Clair soleil, le collège qui n’avait pas de cantine

Enquête
le 18 Oct 2023
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Depuis des années, l'établissement situé dans les quartiers Nord ne dispose pas de service de restauration pour ses 540 collégiens. Seuls 60 d'entre eux peuvent se restaurer dans un petit local, mais la plupart doivent rentrer chez eux le midi. Ce qui occasionne de la fatigue et des difficultés d'organisation pour les familles.

Les grilles du collège Clair soleil dans le 14e arrondissement. (Photo : Roxanne Machecourt)
Les grilles du collège Clair soleil dans le 14e arrondissement. (Photo : Roxanne Machecourt)

Les grilles du collège Clair soleil dans le 14e arrondissement. (Photo : Roxanne Machecourt)

Chaque midi, mon fils doit courir pour rentrer à la maison. Malgré ça, il est obligé de manger à toute vitesse.” La mine soucieuse, Abdulhaq Haqjoo, père de famille installé à Marseille depuis deux ans avec sa femme et ses trois enfants, poursuit : “Je l’entends tout le temps dire qu’il est fatigué, je ne sais pas comment il fait pour suivre correctement en classe.Tous les jours à la pause méridienne, son fils rentre manger au domicile familial, avec un trajet en bus à l’aller et au retour. Le jeune garçon n’a pas vraiment le choix.

Il est midi et la cloche du collège de Clair soleil, situé dans le 14ᵉ arrondissement, vient tout juste de sonner. À la sortie, comme le fils d’Abdulhaq Haqjoo, une quarantaine d’élèves se pressent en direction de l’arrêt de bus, quelques mètres plus bas. Cela pour une raison simple : le collège, qui accueille 540 élèves, ne dispose pas de service de cantine. Sollicité, le conseil départemental, responsables des collèges, nous le confirme : il n’y a pas de cantine spécifiquement pour les collégiens depuis plusieurs années” à Clair soleil.

“Le précieux sésame de la cantine”

Seule option sur place : un local permet d’accueillir 30 élèves à la fois avec des repas préparés par la cantine de l’école voisine. Une convention vieille d’au moins vingt ans fait assurer le service de restauration par le personnel municipal de cet établissement mitoyen. Depuis septembre, selon plusieurs sources internes, ou depuis quelques années selon le département, un deuxième service a été mis en place, permettant de passer à 60 bénéficiaires. L’état du local, à cheval entre l’école et le collège, pose par ailleurs question à certains parents d’élèves interrogés.

Une professeure de l’établissement explique le processus pour pouvoir en bénéficier : “Chaque année, il y a cet éternel défilé des parents afin de savoir qui remportera le précieux sésame de la cantine. Le plus horrible dans tout ça, c’est que le collège procède à une sélection en fonction des ressources et du travail des parents, ou bien selon la distance de leur logement”. Selon l’association de parents d’élèves, les sixièmes seraient prioritaires.

Un “handicap” pour le travail des parents

Pour ceux qui ne sont pas sélectionnés, l’organisation repose donc sur les parents. Athmano, rencontré devant les grilles du collège, alterne avec sa femme pour aller chercher son enfant de sixième chaque midi : “On habite à environ quinze minutes en voiture, mais notre fils ne peut pas partir tout seul du collège, il a encore besoin de nous“. Il espère qu’avec de la chance, une place se libère”.

Athmano et sa conjointe travaillent tous les deux : “Nous le vivons comme un handicap, sincèrement. Elle est injuste cette histoire.” Même son de cloche du côté de Nissoiti qui, depuis que sa fille de troisième n’a plus accès au service de restauration, ne travaille plus que le matin afin de l’accueillir le temps du midi.

Des parents parviennent à s’arranger avec leur employeur donc, mais certains, comme la femme d’Abdulhaq, ont renoncé à chercher un emploi. “Sans cantine, il faut bien que quelqu’un reste à la maison pour nourrir notre fils. Malheureusement, moi avec ma thèse, je ne peux pas faire autrement”, s’excuse-t-il.

“Pas le temps de manger”

Non loin de lui, la foule des collégiens se hâte donc à monter dans le bus. Une fois complet, les portes se referment devant les yeux des derniers de la file. “Comme il y a plein d’élèves qui doivent prendre le bus, mon fils doit souvent attendre les suivants, lâche Abdulhaq en pointant la scène. Et ça lui arrive parfois d’être en retard pour les cours”.

“Une fois, ma fille est arrivée dix minutes avant de devoir repartir. Elle n’a même pas eu le temps de manger“, retrace la suppléante de la déléguée des parents d’élèves. Un constat partagé par l’enseignante citée plus haut :”c’est compliqué pour beaucoup de collégiens. Chaque midi, ils courent pour ne pas être en retard.

