Encadrement des loyers : le “oui mais” du ministre du Logement à la candidature de Marseille

Info Marsactu
le 23 Nov 2022
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Dans un courrier que Marsactu a pu consulter, le ministre du Logement, Olivier Klein, valide la possibilité pour Marseille de se porter candidate à l'expérimentation de l'encadrement des loyers. Mais pointe également les nombreux obstacles juridiques qui persistent.

Notre-Dame-de-la-Garde vue depuis Noailles. (Photo : BG)
Notre-Dame-de-la-Garde vue depuis Noailles. (Photo : BG)

Notre-Dame-de-la-Garde vue depuis Noailles. (Photo : BG)

Martine Vassal a sa réponse et elle est positive. Dans un courrier du 18 novembre, le ministre du Logement, Olivier Klein, répond “oui” à la question de Martin Vassal, concernant la demande d’encadrement des loyers formulée par le maire de Marseille, qu’elle a relayée. “Je vous confirme qu’une candidature ne portant que sur une partie du territoire est recevable, dès lors qu’elle remplit les quatre critères prévus par la loi”, écrit-il à l’élue dans un courrier que Marsactu a pu consulter. Marseille peut donc être candidate à cette mesure expérimentale, mise en place depuis novembre 2018. Cela répond au vœu formulé en conseil municipal, à deux reprises, par la majorité de Benoît Payan.

La première fois, en 2020, Martine Vassal n’avait pas donné suite à la demande. En 2022, elle a répondu par une passe à l’aile consistant à interroger le ministre sur la possibilité de limiter cet encadrement à la seule ville qui en ferait la demande. En conseil métropolitain, David Ytier, au nom du groupe majoritaire, avait souligné son opposition au projet, brandissant le risque de voir ce dispositif d’encadrement étendu à des communes qui n’en voulaient pas.

Le ministre fait le point du droit

Sur ce point, le ministre du Logement n’écarte pas toute menace, en s’appuyant sur l’avis du Conseil d’État sur la loi Elan, rendu en avril 2018, qu’il reprend mot pour mot :

“[Le Conseil d’État] estime par ailleurs qu’il n’y a pas de difficultés juridiques à ce que l’encadrement des loyers soit limité à une partie seulement du territoire de cette collectivité, pour autant que ne soit pas exclue du dispositif une partie du territoire pour laquelle les conditions d’éligibilité seraient remplies.”

En clair, la candidature de la Ville de Marseille pourrait être recalée si le ministère constate qu’une autre zone tendue du territoire a été oubliée. “Ce dernier point sera examiné dans le cadre de l’instruction de la candidature“, poursuit le ministre. De fait, si des zones ayant les mêmes caractéristiques de flambée des prix se trouvaient exclues de la candidature portée par la métropole, alors “l’encadrement des loyers ne pourrait être accordé”. Cela a été le cas à Grenoble où le marché ne présentait pas de fortes tensions et dans plusieurs villes de la grande couronne parisienne.

En fait, sur ce point, le ministre confirme l’analyse qui était la nôtre, se satisfait David Ytier, vice-président LR de la métropole chargé du logement. Nous avions exprimé le risque juridique lié à cet avis du Conseil d’État. Nous allons présenter la candidature de Marseille que nous sommes en train de finaliser avec la Ville de Marseille et l’Adil”.

Les quatre critères de l’encadrement des loyers
La loi précise que le périmètre où peut s’exercer l’expérimentation de l’encadrement doit répondre à plusieurs critères. Il doit y avoir “un écart important” entre le niveau moyen du loyer dans le parc privé et le parc social. Le niveau du loyer médian doit y être élevé. Deux mesures terminent la liste : un faible taux de logements en cours de construction par rapport aux propriétés bâties sur les cinq dernières années et des perspectives “limitées” de production de logements, inscrite dans le programme local de l’habitat. Si ces critères sont réunis, le ministre autorise l’encadrement sur un périmètre déterminé par décret. Une fois celui-ci pris, le préfet fixe chaque année un loyer de référence en fonction de la surface, de la catégorie de logement et du secteur géographique. Le préfet peut également sanctionner les propriétaires qui ne respecteraient pas ce loyer de référence.

