN comme un air d’injustice démocratique. C’est dangereux, de laisser une cocotte-minute sous pression comme ça“, glisse Franck Allisio.

À droite, sans employer des termes similaires, on constate aussi que la situation actuelle est particulièrement fragile, malgré la conquête de la dernière collectivité qui échappait à son contrôle. En coulisses, le secrétaire départemental du parti Les Républicains Bruno Gilles explique la tenaille dans laquelle se retrouve sa formation : “Je crois à la bipolarisation de la vie politique, la droite et la gauche ce n’est pas pareil et c’est comme ça qu’on fera baisser le Front national. C’est quand il y a cette porosité entre la droite et la gauche qu’il prospère.” En attendant, ce sont des électeurs qu’il sait perdre d’élection en élection comme l’a montré le premier tour où LR a réalisé à un score particulièrement bas (26,5 %) pour une élection de mi-mandat souvent plus favorable aux partis dans l’opposition.

À Nice, le futur président Estrosi regarde aussi l’avenir mais avec un œil légèrement différent. “Le sursaut de demain se fera autour d’un large rassemblement pour le progrès, la justice sociale, l’innovation, l’aménagement du territoire, la sécurité”, a-t-il expliqué évoquant “une campagne qui [l]’a profondément changé”. Ce n’est donc pas l’ivresse de la victoire qui fait tourner les têtes mais la réalité d’une droite déboussolée, entre des électeurs qui attendent des gages d’ouverture et des militants qui poussent à la droitisation.

“S’emparer de leur thème”

Pour l’UDI, Arlette Fructus réclame un “examen de conscience collectif” avec “une ligne de rupture non négociable”. Bruno Gilles renchérit : “Honnêtement, on a fait de la surenchère durant toute la campagne de premier tour à part la dernière semaine et on a choisi Christian Estrosi pour ça. On a bien vu que ça n’a pas marché.”

Pourtant, à la permanence LR de la rue Sainte-Cécile, les militants présents semblent bien loin de ces points de vue. L’un d’entre eux se dit écœuré des résultats du FN même si le parti est perdant. “Il faut s’emparer de leurs thèmes plutôt que de dire qu’ils sont des fachos. Sinon ils finiront par passer ! On est là, on boit le champagne, mais il faut regarder les choses en face : oui il y a de l’insécurité, non il n’y a pas de contrôle aux frontières !”

Quelques instants plus tard, non loin du buffet, trois autres militants confient qu’ils espèrent “un positionnement plus clair de leur parti, un parti qui assume ses idées et valeurs de droite” et pas qui va chercher à tout prix des électeurs de gauche et du centre. “Sinon se pose la question suivante : le candidat est-il là pour défendre ses valeurs ou pour obtenir un siège ?”

(avec Élodie Crézé et Benoît Gilles)

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Commentaires

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  1. vékiya vékiya

    Celui qui verra un socialiste aux commandes n’est pas encore né. Merci à Valls d’avoir coulé le ps. Grâce à ce tartuffe nous pouvons espérer maintenant l’émergence d’un vrai parti de gauche

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Estrosi, comme Bertrand dans le Nord ou Richert dans l’Est, a eu l’élégance et la lucidité de reconnaître qu’il devait une partie de sa victoire au désistement de la gauche.

    Tout le monde n’a pas cette modestie : hier soir, Sarkozy n’a pas eu un mot pour les électeurs de ce bord. Mieux, il aurait estimé que remercier la gauche, c’était “tomber dans un piège” (http://lelab.europe1.fr/resultats-regionales-pour-nicolas-sarkozy-xavier-bertrand-et-christian-estrosi-sont-tombes-dans-le-piege-en-remerciant-la-gauche-2635611). On voit là la hauteur de vue et l’orgueil du personnage. Ce matin sur France Info, Hortefeux était sur la même ligne : cuisiné pendant dix minutes sur l’apport des électeurs de gauche en PACA et dans le Nord, il s’est contenté d’une non-réponse en pure langue de bois – celle qui a assuré à son parti un premier tour si triomphal…

    Les “Républicains” (sic) ne sont pas sortis de l’auberge en matière de clarification stratégique. Pendant que des personnalités ouvertes comme NKM – évincée de la direction du parti -, Raffarin ou, ici, Muselier, font part de leurs doutes, d’autres estiment qu’il faut accentuer la droitisation du discours, alors que les électeurs préfèrent visiblement l’original à la copie ! La position de Muselier est décrite ici : http://lelab.europe1.fr/resultats-regionales-oppose-au-ni-ni-renaud-muselier-envisage-de-ne-plus-soutenir-nicolas-sarkozy-pour-la-primaire-2635739

    Electeur de gauche, je pourrais être indifférent aux difficultés de la droite et à l’échec cuisant de Sarko (http://www.lexpress.fr/actualite/politique/elections/regionales-2015-le-grand-perdant-c-est-sarkozy_1745508.html). Mais tout ce qui contribue à banaliser le discours du FN, comme le petit Nicolas y a si bien contribué depuis son “discours de Grenoble” en 2010, ne me paraît pas bénin.

