Devenus embarrassants, les gilets jaunes d’Aix expulsés de leur local municipal

Info Marsactu
le 10 Avr 2020
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À la fin de l'hiver 2019, au cœur de l'effervescence du mouvement des gilets jaunes, la mairie d'Aix leur avait accordé à titre gracieux un local dans une ancienne école du quartier d'Encagnane, en attente de destruction. Au fil des mois ont grandi les tensions entre les occupants et la collectivité et celle-ci a cherché à les faire partir. C'est désormais chose faite, à la faveur du confinement.

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L'ancienne École maternelle Giono à Aix. Capture d'écran Google street view.

L'ancienne École maternelle Giono à Aix. Capture d'écran Google street view.

Depuis mars 2019, les gilets jaunes avaient leur propre local à Aix-en-Provence dans l’ancienne école maternelle Giono, promise à la démolition dans le cadre d’une opération de rénovation urbaine pilotée par l’État, qui connait des retards. Trois occupants du lieu, qui avaient choisi de passer leur confinement sur place, en ont été expulsés par les forces de l’ordre jeudi 9 avril en fin de journée. Ensuite, le local a été “fermé et sécurisé” par les services de la Ville.

Mais ce lieu n’a pas toujours été considéré par la municipalité comme subissant une “occupation sans droit ni titre”, selon les mots du conseiller municipal Sylvain Dijon, président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et par ailleurs directeur de campagne de Maryse Joissains pour les municipales. Aux yeux de plusieurs militants ayant fréquenté ce local, le confinement sert d’opportunité à l’évacuation d’un lieu qui était devenu embarrassant pour la mairie.

N’étant pas considéré comme un lieu d’habitation à proprement parler, la mairie n’a pas fait cas de la prolongation de la trêve hivernale jusqu’au 31 mai. Les trois occupants ont pu trouver en urgence des solutions pour se reloger, notamment chez des amis. Scandalisée, Anne-Sophie Herrewyn, membre aixoise du mouvement et investie sur le lieu depuis le début, aimerait pouvoir mobiliser autour de la situation. “Mais tant que l’on est confiné, qu’est-ce que vous voulez que l’on fasse ? “, regrette-t-elle.

Un lieu mis à disposition “le temps du mouvement”

Au départ, les “gilets jaunes” ont investi les lieux avec l’accord de la maire LR en personne, qu’ils avaient rencontrés dans son bureau. Le soutien de Maryse Joissains au mouvement était alors public. Lors de ses vœux 2019 à la population, elle avait durement taclé “l’idéologie libérale mortifère” d’Emmanuel Macron, ajoutant, comme l’a rapporté La Marseillaise, “dans le nouveau monde, les Français modestes ne peuvent pas être heureux”.

Mais dans l’esprit de la municipalité, cette occupation étaient envisagée “le temps du mouvement”, c’est du moins ce qu’en considère aujourd’hui Sylvain Dijon. “Il fallait un lieu pour qu’ils puissent se structurer entre eux, pour bâtir le monde de demain qu’ils voulaient. Il y avait une vraie colère. Il fallait aussi entendre monter ça, il fallait aussi considérer ça”, justifie-t-il.

Très vite l’espace de la maternelle Giono était devenu comme un centre social de la galaxie de gauche et écologiste aixoise. Des réunions préparatoires à des actions militantes s’y tenaient, tout comme des conférences et projections organisées par des étudiants, ATTAC, la Ligue des droits de l’Homme, Extinction Rebellion ou encore les Déconomistes. “On accueillait beaucoup d’associations qui n’ont pas de lieux”, confirmee Anne-Sophie Herrewyn, qui est aussi candidate sur la liste de rassemblement de la gauche Aix en partage, menée par Marc Pena.

En septembre la tension s’était déjà fait vive. Le département opérations juridiques complexes de la Ville avait envoyé une lettre demandant de rendre les clés du lieu. En réponse, une manifestation avait rassemblé plusieurs centaines de gilets jaunes, comme l’avait raconté La Provence. La mairie reproche notamment aux occupants le fait que des personnes se servent de l’endroit comme d’un squat d’habitation, avec poulailler et jardin potager. Ce que Sylvain Dijon considère comme “un détournement de l’utilisation du local”.

Néanmoins, à l’issue de l’épisode de l’automne, une réunion de conciliation en mairie a permis de poursuivre l’occupation gracieuse, en attente de la proposition d’un nouveau local par la municipalité, à des fins associatives seulement. En échange les gilets jaunes devaient ne pas entraver les ingénieurs chargés d’étudier la démolition future. Durant la même période, des familles roms se sont installées à l’étage de l’ancienne école.

Les Restos du cœur installés sur place

Lorsque le confinement a été annoncé, trois militants ont décidé, en accord avec le collectif, de rester sur place. D’une part ceux-ci sont confrontés à des difficultés de logement mais ils avaient aussi pour mission de “garder le local pour éviter qu’il ne soit envahi par d’autres personnes”, nous raconte Alexandre Cochu qui faisait partie des trois occupants. “La semaine dernière la police municipale et les services techniques sont venus pour nous dire qu’une des pièces servirait aux Restos du cœur. Alors on l’a remise en état, on a tout nettoyé”, poursuit-t-il. Pour les gilets jaunes, il y a suffisamment de place pour tout le monde dans le bâtiment. Alors rien ne laissait présager leur expulsion.

Ce jeudi, les compagnons d’Alexandre Cochu, qui n’avaient pas de papiers d’identité avec eux, ont été emmenés au commissariat pour vérification d’identité. Ils se sont vu délivrer des amendes pour non respect du confinement. Puis des agents de police sont revenus en fin de journée pour leur signifier de partir, sans toutefois leur adresser d’avis d’expulsion. Les trois se sont résolus à quitter les lieux. Tout s’est passé dans le calme.

“Ils ne respectaient pas le confinement”

Pour Sylvain Dijon, la présence de ces occupants était incompatible avec la distribution alimentaire prévu pour recevoir 450 personnes deux fois par semaine. “Ils ne respectaient pas le confinement et la distanciation sociale”, dit-il. Ce dont se défendent les gilets jaunes.

La mairie d’Aix se dit toutefois ouverte à proposer un nouveau local dans le futur, sous conditions, précise Sylvain Dijon. “Il faut qu’ils se structurent, qu’ils aient une association clairement identifiable et on pourra peut-être leur proposer un local à condition qu’il serve seulement une activité associative qui n’a pas d’objet politique”. À entendre au sens “partisan”. Face à l’inquiétude des occupants, des associations et collectifs de ne pas retrouver leurs affaire qui sont à l’intérieur du local l’élu promet : “on fera une restitution en bonne et due forme”. Quant à la suite pour les familles roms vivant sur le site, “une action en référé sera engagée”, pour les expulser, accompagnée “de propositions de relogement”. Des paroles données qui pourraient être au cœur des attentions une fois le confinement passé.

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Commentaires

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  1. Marie-Claire DELAIRE Marie-Claire DELAIRE

    On donne un doigt, ils prennent un bras..; quels que soient le “on” ou le “ils”…

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