« Comme Barcelone, Marseille peut être une grande capitale »

À la une
par Lagachon
le 29 Juin 2010
3
« Comme Barcelone, Marseille peut être une grande capitale »
« Comme Barcelone, Marseille peut être une grande capitale »

« Comme Barcelone, Marseille peut être une grande capitale »

Interview d’Appel.les Carod Rovira, délégué du gouvernement catalan en France.

Le gouvernement autonome de Catalogne dispose d’une représentations officielle à Paris, ainsi qu’à  Londres, Berlin, New York et Buenos Aires. La délégation a une mission proche de celle d’une ambassade : notamment en promotion du commerce extérieur, de la culture et du tourisme, et aussi bien évidement de présence politique.

Le délégué du gouvernement, ambassadeur de la Catalogne en France, a accepté de répondre à nos questions sur les relations entre Barcelone et sa région, entre la Catalogne et Madrid, mais aussi d’apporter un éclairage sur l’identité régionale en Catalogne et de nous donner sa vision de la situation marseillaise et provençale.

Marsactu.fr : La ville de Marseille entretien des relations parfois difficiles avec les territoires qui l’entourent, et plus largement, avec la région dont elle est la ville principale. A titre d’exemple, pouvez-vous nous dire quelles sont les relations qu’entretient la ville de Barcelone avec la Catalogne ?

Appel.les Carod Rovira : Chez nous, nous sommes tous conscients que Barcelone est la capitale de la Catalogne. C’est un ensemble : la Catalogne sans Barcelone serait seulement une région « normale ». Mais en même temps, Barcelone seule, sans son pays derrière elle, n’est rien de plus qu’une autre grande ville d’Espagne. Les deux ensemble : c’est une grande capitale européenne entourée de tout un pays, avec une grande visibilité internationale.

La Catalogne est une région particulière qui bénéficie d’un statut d’autonomie, dont la réforme fait d’ailleurs polémique récemment, pouvez-vous nous expliquer les fondements de cette polémique et la situation aujourd’hui ?

La réforme de l’Estatut (le statut d’autonomie de 1979), votée par le Parlement catalan, le Parlement Espagnol, puis approuvée par le peuple catalan via referendum en 2006 vient d’être partiellement censurée hier par le Tribunal Constitutionnel. C’est une décision prise par 10 juges  contre la décision d’un peuple, dont le Président du gouvernement catalan a annoncé hier qu’elle ne serait pas prise en compte. On a entendu ce matin à la radio « l’autonomie qui convient à la Catalogne, c’est celle du Portugal », et effectivement, cette décision du Tribunal Constitutionnel nous met face à la question de l’indépendance.

Un des points de conflit à propos de ce statut d’autonomie concerne les investissements d’état en Catalogne. A titre de comparaison, le gouvernement français a prévu dans le Grenelle de l’environnement 35 milliards d’euros d’investissements pour les transports en région parisienne, et 700 millions pour le reste de la France. Est-on face à un tel déséquilibre de votre côté ?

Heureusement non. La Catalogne contribue effectivement beaucoup au budget de l’État espagnol et reçoit peu, on nous accuse de ne pas être solidaires avec les régions les plus pauvres alors que le rapport entre ce que l’on donne et ce que l’on reçoit est totalement disproportionné. Alors nous demandons quelque chose d’équilibré. Comme ça l’est par exemple à Madrid, sous prétexte qu’on y investit plus parce qu’elle est la capitale et que ça profiterait à tous les espagnols !

Paris est une ville que l’on ne peut pas comparer à Marseille ou Lyon en terme de taille. Alors qu’en Espagne, Barcelone et Madrid sont similaires, c’est pourquoi nous demandons des investissements qui soient égaux à ceux faits à Madrid. Ce n’est pas une question de proportionnalité mais des besoins de chaque territoires.

Et quel rôle jouent les hommes politiques catalans dans la défense des intérêts de Barcelone et de la Catalogne ?

Ils relaient les demandes de la Catalogne. Mais les entrepreneurs, la Chambre de commerce, les hommes d’affaires leur demandent de défendre nos intérêts. Qu’on soit de droite ou de gauche… C’est parce qu’il y a une conception de pays, un sentiment d’appartenance, alors dans certains cas précis, on est solidaire. Face à la décision du Tribunal Constitutionnel, il devrait y avoir uune grande manifestation mêlant associations citoyennes et tous les partis politiques catalans le 10 juillet.

