Au théâtre Toursky, le directeur Richard Martin s’accroche à ses subventions et à son poste

Actualité
le 2 Fév 2023
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À la tête du théâtre installé à Saint-Mauront depuis 1970, le comédien menace de faire une nouvelle grève de la faim si la municipalité ne restaure pas sa dotation amputée l'an passé de 80 000 euros.

Richard Martin (debout), en compagnie de Christian Poitevin et Patrick Poretti, lors d
Richard Martin (debout), en compagnie de Christian Poitevin et Patrick Poretti, lors d'une conférence de presse le 1er février 2023. Le directeur du théâtre Toursky menace de faire la grève de la faim après que la municipalité a raboté sa subvention de 80 000 euros. (Photo C.By.)

Richard Martin (debout), en compagnie de Christian Poitevin et Patrick Poretti, lors d'une conférence de presse le 1er février 2023. Le directeur du théâtre Toursky menace de faire la grève de la faim après que la municipalité a raboté sa subvention de 80 000 euros. (Photo C.By.)

Le roi Lear en son palais. Il y a quelque chose d’évidemment shakespearien, dans cette énième conférence convoquée par le directeur du théâtre Toursky. Richard Martin, 80 ans cette année, évoque les difficultés financières, les subventions rabotées et, par ricochet, l’avenir de cet équipement culturel dont les murs appartiennent à la Ville de Marseille et qu’il occupe depuis 1970. D’abord à la faveur d’un bail emphytéotique signé sous Defferre, puis via des autorisations d’occupation reconduites depuis l’ère Vigouroux. Comme dans la pièce de Shakespeare, ce qui se joue là, au final, c’est la potentielle succession du vieux souverain dans ce royaume sur lequel il règne avec sa folie douce et son amour de la poésie, depuis 52 ans.

Alors, après une première conférence la semaine passée, les fidèles de Richard Martin se sont une nouvelle fois rassemblés au théâtre, dans le 3e arrondissement, ce mercredi 1er février. Sur la scène de l’espace Léo-Ferré, le directeur du théâtre est secondé par Christian Poitevin, président de son comité de soutien et ancien adjoint à la culture sous Robert Vigouroux de 1989 à 1995, ainsi que par Patrick Poretti, président de l’association des Amis de Richard Martin. Ils sont venus dire leur rejet de la décision de la mairie de Marseille d’amputer, pour le deuxième exercice consécutif, sa subvention à l’égard du théâtre de 80 000 euros, la dotation globale restant néanmoins d’un peu plus d’un million d’euros sur un budget total de deux millions.

Jusqu’au bout “par dignité”

“Je tiens à ce que cet espace continue à vivre et continue avec Richard Martin”, cadre Christian Poitevin. En écho, Patrick Poretti demande que l’on permette au directeur “de continuer à travailler sereinement.” Agacé de souffrir d’un traitre lumbago – mais précisant en préambule n’être “pas malade” de sa voix de stentor – Richard Martin dit ne pas comprendre le choix de l’actuel adjoint à la culture, Jean-Marc Coppola (PCF) de tailler dans sa subvention. “Il était comme un frère, je l’aimais”, souffle le comédien avec lyrisme. Avant de promettre, moins ému, mais pas moins théâtral, d’aller jusqu’au bout dans son combat “par dignité” et d’entamer une grève de la faim “d’ici la fin de la semaine” si aucune solution n’est trouvée.

Les gens ont peur que je m’engage dans une aventure qui finira mal… Mais j’en ai marre que l’on prenne les saltimbanques pour des kleenex.”

Richard Martin

Les mêmes causes entraînant les mêmes effets : l’épisode en rappelle d’autres. Par le passé, Richard Martin est déjà entré “en résistance” contre les institutions, jeûnant pour faire entendre sa voix. Comme en 1981 (absence de subvention du ministère de la Culture) grève durant laquelle, avec un sens certain de la mise en scène, il s’était fait suspendre à la façade du théâtre, comme en 2009 (suppression des aides de la DRAC) et comme en 2019 (baisse des subsides municipaux), “l’éternel saltimbanque”, comme il se définit lui-même, demande à la mairie de revenir sur sa décision et d’éclaircir sa position à l’égard de l’établissement. Sans quoi, il cessera une nouvelle fois de s’alimenter : “Les gens ont peur que je m’engage dans une aventure qui finira mal… Mais j’en ai marre que l’on prenne les saltimbanques pour des kleenex.” 

Quatre licenciements

Un communiqué diffusé sur la page Facebook du théâtre, signé de Christian Poitevin, évoque des “conséquences brutales” sur la structure avec cette perte de 80 000 euros. Le théâtre “a dû supprimer quatre postes de permanents pour raison économique, entre décembre 2022 et début 2023 et la programmation de la saison 2023-2024 a été réduite”, affirme la directrice et administratrice du lieu, Françoise Delvalée.

Piqué, Jean-Marc Coppola dit douter “que la suppression de ces 80 000 euros ait entraîné ces quatre licenciements.” Quant à la menace d’une quatrième grève de la faim, l’élu s’émeut d’une “réaction excessive, disproportionnée”.

