Audience aux prudhommes pour les lanceurs d’alerte de l’UHU
Après une année mouvementée et un changement de gestionnaire à l'Unité d'hébergement d'urgence, la crise interne qu'a connu la structure passe désormais devant la justice. Quatre ex salariés passaient mardi devant le conseil des prudhommes, ils dénoncent des licenciements abusifs, dans un contexte global proche du harcèlement.
Plus d’un an après le début de la crise ouverte à l’Unité d’hébergement d’urgence (UHU), le conseil des prudhommes de Marseille se penchait mardi pour la première fois sur plusieurs des licenciements survenus dans la structure fin 2015. Quatre salariés, deux veilleurs de nuits et deux éducatrices spécialisées, demandaient à ce que les juges prudhommaux reconnaissent le caractère selon eux abusif de leur éviction par AMS en charge alors de la gestion de la structure. Leurs quatre dossiers étaient planifiés lors de la même audience, à la demande de leur avocat Jérôme Gavaudan. “Bien que les 4 dossiers soient différents, nous avions à cœur qu’ils soient auditionnés en même temps”, précisait son collaborateur un peu avant l’audience. Il s’agissait pour eux de mettre en avant le climat général qui a pu régner dans cette structure d’accueil des sans-abris. D’autres anciens salariés passeront à leur tour devant cette juridiction dans les semaines à venir.
Ces quatre personnes, toutes licenciées entre novembre et décembre 2015, ont été parmi les premières à alerter les autorités de tutelle, Ville et État, sur la dérive de l’établissement et les conséquences de celle-ci sur l’accueil offert aux sans-abris. Ils sont parmi ceux que la députée et ex-ministre Marie-Arlette Carlotti (PS) qualifiait récemment de “lanceurs d’alerte” en demandant leur réintégration.
“On a dit beaucoup de choses …”
Depuis leurs départs, l’association AMS, en charge de l’UHU, a vu la convention qui la liait à la municipalité et à l’État rompue, à la suite des conclusions d’une longue mission d’inspection de la structure qui a soulevé de nombreux manquements. “Le préfet, après enquête, a fait en sorte que les responsables soient débarqués au profits de dirigeants disons plus conformes”, n’a pas manqué de rappeler Jérôme Gavaudan en préambule, évoquant ensuite les “manœuvres” de l’équipe dirigeante d’alors pour se “débarrasser d’une dizaine de salariés (…) pour des motifs futiles”. Le représentant des salariés a évoqué un possible harcèlement des salariés, mais n’a pas poussé davantage pour se concentrer sur les questions de contrats.
L’avocat d’AMS, Jean-Emmanuel Franciz, a pourtant bien rebondi sur le sujet, enjoignant la partie adverse à “ne pas dire n’importe quoi en parlant de harcèlement”. “On a dit beaucoup de choses…”, a-t-il déploré en taclant au passage Marsactu, premier média à avoir évoqué la crise interne à l’UHU. Sur le contexte global et la gestion pour le moins brouillonne de la structure, AMS, désormais lâchée par les pouvoir publics a visiblement choisi de rejeter la faute sur les tutelles. “Il y a surtout une carence de l’État et de la Ville de Marseille dans la gestion de l’UHU. La Ville n’arrive pas à financer le futur UHU qu’elle voudrait, et en attendant, elle ne prend des associations gestionnaires que pour des durées déterminées. Avec la précédente, l’Armée du Salut, ce n’était pas bien mieux”, a chargé l’avocat, qui a insisté sur le fait qu’AMS conserve aujourd’hui ses différents contrats pour de la médiation sociale avec le conseil régional, la Ville ou encore le conseil départemental.
Malgré cette justification globale, Jean-Emmanuel Franciz n’a pas manqué de discuter de chaque cas avec précision, et surtout de souligner la disproportion, à ses yeux, des sommes demandées en dédommagements. Chacun des plaignants demande entre 20 et 30 000 euros au titre du préjudice moral.
“Négligence” ou licenciements abusifs
Les deux premiers litiges concernaient deux éducatrices spécialisées*. La première demandait la requalification de son CDD effectué en remplacement d’un congé maternité, en CDI, estimant que la direction lui avait signifié son échéance de façon arbitraire. La deuxième avait été licenciée pour “insuffisance professionnelle” alors qu’elle était en arrêt maladie, sans jamais avoir reçu de sanction. La direction avait par la suite corrigé ce motif par “cause personnelle”, a précisé Jérôme Gavaudan. Dans les deux cas, s’ajoutaient au recours des problèmes de justificatifs et attestations administratives non fournies par la direction, mettant en difficultés les licenciées. Sur ces questions, l’avocat de l’employeur n’a pas bataillé, reconnaissant une probable “négligence”.
Les deux autres ex-salariés étaient des veilleurs de nuit, accusés par leur direction de faire des vacations dans d’autres entreprises en journée. “Rien n’interdit d’avoir plusieurs employeurs, hors clause de concurrence, et, sans avoir de problème avec la profession de veilleurs de nuit, je ne vois pas bien comment on pourrait parler de clause d’exclusivité”, a argué leur avocat. Un argument qui n’a pas convaincu la partie adverse, “il s’agissait d’emplois à temps plein, un veilleur de nuit est tenu de se reposer”.
“Le contexte de pressions ne pouvait pas ressortir aujourd’hui”
Un nom a par ailleurs fait débat, celui de Gilles Chalopin, ancien directeur, qui a signé la lettre de licenciement d’un des deux veilleurs, mais aussi fourni une attestation versée au dossier, dans laquelle il reconnaît avoir toujours été au courant des différents contrats de ce salarié. Un retournement “qui en dit long sur le climat de pression” pour l’avocat des salariés. L’avocat d’AMS y voit une contradiction : “Dans une association qui fonctionne avec des fonds publics, on ne peut pas faire et dire tout et son contraire”. En froid avec la direction d’AMS, Gilles Chalopin a quitté la direction de l’UHU avant même le changement de gestionnaire.
À la sortie de l’audience, une certaine frustration se lisait sur les mines des quatre salariés. “Ce qu’on a vécu, on ne l’a pas entendu aujourd’hui”, regrette l’une d’eux. “Forcément, le contexte de pressions ne pouvait pas ressortir aujourd’hui, poursuit un autre, on a fait bouclier, on a pris en première ligne pour que les autres puissent rester.” “Une audience comme ça est forcément frustrante”, reconnaît Jérôme Gavaudan, conscient qu’un conseil des prud’hommes n’est pas le meilleur lieu pour démêler les fils d’une histoire douloureuse. Les décisions ont été mises en délibéré pour le 28 avril.
*Les salariés n’ont pas souhaité que leurs noms soient cités dans l’article.
Précision : Marsactu et le quotidien La Provence sont poursuivis pour diffamation par une ancienne salariée d’AMS toujours en poste à l’UHU. Audiencée ce mardi 31 janvier, l’affaire a été reportée à une date ultérieure.
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