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Marc Pena ou le retour du phénix aixois

Portrait
le 3 Fév 2020
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L’ancien président de la faculté Aix-Marseille III conduira la liste de gauche « Aix en Partage ». Un retour sur le devant de la scène politique et médiatique surprise qui prend, aussi, les contours d’une revanche.

Marc Pena ou le retour du phénix aixois
Marc Pena ou le retour du phénix aixois

Marc Pena ou le retour du phénix aixois

Il serre les mains de quelques collègues. Rassemblés devant le rectorat d’Aix-en-Provence, des enseignants manifestent ce matin-là leur opposition au projet de réforme des retraites. Au milieu des drapeaux rouges de la CGT, dans le concert de la sono qui crachote la bande-son du rassemblement, la haute silhouette de Marc Pena pourrait être celle d’un prof comme les autres.

À 59 ans, ce Marseillais de naissance, Aixois de cœur, revient dans la lumière, après quelques années de traversée du désert. Doyen de la faculté de droit et de sciences politiques de 2004 à 2008, président de l’université Paul-Cézanne Aix-Marseille III de 2008 à 2012, vice-président de l’université unique Aix-Marseille de 2012 à 2016, le voilà qui s’apprête à écrire un nouveau chapitre de sa vie publique. Début décembre, les membres d’Aix-en-Partage annonçaient en faire le leader de leur liste d’union de la gauche pour les prochaines élections municipales.

Attablé devant une mauresque, à quelques encablures de la manifestation, l’ancien mandarin balaye d’un revers de main les premiers questionnements. Un doyen de fac de droit, à la tête d’une liste de gauche ? « La fac de droit d’Aix a la réputation d’être conservatrice, c’est vrai. Je la connais bien : j’y ai étudié… mais j’y ai milité pour l’UNEF, aussi. » Manteau de laine gris, écharpe bordeaux au cou, un badge « Aix en Partage » à la boutonnière, l’universitaire détaille ces valeurs de gauche qui sont les siennes. « Elles sont anciennes, mais pas vieilles : la fraternité, l’égalité, le partage, le fait de faire société ensemble… » Petit-fils d’un républicain espagnol condamné à mort par Franco, le quinquagénaire affirme : « La politique, je suis né dedans. C’est une passion ! »

Candidature légitime

À l’élection présidentielle de 2002, Marc Pena est président d’un comité de soutien à Jean-Pierre Chevènement, alors président du Mouvement des citoyens. Fugace incursion sur le terrain politique, abandonné un temps au profit de sa carrière universitaire. Dix-huit ans plus tard, le revoilà dans l’arène. « Il est venu aux premières réunions d’Aix en Partage avant l’été. Au départ, il prenait place dans le public et il écoutait les propositions », se remémore sa colistière, la conseillère municipale d’opposition Gaëlle Lenfant, membre de la Gauche républicaine et socialiste (GRS). D’observateur avisé, le professeur d’histoire du droit s’est peu à peu imposé comme tête de liste potentielle.

« Sa candidature est légitime, poursuit l’ancienne socialiste. Il apporte une couleur citoyenne à la liste. C’est quelqu’un d’engagé – on ne peut pas douter que c’est un homme de gauche – il a la tête sur les épaules et connaît très bien Aix. » Hervé Guerrera du Partit occitan ne prendra pas part, finalement, à cette union de la gauche. Mais ce n’est pas la faute à Marc Pena ; « une belle personne » avec laquelle il aurait aisément pu travailler.
L’annonce de sa candidature fait lever les sourcils d’étonnement à la candidate Anne-Laurence Petel (LREM). « Il était où pendant ces dix dernières années ? Il ne s’engageait pas pour Aix, en tout cas… », ironise celle qui dit voir en lui un « iconoclaste » aux prises de positions « pas apaisées, notamment dans la relation aux entreprises. »

Sophie Joissains (UDI et fille de la maire en place) se montre plus douce. « Comme Maryse Joissains », dit-elle, elle entretient de « bonnes relations » avec Marc Pena et affiche une demi-surprise à cette entrée en lice. « Le débat d’idées l’intéresse beaucoup. Et puis, être président d’université c’est évidemment ne pas être étranger à la mécanique politique », glisse la sénatrice avant de sourire : « Alors, candidat ? Pourquoi pas. »

Trou noir énorme

Sauf qu’à droite comme à gauche on ne cache pas une forme de circonspection devant le parcours de l’enseignant. « Avant qu’il ne perde face à Berland la présidence de l’université unique (en janvier 2012), il donnait quand même l’impression de quelqu’un avec un sacré égo. Pena ça rimait alors avec mégalomanie et autoritarisme. Il avait un de ces melons ! », ricane un observateur de la vie aixoise. Le juriste, alors, était de ceux qui sont sûrs de leur charisme. « Il n’était pas loin de ce qu’on appelle une personnalité toxique », siffle un élu du cru. Un autre souffle : « Après, il a eu des trous dans la raquette… » Manière de dire que l’homme a traversé des turbulences.