Je n’ai pas parlé de succession, mais de transmission. Comme ailleurs, elle devra se faire dans la transparence.

Jean-Marc Coppola

Mais aux yeux de la direction du théâtre, il y a plus grave que ce rabotage de l’enveloppe municipale. Ce que Richard Martin, comme Françoise Delvalée, et leurs soutiens ne digèrent pas, c’est que Jean-Marc Coppola ait pu évoquer le devenir du lieu, à la veille d’une table ronde devant réunir le 25 janvier des représentants des financeurs (Ville, région, État, département…) et la direction du théâtre, dans l’enceinte du Toursky. “Pour préparer cette table ronde, avec l’ensemble des partenaires, j’ai demandé à la direction de lister ses projets, ses perspectives de façon à ce que chacun ajuste ses moyensÉ, pose l’élu. ÉJe n’ai pas parlé de succession, mais de transmission. Comme ailleurs, elle devra se faire dans la transparence. Et ce pour protéger la Ville, comme l’association”, précise encore l’adjoint. Cette demande a généré l’ire du fondateur du Toursky. Il a battu le rappel de ses soutiens, assurant que la Ville voulait l’éjecter du lieu qu’il occupe et gère. Dans la foulée, la réunion, elle, a été annulée.

L’âge du capitaine

“Il [Coppola] m’a dit que j’étais vieux !”, s’emporte Richard Martin. Lui confesse ne s’être jamais senti aussi jeune et déborder de projets. “Je sais qu’un jour je n’existerai plus. Mais je mènerai ma mission jusqu’à ce que je ne puisse plus. À ce moment-là, j’arrêterai. Tout est prêt”, explique-t-il. Le fait que l’on évoque ainsi “l’âge du capitaine”, comme l’écrit Christian Poitevin dans son communiqué, passe mal. Les proches de Richard Martin accusent sans détours Jean-Marc Coppola, et “ses technocrates de la culture” caricaturés en “caniches” par un défenseur du comédien, de vouloir “s’ingérer dans le fonctionnement de l’association indépendante” qui pilote le théâtre. Et on le sent bien, sur la scène comme dans les rangs des amis venus prêter main forte ce mercredi, la notion de passation de pouvoir à la tête du Toursky reste encore taboue.

Au micro, Richard Martin se demande si tous ces maux ne sont pas la conséquence “de [ses] engagements anarchistes.” En 2020, l’artiste figurait surtout sur la liste divers-droite pilotée par Bruno Gilles dans les 2e et 3e arrondissements aux municipales. Désormais conseiller d’arrondissements d’opposition dans les 2/3, il fait, à demi-mot, des décisions municipales à son endroit une basse vengeance politique. Jean-Marc Coppola évacue la question d’un soupir las. Mais reste ferme. Tant qu’une table ronde en bonne et due forme ne se tient pas, les subventions de la municipalité octroyée au Toursky ne bougeront pas d’un iota. Ce vendredi, l’adjoint doit recevoir le président du conseil d’administration du théâtre pour trouver une sortie “par le haut” à cette crise, jusqu’à la prochaine.

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Commentaires

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  1. mrmiolito mrmiolito

    Il y a là matière a une belle pièce pagnolesque !

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  2. Pussaloreille Pussaloreille

    Une petite interview de Richard Martin, expliquant comment il voit la suite, puisque « tout est prêt », aurait été bienvenue. Il n’a pas voulu prendre Marsactu au téléphone ?

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    • Coralie Bonnefoy Coralie Bonnefoy

      Au théâtre Toursky, hier, Richard Martin – interrogé par Marsactu, comme d’autres journalistes présents sur place – n’a pas donné de détails plus avant sur une éventuelle passation de pouvoir à la tête du théâtre. Il précisera les modalités de cette succession quand le moment sera venu, a-t-il expliqué en substance. Nous ne manquerons évidemment pas de vous en tenir informés.

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  3. Manipulite Manipulite

    Que c’est drôle ! Retenez-moi ou je fais un malheur avec l’argent public qui m’est évidememment dû. Et pas un coup de main de Bruno Gilles, Horizons, Renaissance, LR… ?
    ça finira comme la secte du temple solaire. Espérons que Coppola tienne sa ligne.

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  4. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Il est temps que ce grand gourou s’en aille

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  5. Vand Vand

    Franchement vu comment il est quillé dans ses interventions chaque fois que je l’entends parler au Toursky, je crois qu’il est un excellent argument pour la retraite à 60 ans. Il est grand temps que lui et son ego laissent la main à quelqu’un d’autre, j’étalonne l’ennui à chaque fois que je l’entends soliloquer en ouverture de soirée…

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  6. Khambalia Khambalia

    J’espère que la mairie ne va pas céder une nouvelle fois aux délires mégalomanes et paranoïaques de ce directeur en perdition, et de son fan-club – de plus en plus réduit au fil des années il est vrai.

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  7. Alceste. Alceste.

