Au port de Fos, l’accès au fleuve n’est pas tranquille

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le 7 Mai 2014
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Au port de Fos, l’accès au fleuve n’est pas tranquille
Au port de Fos, l’accès au fleuve n’est pas tranquille

Au port de Fos, l’accès au fleuve n’est pas tranquille

30h. C’est le temps moyen qu’il faut à une barge pour relier Fos à Lyon. En 2013, la voie du fleuve représentait un conteneur sur dix traité dans les bassins ouest du Grand port maritime de Marseille. Deux opérateurs fluviaux y opèrent : Green Modal – filiale de CMA-CGM – et Logirhône, créé en 2008 par la Logiseine. A eux deux, ils ont traité 80 000 conteneurs en 2013 pour un volume de 3,1 millions de tonnes. Une goutte d’eau dans la Méditerranée. A titre de comparaison, le trafic de marchandises sur la Seine dépasse les 20 millions de tonnes.

Pourtant depuis dix ans, le trafic fluvial de Fos a été multiplié par quatre. Pour les marchandises en provenance ou à destination de Rhône-Alpes, il représente un quart des clients. Six navettes parcourent le fleuve chaque semaine. Chronophage, ce mode de transport tente d’être compétitif au niveau tarifaire avec la route et le rail, ses principaux rivaux. Peu gourmandes en carburant, les barges permettent aussi à certains d’économiser sur le stockage des biens. Reste le coût de la manutention.

L’argument vert de l’eau douce

“Les tarifs sont plus ou moins similaires”, commente Benoit Mugnier, directeur de projets transport pour Easydis, filiale logistique de Casino, qui expédie 500 conteneurs par an par le Rhône. La marchandise, non-alimentaire, est acheminée vers les entrepôts du groupe à Saint-Etienne et Vienne. Quant aux motivations de ce report modal, Benoit Mugnier évoque les “engagements environnementaux” du groupe de grande distribution. “Dans le rapport annuel, on indique le nombre de conteneurs transportés par mode alternatif”, ajoute-il, avant de préciser toutefois qu’“en cas de retard, on rattrape par la route”. Pour les grands groupes, le fluvial sert encore souvent de faire-valoir vert plus que de véritable moyen de transport. En plus des marchandises classiques, sont également acheminées des céréales vers un terminal spécialisé près de Port-Saint-Louis et des produits chimiques vers Lavéra.

Pour attirer les clients, le port a créé en 2008 Medlink, un réseau avec dix homologues rhodaniens et méditerranéens. Objectifs : mettre en commun la promotion, le service clients et le conseil technique. “La logistique fluviale demande une autre organisation”, argumente Régis Martin, responsable du report modal et des plateformes intérieures au GPMM. Afin de valoriser cette compétence spécifique, Medlink ports a labellisé au début du mois huit chargeurs, c’est-à-dire des opérateurs de manutention. Surtout, une procédure douanière fluvio-maritime a été mise en place par les directions régionales des douanes de Marseille et Lyon. Ce dispositif permet de gagner du temps en effectuant un seul contrôle dématérialisé.

A terme se posent des questions techniques. “On sait que le Rhône peut absorber au moins trois fois le volume actuel, s’enthousiasme Alain Maliverney, responsable d’agence à Logirhône, une des deux sociétés qui naviguent sur le fleuve. Mais il ne faudrait pas que cela fasse un goulet d’étranglement”.  En effet, les infrastructures sont loin d’être adaptées à l’affluence de convois fluviaux. Si un canal relie l’embouchure du Rhône au port, les barges arrivent dans la darse 1 et doivent rejoindre la darse 2 où se trouvent les terminaux à conteneurs. Pour ce faire, elles doivent traverser le premier bassin, passer près des navires pétroliers, emprunter un passage délicat en eau profonde puis croiser les porte-conteneurs.

De 39 à 76 millions pour un nouveau canal

Sur les cartes du port, figure déjà le projet de raccordement fluvial entre la darse 2 et le canal du Rhône. Problème : il doit traverser une zone riche en biodiversité. La direction du port est en négociation avec l’association écologiste Nacicca sur le tracé de cette “liaison” de 3,5 km (pour 40 mètres de large) qui ferait gagner 1 h 30 de trajet aux barges. “Bien sûr, nous sommes pour le report modal. On demande juste que soient proposés des tracés alternatifs”, explique Sophie Camard, conseillère régionale EELV qui suit de près le dossier avec les associations. Au-delà, la construction de plateformes logistiques, le long de cette liaison, souhaitée par le port, qui inquiète les écologistes.

Les différentes hypothèses chiffrées par le port oscillent entre 39 millions d’euros pour le tracé initial et 76,8 millions pour l’option la plus longue. Aucun calendrier n’est arrêté pour ce projet qui était déjà dans le contrat de plan Etat-Région (CPER) 2007-2013 pour un montant global de 36 millions. Le port devait alors participer à hauteur de 4 à 6 millions, à côté de l’État et du conseil régional. Ce projet fait partie de la maquette du nouveau CPER, en cours de négociation, avec une actualisation à 60 millions.

