Des étudiants de Luminy refusent de cohabiter avec des policiers municipaux en formation

Actualité
par Tom Bertin & Iliès Hagoug
le 9 Nov 2022
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La colère monte chez les étudiants des Beaux-Arts du campus de Luminy. Ils pourraient bientôt partager leurs locaux avec un centre de formation qui accueillerait, entre autres, de futurs policiers municipaux. Un mouvement de protestation s'est lancé pour faire barrage au projet.

Le centre de formation pourrait s
Le centre de formation pourrait s'installer dans l'actuelle école d'architecture. (Photo : TB)

Le centre de formation pourrait s'installer dans l'actuelle école d'architecture. (Photo : TB)

Au campus de Luminy, la passerelle qui joint les bâtiments des Beaux-Arts et de l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille (Ensam) n’a jamais semblé aussi fragile. Depuis quelques semaines, la rumeur annonçant l’arrivée d’une école de police prend de l’ampleur. Les bruits de couloir sont formels : elle viendrait s’installer à la rentrée 2023 dans les locaux laissés libres par l’Ensam, qui déménagera à l’Institut méditerranéen de la ville et des territoires, en centre-ville.

Selon des informations recueillies par Marsactu, il s’agirait en réalité d’une antenne du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Contactée, la municipalité confirme que cette piste est à l’étude. “Le CNFPT cherche des locaux pour de la formation à Marseille. On est en train de regarder ce lieu-là, notamment, mais il y a d’autres endroits potentiels”. Cette formation accueillerait, certes, des policiers municipaux, “mais aussi d’autres agents de la fonction publique territoriale, comme ceux de la sécurité civile”, détaille-t-on du côté de la Ville.

Pour la Ville de Marseille, accueillir la formation des policiers municipaux revêt en tout cas un enjeu stratégique. Alors qu’elle s’est engagée à augmenter ses effectifs de 100 agents par an, elle peine à atteindre cet objectif dans un contexte où beaucoup d’autres collectivités recrutent. “Il y a un enjeu d’attractivité pour le recrutement de policiers municipaux, confirme la mairie. Pour y arriver, cela aide d’avoir des gens qui sont déjà sur le territoire parce qu’ils y sont formés.”

Il y a quelques semaines, une délégation visitait le site, pour penser à l’après école d’architecture. Visite durant laquelle, selon une source présente, un représentant de la police municipale imaginait déjà à l’extérieur un stand de tir, des salles de formation ou des vestiaires adaptés. Un événement dont ont entendu parler certains étudiants, et qui a provoqué une première manifestation le mardi 25 octobre.

“Police nulle part, et surtout pas à Luminy”

Révoltés à l’idée de partager leur campus avec des forces de l’ordre, des étudiants ont monté le collectif Fac sans flics, dans le but de faire obstacle à ce projet. Le 7 novembre durant la pause déjeuner, ils étaient réunis pour une assemblée générale visant à structurer leur opposition à ce projet. Assis en tailleur, en cercle sur un coin d’herbe juste au-dessus du restaurant universitaire de Luminy, la quarantaine d’étudiants échange à tour de rôle. “L’institution policière n’a rien à faire au milieu de notre institution culturelle”, clame un étudiant. Les idées fusent : une lettre ouverte, une pétition, une cagnotte, des collages… Tous les moyens sont bons pour parvenir à l’objectif annoncé. “Police nulle part, et surtout pas à Luminy”, scandaient-ils dès leur toute première affiche, diffusée le 29 octobre.

 

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On veut des sangliers, pas des poulets !

Collectif fac sans flics

Les suggestions sont diverses, mais le ressentiment envers l’institution policière est partagé, et nourrit la créativité des étudiants en art. Sur les affiches qui annonçaient l’assemblée générale, on a dessiné les policiers en porcs armés, on réclame “des sangliers, pas des poulets”, ou encore on écrit “prise de vue ou garde à vue : pourquoi choisir ?”.

De mauvais augure pour une éventuelle cohabitation entre la police et les Beaux-Arts, deux secteurs aux mentalités traditionnellement antagonistes. Un des membres de l’assemblée explique que “les Beaux-Arts se sont installés ici juste avant mai 68, où les étudiants ont joué un rôle important. Vu l’histoire de l’école, voir la police s’installer ici, ce n’est juste pas envisageable.” Dans la symbolique autant que dans les faits, assurent-ils : l’assemblée évoque des points pratiques comme la sécurisation nécessaire du site, l’arrivée d’armes dans une université, les potentiels travaux, l’isolement par rapport au reste du campus.

Pas voté, mais déjà entériné ?