L’arrivée d’une cantine suspendue à la future rénovation

La situation au collège Clair soleil ne semble pas près de changer dans l’immédiat. “Ce sujet ressort depuis des années aux conseils d’administration. À chaque fois, on nous répond que c’est lié à un projet de reconstruction et qu’en attendant, ils ne peuvent rien changer“, poursuit la professeure. Le collège fait en effet partie des établissements promis à une rénovation via le “plan Charlemagne”, lancé par le département en 2017. Il doit être reconstruit, avec l’école primaire… d’ici à 2027.

Dans sa réponse écrite à Marsactu, le conseil départemental assure avoir “tout à fait identifié la problématique, qui est plus large que celle du réfectoire et qui concerne l’ensemble des locaux qui ne répondent plus aux besoins pédagogiques et aux critères de fonctionnement des collèges”. Mais la collectivité renvoie la balle vers la mairie de Marseille, dont elle dit attendre des réponses en vue du chantier. Tant que la municipalité “ne mettra pas le foncier” à leur disposition, “il n’est pas possible d’envisager un calendrier de réalisation”, écrit le service presse.

En attendant, devant les grilles, une surveillante frappe dans ses mains. “Dépêchez-vous, ça a déjà sonné, vous allez devoir aller en perm’ !”, lance-t-elle à deux jeunes filles qui arrivent en courant, à bout de souffle. Vingt minutes plus tard, un jeune, avec des gouttes de sueur qui perlent sur son visage, atteint à grandes enjambées les grilles de l’école, certainement trop tard pour rejoindre sa classe. À Clair soleil, la pause de midi, c’est un peu de temps pour manger, et beaucoup pour faire du sport.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Cette situation scandaleuse est tout à fait révélatrice.
    Collégiens, collège public, quartiers Nord, c’est comme ça depuis des années, “oui mais une reconstruction est prévue pour 2027” : en attendant ? on fait rien. RIEN. “oui mais on ne peut pas commencer à planifier le début du chantier à cause de la mairie de gauche, c’est leur faute” (et avant eux, c’était la faute à qui ?)…
    En attendant chaque année, tous les jours, des gamins courent, des parents se démènent, des personnels gèrent comme ils peuvent
    C’est proprement scandaleux un tel mépris.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Mme Vassal préfère afficher sa binette dans les carnets de correspondance des collégiens, transformés en tract électoral, pour les informer de l’excellence de sa politique.

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  2. vékiya vékiya

    un bus pourrait emmener les enfants déjeuner à la cantine du conseil général.

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    • MarsKaa MarsKaa

      Très bonne idée !

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    • Mireille Urbain Mireille Urbain

      Excellente idée!

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    • AlabArque AlabArque

      BRAVO pour cette idée lumineuse

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  3. julijo julijo

    un plan charlemagne qui est élaboré en 2017 et prévoit une reconstruction pour 2027.
    la gestion des priorités, ils connaissent au conseil départemental.
    la cantine est un “service”, là, il n’est pas rendu.
    que le département accuse la mairie c’est logique et classique, et ça se passe dans la majorité des cas de rénovation et/ou de reconstruction des collèges dans marseille, quand il s’agit de problèmes de terrains.
    c’est méprisant pour les élèves, leurs parents et leurs enseignants.
    les incompétences dans ces domaines sont multiples, et ce sont généralement les établissements qui “font du bruit” qui obtiennent quelques aménagements. le “pas de vagues” est la règle au cd13 aussi.
    j’ai envie de dire aux parents : faites du bruit !

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  4. Pascal L Pascal L

    “On habite à environ quinze minutes en voiture” : C’est assez étonnant comme phrase car il y a de nombreux collèges à moins de 10 minutes en voiture qui entourent Clair Soleil (par exemple Rosa Parks à l’ouest, Henri Wallon au sud, Pythéas au nord est, Alexandre Dumas au sud-est) ce qui voudrait dire que les enfants de cette personne ne sont pas affectés dans le collège public de secteur.

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    • Zumbi Zumbi

      Je pense que vous avez une vision très simplifiée de la gestion des effectifs ; quand il y en a plus que prévu on vous envoie ailleurs que dans le secteur, quand votre petit.e a commencé dans un collège et que vous avez déménagé dans un secteur pas trop lointain souvent l’élève reste pour le temps qui lui reste dans son collège ; il y a encore la question des fratries et j’en passe.

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    • MarsKaa MarsKaa

      Et alors ? En quoi cela joue t-il sur le sujet ? On parle de 500 enfants sans cantine là.

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    • Pascal L Pascal L

      Cela joue sur le sujet par le fait que cela ajoute de la difficulté à des familles qui n’en ont pas besoin.
      Et si il n’y avait que Clair Soleil !
      Que dire du collège Marie Laurencin, le collège qui n’a pas de murs en dur ! Probablement pas de cantine (je ne sais pas où elle serait située mais peut-être celle de H Wallon tout proche leur est ouverte, à vérifier) car ce n’est qu’un assemblage d’Algeco qui datent de 20 ans. Du transitoire qui dure très longtemps.