Selon les projections du port, le trafic fluvial pourrait atteindre 8,5 millions de tonnes à l’horizon 2025 avec cette liaison, contre 6 millions sans. Dans un contexte d’effondrement du volume des hydrocarbures, le fluvial, s’il est relativement marginal pour le moment, s’inscrit pleinement dans le repositionnement stratégique du port sur les conteneurs. Le budget en moins.

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Commentaires

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  1. JL41 JL41

    La vocation logistique de Fos et des communes qui entourent le site, assez tôt gagnées à la logistique, comme Arles et St-Martin-de-Crau (hors métropole première mouture), se confirme. Un article de Paul Molga dans les Echos fait le point sur la reconversion vers la logistique des deux anciens sites industriels de LyondellBasell à Fos : http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/auto-transport/actu/0203484436253-a-fos-sur-mer-lyondellbasell-mise-sur-l-essor-du-transport-669984.php
    L’accroissement des surfaces logistiques sera important. Cette évolution devrait s’enchaîner avec un accroissement du trafic de conteneurs d’import destinés au dépotage dans ces entrepôts. Il existe déjà une enseigne à Marseille, dans le domaine de la quincaillerie pour les familles, qui ne vend quasiment que des produits chinois.
    L’accroissement du trafic fluvial de conteneurs concernera plutôt le transit de conteneurs vers et depuis Lyon et au-delà. Mais on peut imaginer faire davantage de conteneurs de groupage lorsque la marchandise et la chaîne logistique peuvent supporter cette séquence lenteur, pour décharger la route. La liaison fluviale avec Fos ne sera vraiment achevée que lorsque ce canal sera percé, avec tout de même une heure et demie de gagnée. Mais l’urgence peut être tempérée par une estimation sérieuse des trafics à attendre sur le Rhône.
    L’approvisionnement des grandes surfaces et des magasins spécialisés après dépotage à Fos et autour, se fait plutôt par camions avec des livraisons échelonnées, au sein d’un espace qui peut comprendre tout l’arc méditerranéen ou la région lyonnaise.
    Les entrepôts intermédiaires parfois utilisés au sein de cet espace, sont souvent reliés au fer et pourraient sans doute être davantage approvisionnés par ce mode, moins performant dans le « juste à temps » et dont l’utilité n’est souvent envisagée qu’en cas de blocage des routes.

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  2. MG MG

    1h30 de gagnée sur un trajet Fos-Lyon de 30h, c’est dérisoire ! l’intérêt de ce canal sera davantage de sécuriser le trafic fluvial vers la darse 2, en évitant aux barges une dangereuse incursion dans le golfe de Fos…
    Mais il ne faudra pas espérer d’augmentation exponentielle du trafic fluvial avec un hinterland aussi réduit que l’axe Rhône-Saône; si “le trafic de marchandises sur la Seine dépasse les 20 millions de tonnes”, c’est bien parce que l’agglomération parisienne se trouve dans le couloir desservi, et Lyon n’est pas Paris !
    Dans les années 1960, il y avait un projet de canal devant relier les couloirs rhodanien et rhénan et ainsi faire de Fos la porte d’entrée méditerranéenne du coeur de l’Europe, mais il a été torpillé en 1997 par une députée-ministre pseudo-écologiste, davantage préoccupée par la satisfaction de sa clientèle électorale NIMBYste dans le Jura que par un soutien devenu vital aux transports alternatifs à la route; aujourd’hui, c’est plus de 80% des conteneurs transitant par Fos qui sont transportés par camion, ce qui rajoute à la pollution de l’air de la zone, qui est déjà la pire de France ! En l’état actuel des choses, le canal du Caban ne va pas changer grand-chose à la desserte du pôle conteneurs de Fos; pour radicalement changer la donne, il nous FAUT le canal Rhin-Rhône (aujourd’hui rebaptisé Saône-Rhin-Saône-Moselle) !!

    @JL41 : la reconversion du site de Berre en zone logistique serait un gâchis, alors que nous avons une occasion unique d’y favoriser l’émergence d’un vaste pôle industriel d’avenir centré sur la chimie verte, les énergies renouvelables et la filière hydrogène; nous avons un site idéalement placé, une infrastructure en partie dédiée à cette activité, et une main-d’oeuvre qualifiée dans ce domaine ! Pourquoi ne pas développer à Berre l’exploitation de la biomasse marine pour les bio-carburants de troisième génération (algues), la chimie verte, les énergies renouvelables (par exemple des panneaux solaires sur les anciens Salins de Berre, ou à la place de certains réservoirs), voire à terme la filière hydrogène ? On ne va pas continuer à faire de la logistique à Berre alors que les sites de Fos ne tournent pas à plein, et qu’il reste des espaces disponibles dans les zones existantes de la Feuillane et Distriport…

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  3. rl rl

    il nous FAUT le canal Rhin-Rhône (aujourd’hui rebaptisé Saône-Rhin-Saône-Moselle) pas plus !!!

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