Au tribunal, l’annulation de la subvention à SOS Méditerranée vire au “procès politique”

Le tribunal administratif de Marseille. (Photo : Alexia Conrath)

“On fait un procès politique, mais ce n’est pas le cas”, lâche Sandra Blanchard, l’avocate de Lionel Royer-Perreaut, dans la salle des pas perdus du tribunal administratif de Marseille. Ce jeudi 12 septembre, l’instance étudiait le recours déposé en mars 2021 par l’ancien député Renaissance contre une délibération prise par le conseil municipal marseillais la même année. Celle-ci accordait une subvention de 30 000 euros à l’association SOS Méditerranée, qui secourt les migrants en mer. Alors que le plaignant fait état d’un “débat juridique”, la Ville de Marseille et SOS Méditerranée amènent, en défense, l’audience sur le terrain politique.

Dans ses conclusions, la rapporteure avait indiqué pencher vers une annulation “totale ou partielle” de la subvention, pour un seul motif : le manque de définition de l’objet du subventionnement. Comme le rappelle le Conseil d’État dans son décret du 13 mai dernier, la collectivité qui apporte un soutien financier à une organisation doit s’assurer que son aide sera exclusivement destinée à financer des actions de coopération, d’aide au développement ou à caractère humanitaire. “Autrement dit, que cette aide ne sera pas utilisée pour financer les autres activités de cette organisation”, traduit la rapporteure.

Une subvention “sans objet précis”

“Cette association a des activités humanitaires, mais aussi politiques, en tout cas qui ont vocation à intervenir dans le débat public, ce qui est d’ailleurs dans ses statuts”, embraye Sandra Blanchard. Or, le Conseil d’État considère que les collectivités peuvent verser des subventions à des associations ayant plusieurs objets, dont un politique, dès lors qu’elles s’assurent de la destination de la subvention, dans le respect du principe de neutralité. “Dans cette délibération, la Ville ne définit pas précisément l’objet de cette subvention, une action ou un projet en particulier, poursuit l’avocate. Et sans objet précis à la subvention, on ne peut pas la contrôler.”

C’est une activité de nature humanitaire de témoigner de la détresse et de l’urgence de cette situation”.

Sébastien Mabile

Pas de quoi étourdir Sébastien Mabile, à la barre pour défendre SOS Méditerranée. “Cette requête est perçue comme une honte par l’association, lance-t-il en introduction, car elle s’inscrit dans le cadre d’une campagne de harcèlement judiciaire.” L’association est en effet régulièrement la cible de l’extrême droite. Comme le sénateur ex-Reconquête Stéphane Ravier, condamné pour diffamation envers l’ONG, ou l’ancien groupuscule désormais dissout Génération identitaire, dont plusieurs membres ont été condamnés pour des violences lors de leur intrusion dans les locaux de la structure. L’avocat a démenti le fait que l’association poursuive un but politique : “Elle ne fait que témoigner de la détresse des milliers de victimes qui se noient en tentant de quitter la Libye. C’est une activité de nature humanitaire de témoigner de la détresse et de l’urgence de cette situation.” Sébastien Mabile ne compte pas contredire les conclusions de la rapporteure, et annonce en ce sens que l’association a anticipé, et va restituer la subvention à la Ville.

La Ville réassure son soutien

Du côté de la Ville de Marseille, l’avocat Grégoire Ladouari rejoint la défense de SOS Méditerranée, dénonçant une requête “exclusivement politique”. “Je ne vise personne, expose l’avocat, mais ça gêne des gens que des migrants soient sauvés.” Mercredi 11 septembre, la Ville a pris les devants. Elle indique dans un communiqué vouloir présenter à nouveau une délibération devant le prochain conseil municipal en cas d’éventuelle annulation. “Le conseil municipal votera donc le retrait de la décision de 2021 et attribuera une subvention intégrant un fléchage exclusif vers les opérations de sauvetage en mer proposées par SOS Méditerranée“, détaille le texte. “La subvention a toujours été légale, et le sera encore plus dans sa deuxième version“, conclut Grégoire Ladouari.

“La plaidoirie de l’avocat de la ville n’était que politique”, peste, au sortir de l’audience, Lionel Royer-Perreaut. À ses côtés, son avocate lui emboite le pas : “C’est comme ça tout le temps, avec la Ville de Marseille.”  L’ancien député et conseiller municipal d’opposition n’en démord pas : “Ce ne sont pas les contribuables marseillais qui doivent financer ce type d’action. Que les conseillers municipaux de la majorité versent mille euros de leur poche, plutôt que de faire porter ça aux Marseillais !” L’affaire a été mise en délibéré au 26 septembre prochain.

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