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  5. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Encore une belle non réalisation de Vassal. Qui au CD13 est vice président en charge des collèges ? Personne, la charge est dévolue à une “conseillère départementale déléguée”. C’est dire à quel oint la Vassal s’en fout des collèges. D’ailleurs les profs en général votent à gauche. Quant aux élèves, ils ne sont pas en âge de voter.
    En plus ces salauds de gauchistes de la mairie sont de mauvaise volonté et empêche la cheffe naturelle d’agir. La situation dure depuis 20a, Vassal est en poste depuis 2015, avant 2020 les bolcho-écolos étaient encore dans l’opposition. Que s’est-il passé ? Rien, évidemment.
    Alors se préoccuper d’un établissement des quartiers nord… non autant faire construire un collège neuf à Euromed pour le confier aux jésuites de Provence. Comme ça au moins il n’y aura plus d’argent pour Clair-Soleil. Charles-Henri et Marie-Chantal méritent de mettre leurs rejetons dans un établissement flambant neuf. Pas Abdulhaq et Nissoiti.

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    • Patafanari Patafanari

      Vers plus d’égalité. Dans vingt ans Charles-Abdulhaq et Nissoiti-Chantal prendront leur repas hebdomadaire au collège délabré Euromed-Xi Jinping.

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  6. Peuchere Peuchere

    C’est difficile de rattraper en 8 ans plus de 70 ans de gestion socialiste au CD 13.
    En 3 ans, le Printemps marseillais explique que c’est dur de rattraper 25 ans de gestion de droite.
    Parallélisme des formes

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      décidément vous avez un souci Peuchere. Il va falloir vous mettre dans la tête que le problème avec Vassal ce n’est pas son étiquette politique mais sa nullité.
      En 3 ans à la ville de Marseille il y a eu un plan école, qui va durer encore longtemps, pour une remise à niveau et cesser de goinfrer l’enseignement privé aux dépends du public. Les écoles il y en a 470 à Marseille (chiffre qu’ignorait le précédent maire, qui claironnait à tout va qu’il ne pouvait pas gérer les soucis de robinetterie des “440” écoles marseillaises). 3 adjoints sont en charge des écoles.
      Les collèges sont au nombre de 186 dans le département, dont 35 privés sous contrat. Ce qui représente un peu moins de bâti en responsabilité pour à peine plus d’élèves (95 000 collégiens dans les BdR). Ces 186 collèges, ces 95 000 élèves, le département qui en a la charge ne les juge pas dignes d’avoir un vice président du CD13 qui leur soit consacré…
      Quant aux travaux réalisés pour 23/24 dans les collèges, choisissons les copains : Marseille 12, Trets, Cassis, Aix, Chateauneuf les Martigues, Aubagne. Et un établissement dans le 15e pour faire croire qu’on s’occupe de ces quartiers nord qui votent si mal (quant ils votent).
      Le Collège Joséphine Baker (ex Versailles) est un cas d’école : enfin rénové après des années de demande, le bâtiment était dans un état de vétusté catastrophique. Certes Guérini n’a pas bougé le petit doigt, finalement et sous la pression Vassal a cédé. Les travaux ont eu lieu pendant les cours… Riche idée, plutot que de délocaliser le collège pour quelques mois dans la Caserne du Muy alors désaffectée, autant faire 2 ans de travaux avec cours sur fond de marteau-piqueur.

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  7. Manipulite Manipulite

    Le Département préfère subventionner Provence Tourisme pour organiser des dîners sur la digue du large. Quand les collectivités seront-elles mises en demeure de concentrer toutes leurs ressources à leurs compétences obligatoires ?

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  8. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Macron a ouvert aujourd’hui la première réunion de la Coalition mondiale pour l’alimentation scolaire mais il a oublié l’alimentation scolaire dans son plan Marseille en grand. Personne n’est parfait.

    La Coalition mondiale pour l’alimentation scolaire « mène des actions visant à améliorer et à intensifier de toute urgence les programmes de repas scolaires afin de garantir que chaque enfant ait la possibilité de recevoir un repas sain et nutritif à l’école d’ici 2030

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  9. Emile Emile

    je ne savais pas qu’il y avait des collèges sans cantine !
    un scandale marseillais et départemental de plus!

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  10. carollline carollline

    dans mon collège (un vieux collège dans le centre d’une ville moyenne) il n’y avait pas de cantine. on prenait un bus chaque midi pour déjeuner dans une cantine d’un centre de vacances ou un truc comme ça. ce n’était pas idéal, mais au moins on avait une solution.

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