Vous prendrez bien un demi d’anthropologie pour l’apéro ?

Échappée
le 7 Mai 2018
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L'anthropologie aussi peut être une discussion de comptoir. En tout cas, l'association le Tamis en a fait le pari, en décidant d'organiser des WorkChope (de bière), à savoir des rencontres informelles, dans des bars, avec des jeunes chercheurs en sciences humaines et sociales. La deuxième édition avait lieu ce jeudi à l'Ostau dau Pais Marselhés.

Vous prendrez bien un demi d’anthropologie pour l’apéro ?
Vous prendrez bien un demi d’anthropologie pour l’apéro ?

Vous prendrez bien un demi d’anthropologie pour l’apéro ?

Mais en fait, c’est quoi les symptômes de la peste ?” la question fait irruption dans une discussion jusque là plutôt sage, jeudi soir à l’Ostau, un lieu associatif à côté de la Plaine. Docteure en Histoire, Fleur Beauvieux, a commencé à présenter sa thèse sur la vie quotidienne des Marseillais pendant la période de la peste (1720-1724). Présentation powerpoint, pas de musique, chaises en rang, ce n’est pas entièrement l’échange convivial autour de pintes de bières promis par le concept de “WorkChope”.

Des bars, des bières, des jeunes chercheurs en sciences humaines et sociales qui présentent leurs objets d’étude, l’idée portée par l’association le Tamis est simple et efficace. Elle s’inscrit dans leur objet général : diffuser les connaissances issues de la recherche et les méthodes utilisées par les chercheurs dans ces domaines.

“Là, on improvise par rapport à ce qu’on a prévu.”

Ici à l’Ostau, la chercheure en Histoire n’est pas seule. Elle est accompagnée par Clément Tarantini, doctorant en anthropologie sur la gestion du risque infectieux en hôpital. Son rôle est de donner des informations en contrepoint de la présentation principale, et de s’assurer qu’elle n’est pas trop technique pour le public. Mais il est également compétent sur les symptômes de la peste bubonique : “Les premiers symptômes sont en général des charbons, des bubons, des kystes…

Et l’Histoire n’est pas en reste sur le sujet. Fleur Beauvieux a trouvé des descriptions des symptômes de l’époque – les maladies mutent – dans les sources qu’elle a étudiées. On parle bubons pendant quelques minutes. Puis Fleur remarque : “Là, on improvise par rapport à ce qu’on a prévu.

D’après Marjolaine Martin, une des dix bénévoles du noyau dur du Tamis, la première rencontre, dans laquelle elle était intervenue en mars au bar le Funiculaire, était plus sportive, dans tous les sens du terme. Les sujets tournaient autour de la formation dans le football et le rugby, “parfait pour lancer le format : le football, c’est un sujet de discussion de comptoir, et on veut faire de la discussion de comptoir informée“.

La forme aussi n’était pas la même : “Le bar n’était pas privatisé, les gens parlaient, arrivaient à six ou dix pour passer la soirée, les tireuses à bière fonctionnaient… Pour finir ça a marché, beaucoup de gens ont suivi la discussion et il n’y avait plus de place“, précise la bénévole. “Il y a une dimension de mise en danger pour nous, complète Mikaëla Le Meur, elle aussi membre du premier cercle du Tamis. Les chercheurs ont l’habitude de parler dans un environnement très codifié, silencieux, même s’il n’est pas forcément respectueux sur le fond.

“Tu as deux secondes pour les pierres de peste ?”

A l’Ostau en tout cas, les trente personnes présentes se sont enhardies, encouragées par la digression sur les symptômes, et mènent désormais l’échange. “Il était au courant que la peste était dans le bateau, en plus, non ?“, s’émeut une femme sur un tabouret de bar, au sujet du premier échevin, mis en cause dans l’épidémie pour avoir réduit le délai de quarantaine sur des étoffes lui appartenant que convoyait le grand Saint-Antoine. Fleur recadre, les circonstances sont plus complexes que cela. “Tu as deux secondes pour développer les pierres de peste ?” demande une autre au sujet des amulettes utilisées contre la maladie. Le rôle de l’État, qui se modernise à ce moment, fait aussi l’objet d’un débat entre les chercheurs et Arnaud Fromont, programmateur de l’Ostau, qui parle depuis l’arrière du comptoir. Le choix du lieu, qui se se revendique des cultures minoritaires et populaires, n’est pas un hasard.

 

A l’entrée du bar, les membres du Tamis ont étalé quelques réalisations issues d’autres projets mis en œuvre par l’association depuis sa création fin 2012, toujours sur le thème de la transmission des savoirs. Un ouvrage illustré reprenant des témoignages d’homosexuels en Afrique de l’Ouest, qui avait lui aussi en son temps fait l’objet de présentations dans des bars, côtoie la gazette de la Roug’ des habitants de la Rouguière, dont le Tamis a réalisé la maquette. D’autres activités, comme la médiation auprès des classes, restent, elles, du domaine de l’immatériel.

L’engouement des chercheurs pour les bars est-il si rare que ça ? Les sciences dures s’y sont également mises, avec les soirées Pint of Science, un concept importé du Royaume-Uni dont la cinquième édition sera déclinée à Marseille du 14 au 16 mai. Le prochain WorkChope, lui, devrait avoir lieu en septembre. Avec l’idée d’aller dans de nouveaux lieux pour toucher d’autres personnes : si certains habitués de l’Ostau sont repartis enthousiastes, avec l’envie de lire des thèses, la moitié des participants de la soirée faisaient partie des cercles du Tamis. Même avec des bières, ce n’est pas toujours simple de brasser les publics.

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