En appel, Jean-Noël Guérini joue le roi du silence
Face à la cour d'appel devant laquelle il est jugé pour prise illégale d'intérêts, l'ex-président du conseil départemental s'est contenté lundi d'une déclaration liminaire. Il n'a pas répondu aux questions de la présidente.
Jean-Noël Guérini et son avocat Dominique Mattei (à dr.) en mars 2021. (Photo : Emilio Guzman)
Jean-Noël Guérini oscille d’une jambe à l’autre, boit un coup, pose ses mains sur la barre, les retire, ajuste ses lunettes, dégaine un stylo de sa veste pour prendre quelques notes. Mais le sénateur et ex-président PS du département des Bouches-du-Rhône ne parle plus. Pas un mot, pas même un hochement de tête. Dans une déclaration liminaire, l’élu avait expliqué vouloir garder le silence, ce qui est un droit de tout prévenu : “Cette affaire a eu de telles conséquences sur moi et ma famille que je préfère opter sur cette solution et ce, d’autant que les faits sont très anciens”. Une attitude à laquelle il va se tenir pendant près de deux heures.
En face, la présidente de la cour d’appel égraine les raisons qui lui ont valu en première instance d’écoper de trois ans de prison dont la moitié ferme. Pourquoi a-t-il préempté en 2004, au nom de la protection des espaces naturels, puis revendu en 2006 un terrain qui deviendra une extension d’une décharge gérée par son frère, Le Mentaure à La Ciotat ? Dans son propos initial, Jean-Noël Guérini a maintenu sa ligne de défense. Frère ou pas frère, il était tenu de revendre le terrain du fait d’une décision préfectorale, assure-t-il.
Des écoutes lues plutôt que diffusées
À l’inverse du procès devant le tribunal correctionnel de Marseille, la présidente Gwenaël Keromes ne diffuse pas les écoutes téléphoniques. Elle se contente de lire d’un ton monocorde ces extraits illustrant la proximité de l’élu avec son frère entrepreneur, Alexandre Guérini, qui comparaît détenu. Aujourd’hui les deux frères affichent une distance. Ce 6 décembre était l’anniversaire d’Alexandre mais Jean-Noël n’a pas semblé le lui souhaiter. À l’ouverture une semaine plus tôt, il avait en revanche paru ému quand son frère était arrivé menottes aux poignets depuis la maison d’arrêt de Luynes où il séjourne depuis bientôt sept mois.
Il faut bien qu’on se pose la question de savoir s’il intervenait dans les affaires de son frère.
La présidente
Devant le silence du sénateur, la présidente poursuit son monologue jusqu’à l’intervention tonitruante d’Hervé Temime. L’avocat est revenu dans la défense de Jean-Noël Guérini pour ce procès en appel après la lourde condamnation de juin et il s’énerve de voir son client interrogé depuis une heure sur sa relation à Alexandre. L’échange qui suit est tendu. “Je préfère que ce soit dans les débats même si ça vous barbe. […] Il faut bien qu’on se pose la question de savoir s’il intervenait dans les affaires de son frère”, lui répond la présidente, agacée.
“La loi risque de changer”
Mais celle-ci finit par écourter sa présentation. L’avocat général soulage Jean-Noël Guérini et ne pose pas de question. Le prévenu peut se rasseoir après avoir confirmé qu’il ne souhaite en dire plus. Lui comme son avocat l’ont dit. La question est à leurs yeux uniquement celle de la loi, puisque les faits ne sont réellement contestés que dans leur interprétation. “Si j’ai décidé de suivre le conseil de mes avocats [de ne pas répondre], c’est non seulement parce que la loi sous l’empire de laquelle vous devez juger risque de changer mais encore, parce que les avocats m’ont expliqué que ma défense était essentiellement juridique”, avait déclaré le parlementaire.
Le flou juridique évoqué avait été détaillé dès l’ouverture du procès. La réforme en cours du délit de prise illégale d’intérêts, celui reproché à Jean-Noël Guérini pourrait perturber son cours. La loi portée par Éric Dupond-Moretti et définitivement votée par le Parlement vient préciser les contours de ce délit. Sa promulgation pourrait intervenir avant l’arrêt de la cour d’appel.
Aux yeux d’Hervé Temime, cela vicie ce procès en appel, ce en quoi ses confrères représentant le département et l’association Anticor, l’avaient suivi. Il avait tenté d’obtenir la disjonction du cas de son client. Tant pour des questions de calendrier que pour ne pas effacer toute notion de fraternité – centrale dans ce dossier – de l’audience, l’avocat général puis les juges s’y étaient opposés. Pour éviter cet écueil, la présidente de la cour d’appel a souhaité “ouvrir les débats” sur la nouvelle définition qui prévoit pour caractériser l’infraction d’identifier “l’intérêt de nature à compromettre son objectivité, son impartialité ou son indépendance”. Une tentative qui n’est pas sûre d’aboutir selon un avocat présent à l’audience : “A vouloir aller vite, la justice pourrait se trouver face à une cassation et donc à un troisième procès Guérini”.
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En lisant cet après-midi la correspondance entre Voltaire et d’Alembert,je suis tombé sur cette réflexion du résident de Ferney-Voltaire “la pensée dépend absolument de l’estomac ; pourtant,ceux qui ont les meilleurs estomacs ne sont pas les meilleurs penseurs”.
Mesdames et messieurs les élus(e) , cumulards de tous poils méditez cette réflexion de l’un de nos auteurs les plus fins.
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