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    • julijo julijo

      Oui je pense comme vous. Rien à dire sur Estrosi Bertrand et leurs réactions, non plus sur NKM et raffarin, et Lagarde….. Honte à Sarkozy qui est vraiment en fin de carrière le ressent et s’aigrit.
      Cependant, la crainte, c’est que, comme ils n’ont pas de solutions, en tout cas pas les bonnes, c’est à dire un changement profond de politique, ils ne se donneront pas les moyens de l’envisager et de le mettre en place. Même si Juppe, Lemaire et tant d’autres ne parlent que de ça : faire de la politique autrement !
      Ils vont rapidement oublier ces deux tours d’élections et leurs résultats, et surtout les électeurs et replonger dans les mêmes travers. Il sera plus simple de se lancer dans un discours sécuritaire et de division des français par la peur de l’autre, plutôt que d’envisager des réformes de fond auxquelles ils ne sont pas prêts, et ça repartira comme avant.

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    • JL41 JL41

      Bonsoir à vous deux. Il faudra être attentif à la porte ouverte par Estrosi à l’expression des élus ou des partis qui du fait de leur désistement ne seront pas représentés au Conseil régional. Un article du Monde aborde les propositions de Bertrand (Nord-Pas-de-Calais-Picardie) et d’Estrosi : http://www.lemonde.fr/elections-regionales-2015/article/2015/12/14/regionales-comment-bertrand-et-estrosi-s-engagent-a-tenir-compte-des-voix-de-gauche_4831981_4640869.html

      Mais auparavant, je voudrais faire trois remarques :
      1) Un paradoxe, les élus PS qui seront amenés à s’exprimer en notre nom sont ceux que les électeurs de gauche désavouent depuis plusieurs scrutins.
      2) Un certain nombre d’électeurs de gauche du 2è tour, parmi les abstentionnistes notamment, ont pu voter Estrosi non par discipline républicaine, mais parce qu’ils ne sont pas satisfaits par la politique menée par Vauzelle et que le programme sécuritaire ou le programme économique d’Estrosi leur plait. Pour ma part, je pense que le programme économique et d’aménagement de Vauzelle a constitué un raté qui a eu des conséquences négatives sur le développement de la région et l’emploi.
      3) Alors que l’opposition de droite durant les 3 mandats de Vauzelle n’a guère synthétisé et critiqué sa politique pour en informer les électeurs, il était difficile pour ceux-ci de se livrer à ce travail qui ne peut se passer d’experts. Electeur du 8è avait d’ailleurs apporté un élément important à ce sujet en signalant que les régions françaises n’avaient par un budget important par rapport aux régions d’autres pays européens comme l’Allemagne par exemple. Mais il faudrait savoir aussi si en France les subventions d’Etat et les subventions européennes transitent pas la région ou sont à compter à part du budget régional de 1,8 milliard d’€. Il y a aussi en France d’autres aides de l’Etat qui ne transitent pas par le budget régional, comme pour Euroméditerranée ou le port de Marseille.

      Nos élus PS vont donc pouvoir s’exprimer dans un « conseil territorial » consultatif qui se réunira une fois l’an. Estrosi consulte en ce moment Pezet et Vauzelle, anciens présidents de région, pour la mise en place de ce conseil. Estrosi indique également qu’il consultera les représentants des différents partis avant les temps forts du budget ou les investissements importants qu’il entend engager.
      « Dimanche soir, Christophe Madrolle, qui était tête de liste dans les Bouches-du-Rhône pour M. Castaner, a expliqué que M. Estrosi lui avait « personnellement écrit » dans l’entre-deux tours pour « prendre des engagements, notamment sur la collaboration méditerranéenne, la sanctuarisation des budgets de la culture ».
      Quant à Castaner, il annonce qu’il proposerait début 2016 « la création d’un observatoire régional composé d’élus sortants, de candidats présents sur les différentes listes départementales, de représentants des partis de toute la gauche et des forces vives de notre région ».

      Le projet de Xavier Bertrand est un peu différent : « Dans les faits, le candidat de droite entend réunir, tous les trois mois, tous les parlementaires de sa région « pour parler des grands sujets sans esprit partisan », a expliqué son directeur de campagne, Gérald Darmanin, sur France Bleu Nord. Tous ces élus seront ainsi « évidemment associés » et le PS « s’il a de bonnes idées, bien sûr travaillera avec le conseil régional ».

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