Devant sa mauresque, Marc Pena sourit. Il n’élude aucune question. « J’ai eu un trou noir énorme : des difficultés d’ordre familial et des problèmes de santé, avec des conséquences très importantes sur ma vie personnelle », pose-t-il. Il lâche volontiers ce mot de burn out, état pathologique qui selon lui « devrait être mieux reconnu. » Les suspicions de harcèlement ? « Parfois une histoire privée devient un problème public », répond-il arguant qu’il était à l’époque « passionné et fragile. » Ses colistiers ne veulent pas commenter ces difficultés passées. « Il a eu une période difficile mais a su s’en relever », contourne Gaëlle Lenfant. Voir éventuellement ressurgir ce passé au détour de la campagne n’inquiète pas le candidat : « Je suis transparent. Qu’est-ce qu’on va dire ? Que j’ai des faiblesses? J’ai payé cher une histoire humaine simple qui a été utilisée politiquement. »

Joissains-Gaudin, même combat

Après la bataille perdue contre Yvon Berland pour obtenir la tête d’AMU, puis sa disparition du paysage local, difficile de ne pas lire la candidature de l’enseignant comme un profond désir revanchard. « Evidemment qu’il y a là une envie de se venger sur un microcosme aixois qui ne l’a pas épargné », glisse un cadre de la droite locale. Tandis qu’une élue abonde : « C’est un défi qu’il se lance et il joue gros sur le plan personnel. » La main sur le cœur, Pena le promet. Il n’assouvit aucune revanche. « C’est juste fabuleux de se retrouver soi-même, peut-être un peu changé, en mieux… », décrit-il. À défaut de vengeance du Serpent à plumes, le retour du Phénix, alors ? Il hoche la tête. L’expression lui plaît. Un proche l’a d’ailleurs utilisée il y a peu lors d’un repas de famille.

En campagne, Marc Pena cogne sur la sortante qui va, selon lui, laisser une ville fragmentée socialement et sur le plan urbanistique. « Maryse Joissains et Jean-Claude Gaudin, c’est la même chose : le même laisser-aller, le même cynisme politique, le même clientélisme… », enfonce-t-il avant de pointer le népotisme local : « Maryse Joissains nourrit cette idée que la ville appartient à la famille Joissains. Et après Alain, Maryse, on aura la fille ? Et ensuite, la petite-fille ? »

Dans un paysage politique chaotique – deux listes à droite, deux au centre, deux chez les écologistes… – face à une sortante affaiblie par sa condamnation, Marc Pena peint sa liste comme « la seule alternative progressiste et humaniste possible ».  Maryse Joissains n’est pas indéboulonnable, aux yeux du juriste. « Elle joue sur la passion, l’affect. Elle nous [ses rivaux dans ce scrutin] traite de « zéros », de « brêles ». Mais ces insultes sont la négation même de la politique qui appelle le débat et la réflexion », argumente le candidat.

« Redoutable » Yvon Berland

Pourtant, dans ce futur combat qu’il va livrer Marc Pena regarde plus loin que sa principale adversaire, plus loin que les frontières aixoises. Son regard court jusqu’à Marseille et « un redoutable personnage : Yvon Berland. » Le candidat soutenu par la République en Marche à Marseille dont son ancien vice-président taille un portrait à la hache : « J’ai rarement rencontré un homme qui ait si peu de scrupule et une telle soif de pouvoir ! » La description agace le portraituré. « Je ne veux pas parler de Marc Pena ! », tempête Yvon Berland, piqué au vif, en marge d’une conférence de presse. « Il pense ce qu’il veut ! Mais sans doute oublie-t-il de vous dire combien je l’ai aidé à traverser sa période difficile… »

Marc Pena ne mâche pas ses mots quand il évoque Maryse Joissains, il retient encore moins ses coups contre Yvon Berland. « Il a confisqué l’université unique à son profit. Il veut donner l’apparence d’une université réussie. Mais elle est ratée, en danger, même », pilonne l’enseignant. « Je suis aussi peu macroniste que possible. Mais Yvon Berland c’est tout le contraire du renouvellement. Parce que Vassal et Gaudin sont ses copains ! » Assis à la terrasse du café, Marc Pena se frotte les mains, impatient, soudain : « J’attends de le retrouver à la Métropole ! » Aucune revanche dans cette candidature-là. Vraiment ?

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Commentaires

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  1. Jb de Cérou Jb de Cérou

    La bêtise humaine étant universelle, on constate tristement qu’à Aix comme à Marseille, les écolos font liste à part de la Gauche, comme pour mieux faciliter le maintien en place de Joissains ou de Vassal

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  2. Alain PAUL Alain PAUL

    A Marseille ils ont compris, à Aix rien …
    Pourquoi ???
    C’est une ville de droite comme l’avaient sentis les vieux socialo
    Alors, c’est démériter que s’associer avec lareme ?

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