On peut dire que cette solidarité manque à Marseille et en Provence ?

Mais quelle identité peut avoir une région qui s’appelle PACA ? L’identité est ce qu’il y a de plus important pour un pays, ça permet de rassembler les gens pour défendre ses intérêts : qu’ils soient économiques, culturels etc…

En parlant de la région et de l’identité, le Président Vauzelle avait lancé l’idée d’une consultation sur le changement de nom de la région, de PACA à Provence, c’est un pas dans le bon sens selon vous ? L’identité est un sujet difficile en France en ce moment, comment l’aborder au niveau de la région ?

La Catalogne est un petit pays avec une grande capitale. Et comme Barcelone, Marseille peut être la grande capitale d’un petit pays, ou d’une région… Il y a quelques villes en France, comme Marseille, Lyon, Toulouse, autour desquelles on pourrait voir émerger des régions puissantes, à condition qu’elles travaillent main dans la main avec leurs « capitales », ensemble et dans un même but.

Il y a une deuxième condition, c’est celle de l’identité. Parce qu’il faut aussi savoir quel est le nom de ces régions, ce doit être un nom qui soit logique, comme Bretagne, Normandie ou Provence…, pas des noms artificiels.

Et il faudrait aussi réorganiser les régions, en privilégiant celles qui permettent le développement d’un sentiment d’appartenance. C’est ça le plus important. Quel sentiment d’appartenance peut avoir un catalan français (des Pyrénées Orientales) à l’intérieur de la région Languedoc ?

J’avais écrit un article il y a quelques temps pour le « Casal Català » (Maison Catalane) de Marseille à propos de l’identité nationale, attention, ça n’avait rien à voir avec le débat de M. Besson ! J’y expliquais qu’il y a de grandes différences entre la Catalogne et les régions françaises, et que c’est principalement du à l’identité. Moi, je peux dire tranquillement « je suis Catalan », mais que dit un marseillais ? Je suis « Provençal Alpin Côte d’Azuréen? »

Il faut trouver des choses qui rassemblent. Avoir une langue différente, c’est une carte d’identité. Les catalans de France se sentent catalans mais ne parlent pas la langue, et il faut commencer à changer ça, par exemple en donnant à la langue un caractère officiel, comme vient de le faire la mairie de Perpignan.

En Provence, la langue est très importante. Il y a encore beaucoup de gens qui la parle chez vous, il faut travailler sur ça car c’est un signe d’identité, et c’est très important pour un pays ou une région. Je parle de la langue, mais il y a aussi l’OM en Provence, ou le Barça en Catalogne.

Concernant la la langue, dont on parle assez peu en France, vous avez l’expérience de la revitalisation de la langue catalane dans les années 1970, comment se passe-t-elle  ?

Le plus important c’est l’école ! En Catalogne, depuis 1979, la langue d’usage dans les écoles est le catalan. Il y a des enfants viennent du monde entier (Maroc, Bolivie, Roumanie…) mais au bout de quelques années, tous parlent catalan. Ensuite, c’est l’officialité, c’est-à-dire donner à la langue un caractère officiel : affirmer que l’on doit pouvoir tout faire dans cette langue si on le choisit, comme on peut aujourd’hui tout faire en espagnol ou en catalan à Barcelone.

Mais on pourrait dire en Provence que ça serait trop difficile, qu’il n’y a pas assez de locuteurs adultes pour l’enseigner ou l’utiliser, que ce serait une langue officielle surtout théorique ?

Peut-être au début, mais si on commence à pouvoir apprendre et utiliser partout le provençal, dans 10 ans, on aura des gens capables de le parler et de l’écrire, les enfants apprennent très vite. Mais il faut pour ça que ce soit officiel, peut-être pour 300 personnes au début, 1000 demain, 4000 après demain, 300 000 dans 10 ans ! Et 300 000 c’est déjà le nombre de gens qui parlent Maltais, une des langue officielle de l’Union Européenne.

Vous avez visité Marseille ? Que vous a inspiré le territoire ?