    Richard Martin voudrait dans Marseille, fille de Phocée, écrire sa propre tragédie non pas façon “puzzle” mais plutôt grecque. Entrer dans la mythologie héllenique par ordre alphabétique entre Lysippé ( la reine des Amazones) et Mars ( dieu de la guerre) est d’un ridicule pour un théatreux qui ne fût que le Pulcinella de la Commedia dell’arte dans le meilleur des cas.

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  8. pierre b pierre b

    Il nous fatigue…
    Il a son royaume depuis un demi siècle… solitaire, et payé sur les fonds publics.
    Peut être qu’il souhaite comme Molière mourir sur scène…???

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  9. polipola polipola

    Si seulement !

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  10. X Y X Y

    Pathétique. En plus, il doit manifester contre la retraite à 64 ans…

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  11. jo147 jo147

    Sa subvention baisse de 80.000€ mais il en reste combien au final ? On peut savoir ? Et du ministère ? Et des collectivités locales ?
    Parce qu’on focalise un peu le débat (et les commentaires) sur la personne de Richard Martin, mais ce qui m’intéresse, c’est comment on finance la Culture (et le reste) dans cette ville.

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    • Lisa Castelly Lisa Castelly

      Bonjour, comme indiqué dans l’article, la subvention de la Ville reste autour d’un million d’euros, pour un budget global de 2 millions d’euros.

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  12. Alceste. Alceste.

    Combien de créations par année au Toursky pour 2 millions d’euros?.

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    • polipola polipola

      oh beaucoup, le directeur est en perpétuelle création..

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    • RML RML

      C’est bien la question! Ou va tout cet argent public?

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  13. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    J’ai arrêté de lire à “des engagements anarchistes sur la liste de Bruno Gilles” 😂

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  14. Adampollo_27 Adampollo_27

    Que la mairie tienne bon. Au vu de la photo, un petit régime ne lui fera pas de mal.

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  15. MarsKaa MarsKaa

    J’ai adoré aller au Toursky pendant des années (années1990-debut 2000). Nous allions en couple, entre amis, en famille… Abonnement renouvellé avec joie pour la programmation et avec militantisme pour la culture dans un quartier populaire.
    Et puis… je me suis lassé. Notamment des grèves de la faim, des discours egotonitruants, de l’autosatisfaction et de l’entre-soi.
    Des problèmes de parking aussi. De la misère autour aussi (mauvaise conscience : nous allions au chaud nous distraire pendant qu’autour, au bord, des gens crevent de faim, de froid, de manque d’hygiène…).
    Lire que Richard et son petit groupe de fidèles avancent toujours les mêmes phrases creuses, à coup de saltimbanques, poètes, greve de la fin, anarchistes… pffff… quand on le voit copain avec Muselier, sur la liste de Bruno Gilles, avec la droite locale, tournant le dos à la Gauche, qui l’a soutenu pendant des années… (tous les gens qui étaient abonnés au Toursky autour de moi etaient tous coco, socialo, militants syndicaux ou feministes..).
    Et puis ces gens qui se croient indispensables et ne lâchent pas leur fonction, leur pouvoir… pfff…

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    • RML RML

      Tout est dit

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  16. Mistral Mistral

    52 ans à la direction du théâtre… il est temps effectivement de passer la main et de parler de projet et non de personnes.
    La subvention municipale d’1 million sur 2 millions de budget mais pour combien d’autofinancement ? Et combien d’argent public par place de théâtre et pour quel public ? Certainement pas les habitants du quartier !

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    • Alceste. Alceste.

      Pourquoi cette restriction au sujet des gens du quartier ?.

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  17. jacques jacques

    On pourrait lui suggérer de ne plus envoyer tous azimuts un programme hyper luxueux imprimé en quadri sur papier glacé. Internet le remplacerait avantageusement et il ne serait pas obligé de nous refaire le coup de la grève de la faim.
    30 ans de fidélité au Toursky, je commence à être las de ses gémissements d’anar incompris.
    Et à chaque repas d’après spectacle (quand c’était convivial a la grande table): ” dis, toi qui connais untel ou une telle, tu pourrais pas suggérer une petite subvention?”
    Pas dégoutté du théâtre,non, mais du cirque Martin,oui.

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  18. didier L didier L

    52 ans à la tête d’un théâtre faut le voir pour le croire … R.M délire sur lui-même et cela ne s’arrange pas en vieillissant. Un anar sur la liste Bruno Gilles là aussi faut le voir pour le croire … Les anars ne s’accrochent ni au pouvoir ni à l’argent me semble-t-il, savoir passer la main est le signe des ” grands”, là, RM frôle le pathétique. 80 000 euros sur un budget de 2M je rêve ! Faudrait détailler la part de création dans ce budget à faire rêver des structures moins riches. J’allais assez souvent au Toursky dans les années 80, 90 beaucoup moins, presque plus depuis 10/15 ans … Pourquoi !

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  19. Thierry A Thierry A

    Rien à dire, tout est dit!

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  20. PierreLP PierreLP

    Il me fait penser à Pépé dans Asterix en Hispanie “puisque c’est comme ça je retiens ma respiration “

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  21. Alain Dex Alain Dex

    J’ignore le statut exact du Toursky, mais c’est normal un règne aussi long ?

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