Boues rouges : quel avenir après l'arrêt des rejets en mer ?
Boues rouges : quel avenir après l'arrêt des rejets en mer ?
Depuis les années 60, l’usine d’alumine de Gardanne a craché des millions de tonnes de boues rouges dans la Méditerranée, via une conduite de 55 km. Que l’on considère ces rejets comme sans risques, comme l’assurent l’Etat et l’industriel Rio Tinto, ou que l’on soit plus réservé, comme notre enquête incite à l’être, un fait s’impose à tous : d’ici fin 2015, les vannes devront être fermées définitivement.
Que va-t-on faire de ces boues rouges après cette date ? Rio Tinto dispose toujours du site de stockage à terre de Mangegarri, à quelques kilomètres de l’usine. Mais se retrouve face au même problème qui a conduit il y a cinquante ans à opter pour les rejets en mer : le manque de place. Aujourd’hui, la nouvelle parade est de trouver des débouchés industriels à ces déchets. Une question de vie ou de mort pour le site plus que centenaire et ses 400 salariés. « Pour Gardanne, au-delà de la préservation des ressources naturelles, le principal enjeu de la valorisation est la prolongation de la vie de l’usine par limitation de l’utilisation du site de stockage à terre », reconnaissait en 2005 Alcan, groupe racheté depuis par Rio Tinto.
Seulement 180 000 tonnes écoulées
L’industriel a investi dans un filtre presse, et prévoit d’en installer un deuxième, pour sécher les boues rouges, leur donnant une forme plus solide, et les commercialiser sous le nom de Bauxaline. Utilisations possibles : réhabilitation de décharges, remblais pour routes, voire dans le secteur du bâtiment et de l’horticulture.
Mais pour l’instant, Rio Tinto peine à écouler son produit. Si la couverture de la décharge d’Entressen a permis d’absorber 100 000 tonnes, seulement 80 000 tonnes de Bauxaline ont été vendues par ailleurs depuis 1995. Alors que l’usine produit en une seule année plus de 200 000 tonnes de boues… « Il y a un problème de coût du transport (on sait qu’au-delà d’un rayon de 100 km c’est très difficile) et de concurrence : les carriers ont depuis des décennies leurs propres produits », justifie Jean-Claude Dauvin, président du Comité scientifique de suivi mis en place par l’Etat pour étudier l’impact des rejets en mer et trouver une alternative viable.
Des limites reconnues par Frédéric Huguet, directeur marketing et communication des alumines de spécialité chez Rio Tinto. « Nous sommes parfaitement conscients que cela représente un défi important et nous avons mis en place une équipe spécifique afin de le relever. De plus, des travaux sont en cours pour explorer plus avant d’autres pistes de valorisation, notamment en termes de réhabilitation de sols où les résidus de Bauxite ont un potentiel important », nuance-t-il.
Fonds européens
Bref, il y a du boulot d’ici 2015, et surtout 2021, quand le site de Mangegarri devra fermer. « Il faut qu’ils fassent des efforts et je leur ai dit. Ce sont des producteurs et pas assez des commerciaux », glisse Roger Meï maire communiste de Gardanne depuis 1977. Rebondissant sur la catastrophe industrielle hongroise, Michèle Rivasi, députée européenne Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV) du Sud-Est, s’est rendue sur place en octobre pour annoncer qu’elle irait toquer à la porte de l’Europe pour tenter de récolter des fonds pour la valorisation. Ce mois-ci, elle a rencontré le cabinet de la commissaire européenne chargée de la recherche, de l’innovation et de la science. L’idée : se porter candidat pour le septième programme-cadre de recherche et de développement technologique, qui dispose d’un budget de 53,2 milliards d’euros pour la période 2007-2013.
« On est preneur », commente sobrement Roger Meï. Car si la commune n’est plus dépendante de la manne de la taxe professionnelle jusqu’à présent versée par l’entreprise, reste la question de l’emploi. « La ville deviendrait une friche, ce serait une catastrophe sociale », résume François-Michel Lambert, conseiller municipal d’opposition EE-LV. N’attendez donc pas de cet écologiste qu’il exige de fermer le site : « on défend les usines quand elles sont implantées. Elle ne produit pas pour rien : cela fait de l’alu, cela sert dans les écrans plats. Mais on veut qu’elle évolue, qu’elle soit moins polluante », explique-t-il.
Problème des poussières
Pour lui, le site « a trouvé son modèle économique » avec les alumines techniques, très prisées par l’industrie. Raison de plus pour « avancer » sur la question des poussières. « Nous avons rencontré la direction de l’entreprise, qui nous a expliqué toute l’organisation interne pour les limiter », raconte-t-il. Mais un gros coup de mistral peut mettre à mal cette stratégie. EE-LV a donc saisi l’Observatoire régional de la santé pour obtenir une enquête épidémiologique sur place. « On ne se satisfait pas de celle réalisée autour d’une mine en Australie. Car quand les poussières s’envolent, elles agglutinent des polluants et les aident à pénétrer notre corps », justifie-t-il. Une problématique cruciale selon lui, bien au-delà de l’aspect sanitaire : « il y a une exaspération localement autour des poussières de la centrale thermique et de Pechiney. Il ne faut pas attendre que la pression des citoyens revienne car l’actionnaire pourrait alors appuyer sur le bouton stop ».
Du côté de la mairie de Gardanne, on met en avant les 2 000 emplois créés depuis 4 ans et les 1 400 entreprises implantées localement, comme la mode féminine avec Garella, Bleu Cerise… Et la reconversion qu’est en train d’accomplir cette « terre d’énergies », slogan de la ville charbonnière, avec l’installation prévue de panneaux photovoltaïques sur 30 hectares de terrils et l’utilisation de la décharge pour produire du biogaz. « On va produire plus que ce que l’on consomme avec moins de gaz à effet de serre », se félicite Roger Meï, qui évoque même la possibilité d’installer une éolienne verticale. Ce sera toujours ça de pris si la Bauxaline ne fait pas fureur…
Retrouvez nos articles sur la question de l’impact écologique des rejets en mer, et la saga industrielle de Pechiney
Poussières : introuvables études de santé publique, sur Rue 89
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Il ne faut se faire aucune illusion, la Bauxaline n’intéresse personne et les coûts de l’électricité pour les industriels sont beaucoup trop élevé en Europe en général et en France en particulier.
A moins d’une révolution chez nos dirigeants, avec une véritable politique industrielle, ce site, comme l’industrie en général, sont voués à disparaitre dans notre pays.
Pour le moment, on ne voit que des beaux discours, mais aucune action concrete.
En même temps, l’avenir économique ne se gère pas à l’échéance d’un ou deux mandats présidentiels, alors le blabla suffit…
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Une compagnie canadienne a inventé un procédé pour faire disparaître ls bassins de boues rouges etles exploiter d’une façon rentable et écologique. Qu’est-ce qu’on attend pour dépolluer?
http://www.renmarkfinancial.com/files/pdf/ort-08012012-fr.pdf
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