Le site qui accueille aujourd’hui l’Ensam. (Photo : TB)

Des projets plus en adéquation avec les usages déjà existants du lieu ont pourtant été travaillés par des acteurs du campus : une occupation temporaire avec l’association Yes We Camp, un projet autour de la protection et de l’éducation à la nature avec le parc national des Calanques ou simplement des ateliers d’artistes. Une source proche du dossier décrit une réunion avec la direction régionale des affaires culturelles, durant laquelle le dossier de projet culturel à Luminy aurait été rapidement balayé, tant l’arrivée du CNFPT semble désormais évidente.

Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture, est également le président de l’Inseamm, la structure qui dirige entre autres l’école des Beaux-Arts. Il tempère : “Je suis adjoint à la culture, je voudrais donc naturellement qu’il y ait de la culture. Mais rien n’a été voté en conseil municipal, rien n’a été acté”, pondère-t-il. Le collectif Fac sans flics, pour sa part, est bien déterminé à peser sur les décisions pour tenir les forces de l’ordre loin des couloirs de Luminy.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Surtout pas installer les étudiants en police municipale dans la pinède chants d’oiseaux au milieu des gentil.les étudiant.es, il faut les installer à Plombières, ou à Saint Joseph, ça mettrait un peu de vie et d’économie dans ces quartiers, et ne pas à l’arrivée avoir une police bisounours

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  2. sergent sergent

    J’adore cette polémique, liberté égalité fraternité mais pas avec tout le monde quand même.

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  3. Pussaloreille Pussaloreille

    Tout ça manque en effet d’un peu de discernement… Le CNFPT ne mérite pas qu’on mobilise contre lui les forces antifa et on ne voit pas pourquoi les chants d’oiseau seraient réservés à une certaine catégorie socioculturelle. Mais bon, c’est beau d’être jeune !

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  4. Patafanari Patafanari

    Les enfants de bourgeois n’ont pas envie de côtoyer des jeunes prolos bien rasés, propres sur eux, les ongles, les dents.

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  5. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    D’autant que ces couillons n’ont sans doute pas bien compris qui étaient les policiers municipaux en formation et les confondent manifestement avec des gendarmes mobiles… Ils sont aussi clairement à l’Ouest par rapport aux formations et labo de recherche présents sur le campus de Luminy, sinon ils trouveraient bien d’autres raisons de s’offusquer que la présence d’une antenne du CNFPT…

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  6. kukulkan kukulkan

    100% d’accord avec iels ! des flics jouxtant une école de beaux arts, quelle honte et ineptie !

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    • Assedix Assedix

      J’ai bien compris que votre post était avant tout une provocation, mais si vous tenez absolument à souligner qu’il y a bien des filles parmi les étudiants aux Beaux-Arts, alors il faut écrire “elleux”, non “iels”

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  7. tj13 tj13

    Refuser de partager un lieu de formation avec d’autres personnes en formation, c’est faire preuve de peu d’empathie. Trop peu pour étudier les beaux-arts en tout cas.

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  8. Forza Forza

    Les mêmes qui trouvent que les policiers sont racistes… Magnifique génération créative et pas du tout enfermée dans ses schémas. Au fait, quelqu’un pour leur expliquer ce qu’est la police municipale : un petit stage d’immersion peut-être ?

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  9. BRASILIA8 BRASILIA8

    Avant la police municipale il y avait les gardes champêtres maintenant il y a des policiers armés dont le champs d’action se rapprochent de plus en plus de celui de la police nationale.
    L’État cherche à faire des économies et donc du transfert de charges sur les collectivités.

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  10. Manipulite Manipulite

    “Heureux les esprits fêlés car ils laissent passer la lumière”. Ces petits cons n’ont rien compris et ont un réflexe pavlovien sans doute entretenu par quelque meneurs vivant d’argent public.
    Les policiers municipaux sont des fonctionnaires territoriaux sélectionnés par concours. (Voir par ailleurs les commentaires péremptoires de l’article concernant le agents du CD13.)
    Le CNFPT est un organisme public de formation des territoriaux et son centre de formation a toute sa place à Luminy.
    Les fils et filles de bobos s’ils veulent pratiquer l’exclusion des stagiaires eh bien qu’il aillent peinturlurer ailleurs. Pour le coup force doit rester à loi.

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    • Alceste. Alceste.

      Filles et fils de bobos ou NUPES en gestation ?.

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  11. MarsKaa MarsKaa

    La police municipale (normalement) ce n’est pas LA police.
    En quoi consiste la formation qui serait dispensée à Luminy ? Des cours assis à une table ? Si ce n’est que ça, il n’y a pas de problème à mon sens. Surtout si ce centre de formation doit servir à d’autres formations aussi.
    Par contre, l’idée d’un stand de tir, pour le moins bruyant, a de quoi faire vivement réagir.

