Aux Chutes-Lavie, les dealers sont partis mais le foyer éducatif suspend son activité

Info Marsactu
le 2 Août 2018
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L'hiver dernier, des dealers avaient établi leur point de vente sur un site appartenant au ministère de la justice. Six mois plus tard, le foyer éducatif qui s'y trouve suspend son activité pour l'été. Si la direction parle d'un simple choix lié au manque d'effectifs, pour les salariés, c'est la conclusion de plusieurs mois de tensions.

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L'UEHC, foyer éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse

L'UEHC, foyer éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse

Le lieu avait fait la une de la presse locale et nationale l’hiver dernier. Le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), situé aux Chutes-Lavie (13e arrondissement), était squatté par un réseau de trafic de drogues empêchant les différentes structures éducatives du site de poursuivre leurs activités en sécurité. Une situation de crise mise à jour par des salariés excédés, qui avait débouché, dans un premier temps, sur une meilleure sécurisation de l’espace, avant de voir les services de police couper la tête du réseau en question lors d’un coup de filet d’ampleur en juin.

Pour autant, un arrêté préfectoral publié le 17 juillet laisse à penser que tout n’est pas complètement revenu à la normale sur le domaine. L’UEHC (unité éducative d’hébergement collectif), le foyer éducatif situé aux portes du domaine a suspendu ses activités pour l’été. Depuis le 5 juillet, les admissions sont arrêtées, jusqu’au 31 août. Mais pour la direction interrégionale de la PJJ, il s’agit là d’une simple question de gestion du personnel disponible en période estivale.

“C’est une suspension provisoire, d’un mois à peu près, une décision banale en cette période, simplement pour des raisons de gestion et d’optimisation du personnel. Entre les congés d’été et les récupérations d’heures supplémentaires, il y a un problème d’effectifs”, assure Jean-Pierre Carlé, directeur adjoint par intérim. La plupart des salariés – un peu moins d’une vingtaine – ont donc pu prendre leurs congés, et ceux qui ne partaient pas ont été missionnés dans d’autres services jusqu’au 31 août. La poignée de jeunes qui était accueillie dans le foyer en juin, “deux ou trois”, selon Jean-Pierre Carlé, a été répartie dans d’autres foyers, à Marseille ou Martigues.

Gestion du personnel ou contrecoup de la crise ?

Cependant, du côté du personnel, la suspension est plutôt vécue comme la conséquence de plusieurs mois de crise interne. “Après l’affaire du réseau implanté sur le domaine, il y a eu de nombreux bouleversements au niveau du foyer”, explique Nicole Quilici, représentante du personnel SNPES-FSU à la PJJ. Particulièrement marquées par la situation, notamment du fait de la proximité directe du foyer avec l’ex point de deal, l’équipe encadrante et la hiérarchie semblent avoir eu du mal à rétablir le dialogue pour retrouver la sérénité.

Ils ont dû récupérer la situation de jeunes qui s’étaient fait happés par le réseau, des éducateurs avaient été agressés verbalement par les dealers, puis ils ont été déplacés d’un lieu à un autre le temps de revenir à la normale sur le site. À leur retour, ils ont eu des difficultés à reconstruire un groupe, et la hiérarchie n’a pas respecté leur souhait de faire rentrer des jeunes progressivement, il y a tout de suite eu des admissions en urgence”, détaille la syndicaliste.

Le foyer a réellement repris ses activités au début du printemps. “Les collègues sont finalement retournés travailler avec quelques garanties, mais il y a eu une angoisse à l’approche de l’été en sachant qu’ils seraient en sous-effectifs, rapporte Isabelle Audureau, de la CGT-PJJ. Ils ont dit à la direction que sans travaux, ni nouveaux agents de sécurité, ils ne tiendraient pas le coup. Et au lieu d’embaucher, l’administration a préféré fermer”.

Un lien entre les deux situations que balaye Jean-Pierre Carlé : “Le point de deal a été éradiqué, cela avait créé des problèmes, du stress et des soucis légitimes, pour le personnel. Mais depuis il y a eu des mesures adaptées, un renforcement de la sécurité, l’arrivée d’un service de sécurité privée et un mur est en construction, on a rassuré le personnel. Je n’ai pas eu d’écho de craintes particulières depuis, février, c’est loin”. Quant au choix de ne pas embaucher pour pallier la baisse d’effectifs estivale, il pointe “les ressources de l’État qui ne permettent pas de remplacer toutes les vacances” ainsi que la difficulté à recruter du personnel formé sur de courtes périodes. Il nie en tout cas que la fermeture ait été précipitée : “Cela n’a pas été géré à la dernière minute, on a compris en mai-juin, qu’il était plus raisonnable de faire une suspension pour l’été”.

“C’est une équipe qui a beaucoup souffert”

Pour le reste du site des Chutes-Lavie, qui accueille plusieurs structures liées à la PJJ, les syndicats reconnaissent que la sécurité est en effet de retour. “On a obtenu que nos jeunes ne soient plus confrontés au réseau, se félicite Nicole Quilici. Mais le foyer a été le premier concerné. C’est une équipe qui a beaucoup souffert, et qu’on fait encore souffrir, presque comme si elle était responsable des problèmes qu’elle a rencontrés”. À ses yeux, le fait d’être missionnés provisoirement sur d’autres postes a été vécu “presque comme une sanction” par les salariés. “Au départ, ça leur a été imposé, on a dû intervenir auprès de la direction pour dire que ça ne pouvait pas se faire comme ça, sans concertation”.

Pour ce qui est des résidents du foyer, des jeunes en difficultés, parfois placés là afin de leur éviter une incarcération, la situation a pu être difficile à suivre. “Il a fallu réorganiser les parcours de chacun, c’est très compliqué, déplore la représentante SNPES-FSU. Les éducateurs se sentent dépossédés du suivi éducatif des jeunes, qui sont trimballés sans qu’on se pose la question de comment faire au mieux pour eux”. “On parle tout de même de jeunes qui ont des problèmes de délinquance, je ne pense pas qu’il y ait de traumatisme, il en faut un peu plus pour les déstabiliser”, essaye de tempérer le directeur adjoint par intérim.

Plusieurs mois après le début de la crise, il semble bien que certaines plaies soient toujours ouvertes du côté des salariés, qui reprochent à leur hiérarchie d’avoir tardé à réagir quand les dealers asseyaient leur emprise sur ce lieu censé être sûr pour les jeunes. “Aujourd’hui, la sécurité est effective, notre combat a eu un résultat, mais la direction n’a jamais reconnu que c’est notre mobilisation qui a permis cela. Il a fallu se battre, exercer notre droit de retrait pour leur faire réaliser qu’on mettait en danger les jeunes”, commente Nicole Quilici, amère. De chaque côté en tout cas, l’espoir est réel de voir en septembre le foyer reprendre une activité peut-être pas paisible, mais au moins… apaisée.

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