Ce sera donc à la métropole d’apporter la preuve que le périmètre choisi correspond bien à une zone en tension de son territoire, assorti “des éléments d’analyse suffisants”. Mais, pour David Ytier, si Marseille répond aux quatre critères, d’autres villes comme “Aix, Carry, La Ciotat ou Sausset” aussi. “Je ne peux entrer dans l’analyse fine puisque ces villes n’ont pas fait acte de candidature”, ajoute-t-il.

“Écueils juridiques” en vue

La métropole doit présenter la candidature de Marseille, avant la date butoir du 24 novembre, tout en laissant le ministre se poser en juge de paix. À la mairie, on se félicite que la demande politique du maire de Marseille ait été relayée. “Il faut prendre ce dossier, étape par étape, il en franchit une avec la validation de notre candidature par le ministre, indique-t-on du côté de l’hôtel de ville. Il revient maintenant à l’État d’examiner ce dossier. S’il y a d’autres écueils juridiques, nous les regarderons le moment venu“.

Or, le reste du courrier d’Olivier Klein égraine le chapelet de difficultés juridiques qui pourraient nourrir des recours contre l’encadrement des loyers, une fois celui-ci institué. “Le ministre sait pertinemment que l’encadrement des loyers a été attaqué dans toutes les villes où il a été promulgué et parfois avec succès”, souligne l’élu salonnais David Ytier.

En premier lieu, Martine Vassal doit faire valider, par un vote en conseil métropolitain, l’autorisation de déposer un dossier en son nom… avant ce vendredi. Aucune assemblée n’étant prévue d’ici là, par dérogation, le ministre pourra se contenter d’une simple lettre accompagnant le dossier, à condition qu’il soit suivi par un vote lors du conseil de décembre. Or, celui-ci promet déjà d’être houleux puisqu’il s’agit de voter le budget et d’entériner la descente (ou pas) de compétences métropolitaines à l’échelon communal.

En attendant le programme local de l’habitat

Enfin, le dernier critère fixé par la loi pour autoriser l’encadrement des loyers (voir encadré) s’appuie sur les difficultés de production de logements dans le périmètre. Les services du ministère doivent pour cela s’appuyer sur un plan local de l’habitat (PLH) “approuvé”. Or, la métropole en est dépourvue depuis le gel par Martine Vassal des documents stratégiques en 2019. Le processus de construction du PLH est en cours de finalisation mais il ne pourra aboutir qu’en début d’année prochaine. “Je ne pourrai prendre un décret délimitant un périmètre soumis à l’encadrement que sur la base de l’examen d’un tel programme”, indique le ministre.

Le feu vert ministériel n’arrivera donc qu’après. Quant à l’entrée en vigueur effective du dispositif, il prendra là encore plusieurs mois. Le préfet devra d’abord installer un observatoire comprenant des locataires, des bailleurs, des gestionnaires et d’autres personnalités qualifiées. Il y a donc du champ avant que la candidature ne débouche sur une mesure concrète de régulation des prix. Mais cette première étape symbolique arrive à temps pour les états généraux du logement qui s’ouvrent lundi sous l’égide de la Ville.

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Commentaires

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  1. BRASILIA8 BRASILIA8

    En résumé une loi faite pour la communication car pratiquement inaplicable

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  2. Forza Forza

    Sachant qu’une fois que le loyer est encadré un complément de loyer peut-être demandé. Voir cet assez bon article sur les pratiques parisiennes : “étude qui montre que les bailleurs laissés à eux-mêmes ont tendance à avoir une définition assez large du complément. Cette tendance est d’autant plus compréhensible que les contrôles sont inexistants et les procédures de recours des locataires en place très rares.”
    Bref, le marché restera le marché et combiné aux obligations de réno énergétique et à l’augmentation de la TF et des charges on risque plutôt d’assister à une revente massive de biens en plus ou moins mauvais état.
    https://www.smartloc.fr/blog/complement-de-loyer-exceptionnel-le-flou-ne-permet-pas-tout/

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