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    • LN LN

      Un stand de tir dans les Calanques ? Non mais ça va pas bien là ! J’espère que ça va rester dans l’imaginaire du représentant de la police municipale. Encore un qui délire mais mèfi , on sait jamais…

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Cette histoire de stand de tir semble être une création de la “source” présente, argument forgé pour les besoins de la cause.

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  12. Hector Vigo Hector Vigo

    E

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  13. Hector Vigo Hector Vigo

    La police municipale est un service public, qui protège et qu’on réclame à Marseille .Utiliser, pour former ses effectifs comme d’autres agents de la fonction publique territoriale des locaux vacants, est de bonne politique.
    On peut s’étonner d’un tel tumulte de jeunes gens aussi indifférents aux besoins de leurs concitoyens. Protester contre un tel projet au nom de la représentation que l’on a d’elfes Beaux-Arts, sans autre motif clair qu’un voisinage de bonne réputation, n’est pas défendable, comme toute forme d’intolérance. Et l’idée du stand de tir, laborieusement élaborée pour faire croire à quelque danger, est tout simplement cocasse.
    Il y a plusieurs jeunesses, certaines vont vers l’enseignement supérieur, d’autres vers d’autres voies.
    N’est-ce pas bien tôt dans la vie pour s’opposer au nom de représentations réciproques des uns comme des autres. On a une société à construire et une République à préserver, et ce sont là des sujets qui valent la peine de s’y attarder, et de s’y investir.

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  14. Clément Yana Clément Yana

    une école de formation de jeunes policiers ,est avant tout une école.
    ceux qui ne veulent pas les cotoyer font preuve d’ une grande discrimination éducative et culturelle.
    je leur souhaite de ne jamais avoir besoin de la police municipale.

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  15. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    On comprend mal l’utilité d’une police municipale. Ne serait-il pas préférable de renforcer les effectifs de la police nationale ? La police municipale, qui est sous l’autorité des élus ne risque-t-elle pas d’être à leur dévotion ? Par ailleurs cela pose de sérieux problèmes de répartition des compétences entre les deux polices, nationales et municipales, avec le risque pour le citoyen lambda de ne jamais pouvoir trouver l’interlocuteur ad hoc : ce n’est pas nous c’est les autres !

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  16. julijo julijo

    c ‘est consternant. la qualité des arguments développés est lamentable.
    police nulle part, fac sans flics, des sangliers pas des poulets…..un peu juste la symbolique !

    en plus, si j’ai bien compris ce sont des “élèves” qui vont arriver, pas du tout un escadron de crs….

    cela rend quand même un peu inquiet sur la mentalité des quelques archis qui sortiront avec le cursus complet !

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  17. Thierry A Thierry A

    Ils veulent,
    – soit une société sans police;
    – soit une police d’esclaves avec qui on ne se mélange pas.

    Pour ma part je souhaite une société moins con, dans laquelle la police serait mieux formée… et au passage les architectes aussi.

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  18. Titi du 1-3 Titi du 1-3

    Police partout, justice nulle part.

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    • Patafanari Patafanari

      Zoé Carle : “C’est une formulation un peu solennelle, qui joue sur la binarité de la structure avec un effet de contraste très fort. Elle est très différente d’un slogan comme “tout le monde déteste la police”, il est plus équilibré dans son registre. Elle a un caractère assez général qui est adaptable à plein de contextes, ce qui permet une traduction relativement facile. Il y a aussi une figure qui s’appelle l’asyndète, qui est le fait d’effacer les marqueurs logiques, le lien logique entre les deux parties de la phrase, c’est vous qui le faites, donc ça marche bien parce que ça implique le destinataire.”

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  19. Sylotte Sylotte

    C’est la rencontre vers l’autre qui amène de la compréhension et pas le chacun chez soi.

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  20. Richard Mouren Richard Mouren

    Nous avons besoin d’une Police Municipale (avec des majuscules) formée et ouverte à la population. Cet organisme est prévu pour faire appliquer les règlements de la police municipale (avec des minuscules). -voir: https://www.collectivites-locales.gouv.fr/competences/la-police-municipale – C’est à dire veiller à l’application des règles permettant le vivre-ensemble dans un territoire commun. Il semblerait que la cohabitation de jeunes en formation artistique et en formation policière ne pourrait qu’être bénéfique aux deux. Nos rapins, dans leur entre-soi enfermé et tranquille, pourraient éviter d’utiliser à tort et à travers le souvenir d’un mai 68 qui prônait le rapprochement entre les étudiants et les autres catégories de la population.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      68 n’a jamais prôné le rapprochement avec la police ou alors à l’aide de pavés

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  21. Christian Christian

    Grotesque, basse et et scandaleuse haine anti-flics. La police est une institution de la République. Les anti-flics n’ont pas honte d’aller pleurer au commissariat de police quand leur portable leur a été arraché par un voleur.

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