J’ai visité la ville de Marseille deux fois, et aussi une fois Salon-de-Provence. Marseille est une grande ville qui a beaucoup de possibilités et peut devenir une ville de référence en Méditerranée, mais il faut s’ouvrir un peu plus. Je sais que la ville est déjà ouverte vers la mer, mais il faut l’ouvrir encore plus, une ville maritime a un avantage considérable sur les autres. Et Marseille doit surtout prendre conscience qu’elle est la capitale d’une région. Car seule elle a déjà des possibilités, mais en tant que capitale d’une région, elle les multiplie.

On revient à un sujet qui fait débat chez nous, il existe une peur de l’hégémonie de Marseille dans les villes aux alentours ?

Être la capitale signifie être conscient que l’on a besoin d’un espace qui nous est proche mais néanmoins au-delà de nos limites. A Barcelone, on ne peut plus rien faire de plus dans la ville, parce que tout est construit. Si on veut s’agrandir, il faut que l’on travaille avec les villes aux alentours.

C’est à dire qu’il faut investir dans ce territoire, qui est souvent très proche. Pour prendre un exemple : Aix est à 30 minutes de Marseille, et à quoi correspond 30 minutes ? A Barcelone ça fait 10 stations de métro !

Marseille doit prendre conscience de ça et travailler avec les villes aux alentours, mais le faire en tant que capitale. Une capitale doit partager, sinon, les villes voisines ne la voient pas comme telle, mais comme une ville qui ne fait que profiter. Il y a des institutions, établissements… que l’on peut vouloir à Marseille, parce que c’est la capitale, mais d’autres que l’on peut volontairement installer ailleurs, en les répartissant sur tout le territoire. Dans le contexte marseillais, qui est très particulier, il faut être intelligent, en catalan nous disons « donar joc », travailler ensemble. Que tout ce qui soit entrepris puisse profiter à tout le monde.

Quand on a fait Barcelone 1992, tout le territoire en a profité : on a organisé les compétitions de basket à Badalona, de handball à Granollers, des activités nautiques au lac de Banyoles (toutes des localités en dehors de la Ville de Barcelone)… on a donné à tous nos voisins la possibilité d’accueillir des événements importants. Alors tout le monde a accepté de travailler pour Barcelone, parce que travailler pour Barcelone, c’est avant tout travailler pour soi, il faut être généreux.

Les J.O. De 1992 ont fait décoller Barcelone, pensez-vous que 2013 peut être le 92 de Marseille, toutes proportions gardées ? Qu’est ce qui a fait le succès des JO ?

Les JO ont été l’occasion de changer la ville. On a profité de l’événement pour changer beaucoup de choses : par exemple, la ville s’est ouverte à la mer, on a redynamisé des zones dégradées comme Montjüic, Horta ou le port… C’est pareil pour le forum des cultures en 2004. Il y a une expression française que j’aime bien : « se mettre sur son 31 », je pense qu’il faut être présentable quand l’échéance arrive. Pas seulement pour l’image, parce qu’il ne faut pas penser qu’à 2013, mais aussi à ce qu’il se passe après ! Comment va-t-on utiliser après ce que l’on a construit. C’est le moment de bâtir un grand théâtre, des salles de spectacles etc que l’on pourra utiliser après, idéalement dans un quartier qui a besoin de revitalisation. Et en même temps, on crée les réseaux de transports et on assure la sécurité qui permet d’aller dans ce quartier, même après 2013. On s&#82
17;oblige à faire des choses pour être prêts en 2013, et tout ça, ça reste et ça crée de l’activité.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. chris chris

    Le site de la CCIMP nous apprend qu’à la suite de neuf mois d’entretiens, d’ateliers, de groupes de travail menés par Yves Cousquer et Jean-Bernard de Cérou, le Club Top 20, a proposé aux collectivités territoriales une stratégie s’articulant autour de 28 projets pour faire de Marseille-Provence une grande métropole. Hélas, le site ne nous donne guère plus de précisions sur ces projets et encore moins un accès au rapport.

    Marsactu, toujours mieux informé que les autres, aurait-il de plus amples informations sur ce dossier ?

    Signaler
  2. madi madi

    bonjour j’ ai trop aimé l’ interviw de ce monsieur voilà il etais claire sur ses raisonnement

    Signaler
  3. Marc Sabatés i Laporta Marc Sabatés i Laporta

    Monsieur Carod Rovira est un ami ! Je lui ai dit qu ‘ à Marseille il y a le Quartier des Catalans superbe plage , le casal de Catalunya et notre équipe de football US ENDOUME CATALANS 1925.

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire