Au piémont de l’Étoile, l’urbanisation doit composer avec le patrimoine agricole

Échappée
le 5 Jan 2024
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Les habitants de Château-Gombert sont appelés par la métropole à donner leur avis sur de possibles modifications du plan d'urbanisme. À la Bétheline, par exemple, on s'interroge sur le devenir d'anciennes terres maraîchères. Comment faire grandir la ville sans entamer un précieux capital écologique et agraire?

Zone maraîchère bordant le chemin des Xaviers, à Chateau-Gombert. (Photo : C.By.)
Zone maraîchère bordant le chemin des Xaviers, à Chateau-Gombert. (Photo : C.By.)

Zone maraîchère bordant le chemin des Xaviers, à Chateau-Gombert. (Photo : C.By.)

La chèvre est perchée sur le mur. À deux mètres de hauteur, elle surveille avec un flegme tout caprin les allées et venues des voitures sur cette portion du chemin des Xaviers (13e arrondissement). À quelques centaines de mètres du noyau villageois de Château-Gombert, la zone dite de la Bétheline – que traversent les étroits chemins des Xaviers et de la Bétheline – fait partie de celles sur lesquelles la métropole Aix Marseille Provence mène jusqu’au 31 janvier une concertation en vue de la modification n°4 du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Et cette chèvre, comme de belles plantations d’oliviers ou des restes de terres maraîchères qui ponctuent le coin, témoigne d’une activité agricole encore présente.

Ici, comme dans d’autres endroits de la métropole, les habitants sont invités à se prononcer sur le devenir urbanistique de plusieurs parcelles. Constructibles ou non ? Pour y voir s’ériger quel type de constructions ? Et alors, quid des équipements, des voies d’accès ? Dans ce secteur du piémont de l’Étoile, trois espaces sont dans le viseur des services métropolitains : des étendues, partiellement boisées, le long du chemin de Palama, des prairies et des oliveraies à la Claire (zone dite des Paranques), et enfin 13 hectares potentiellement urbanisables à la Bétheline, notamment autour d’un ancien monastère de frères missionnaires aujourd’hui désaffecté. Dans le fascicule qu’elle diffuse pour inviter les habitants à s’exprimer, la métropole pose l’équation : “Cette réflexion devra associer les enjeux du logement, de la production agricole et de la préservation de la biodiversité.”

La zone dite de la Bétheline, identifiée par la métropole à Château-Gombert (13e arrondissement). (Document : métropole Aix Marseille Provence)

“Le PLUI, tu connais?”

Depuis sa voiture blanche, Frédéric Pinatel interpelle un habitant : “Le PLUI, tu connais?” Réponse négative du Gombertois. Au grand dam du président du CIQ de Château-Gombert. “C’est dommage, râle Frédéric Pinatel. Nous on fait du ramdam pour que les gens participent à cette concertation. Mais ils ne prennent pas toujours le temps et sont un peu centrés sur eux-mêmes. Pourtant, il faut être vigilant.” Ce que craignent les représentants des habitants comme la peste (sinon plus) ? “Que la ville ouvre le secteur à des permis pour la construction d’habitats collectifs”, répondent Frédéric Pinatel et Gérard Long, également membre du CIQ gombertois, plus spécifiquement en charge des questions d’urbanisme.

 Il ne faut pas oublier que Château-Gombert a été l’un des ventres de Marseille.

Gérard Long, membre du CIQ de Château-Gombert

Ici, la ville est toute proche. Depuis certains points de vue, Notre-Dame de la Garde se découpe en majesté sur l’horizon . Mais, entre pinèdes encore denses, garrigue et terres maraîchères, le tumulte du centre-ville semble si loin. “Il ne faut pas oublier que Château-Gombert a été l’un des ventres de Marseille”, rappelle Gérard Long. Quel devenir alors pour ce passé nourricier, peu à peu grignoté par la ville?

Tiers-lieu agricole

La question se noue notamment autour de l’ancien monastère de la Bétheline : sur plus de 20 hectares s’égaye une très belle bastide prolongée d’une chapelle aujourd’hui désacralisée, un bâtiment semi-récent (l’ancienne maison de retraite des missionnaires) et des hangars agricoles. Une grande partie des lieux – actuelle possession d’un promoteur – est en cours de rachat par la fondation Proman, dans l’optique de créer là un “tiers-lieu” agricole. “Il s’agit d’un projet de développement de l’activité agro-écologique, avec du maraîchage, de l’oléiculture, de l’activité pastorale. Mais ce sera aussi un lieu d’expérimentation agricole avec des startups réfléchissant à l’agriculture de demain, une ferme pédagogique et un site de formation”, détaille Arnaud Castagnède, de la société Tekio, qui va assurer l’assistance à maîtrise d’ouvrage et l’ingénierie du projet.

L’ancien monastère de la Bétheline à Château-Gombert. (Photo : C.By.)

Pour apaiser les craintes des riverains du chemin de la Bétheline, Arnaud Castagnède – par ailleurs directeur du Cloître et fondateur d’Acta Vista – prend bien soin de préciser qu’il n’est “pas question d’un quelconque projet immobilier” et que “pas un mètre carré supplémentaire ne sera construit sur le site” puisque l’espace est classé zone agricole. Il voit même là “l’occasion de faire revivre un patrimoine agricole qui était encore en exploitation il y a 30 ans.”

Inquiétude des riverains

La Ville de Marseille et la métropole soutiennent le projet. “Nous travaillons en bonne intelligence. La mairie, en accord avec la métropole, a décidé de ne pas créer de logements ici. Nous nous retrouvons tout à fait sur ce sujet de sanctuarisation de certains espaces agricoles et sur la volonté de construire une ville plus verte, plus sensibilisée au vivant”, souligne Aïcha Sif, adjointe au maire notamment chargée de l’agriculture urbaine. Même écho chez Laure-Agnès Caradec, conseillère métropolitaine déléguée au PLUI et à l’urbanisme, qui complète : ” Il y a 20 ans, les enjeux climatiques n’étaient pas une priorité. Désormais on fait nos choix en fonction de ces changements qui sont vécus comme prioritaires. Comme c’est le cas pour la place de la nature en ville ou l’agriculture urbaine.”

Gérard Long et Frédéric Pinatel, du CIQ de Château-Gombert, encadrent Jean-Pierre Capirchia, un riverain du chemin de la Bétheline. (Photo : C.By.)

Il n’empêche, Jean-Pierre Capirchia, voisin de l’ancien monastère, garde lui un œil sur le site comme on couve le lait sur le feu. Son terrain jouxte une large portion du foncier qui appartient encore au promoteur immobilier. “Sous l’ancienne mairie, il y a eu projet où ils rasaient tout sauf la chapelle et ils construisaient 50 villas là. Heureusement ça a été abandonné”, s’émeut-il. “Avec la concertation, forcément cela génère des inquiétudes. La peur c’est que ce soit urbanisé jusqu’à la colline.” Le Gombertois a demandé à la mairie l’autorisation de pouvoir couper son terrain en deux, pour construire une villa pour sa fille. Il s’est vu refuser son permis “au motif que le chemin de la Bétheline ne fait pas 5 mètres de large et que cela allait générer un surcroît de trafic.” Il le regrette. Car dit-il, le projet de tiers-lieu agricole “amènera, lui, entre 30 et 50 voitures jours sans que ça ne pose de problème.”

Une chèvre monte la garde chemin des Xaviers à Château-Gombert. (Photo : C.By.)

Voies d’accès saturées

Au pied du massif naturel de l’Étoile, les anciennes exploitations agricoles ont été peu à peu rattrapées par une urbanisation de résidences pavillonnaires, de toutes formes et toutes époques. Le long du chemin des Xaviers voisinent des demeures années 30, de modestes fermettes ou des villas, récentes et cossues, d’inspiration californienne, avec piscine. L’ambiance est plus au large 4×4 qu’à la citadine deux portes. Dans ce défi d’équilibre à trouver entre la nécessité de construire et la préservation des terres, l’accessibilité pèse lourd. Or ces chemins et traverses, que bordent d’épais murs — parfois surmontés d’une chèvre qui veille — ne peuvent pas nécessairement être élargis. Dans son appel à concertation, la métropole elle-même note que les transports en commun, dont elle a la charge via la RTM, sont “trop peu développés” et que “les voiries sont saturées”.

 

Il faut faire la part des choses. On a besoin de paysans en ville, mais aussi de logements !

Aïcha Sif, adjointe au maire de Marseille

Éric Méry, le conseiller municipal spécial délégué à l’urbanisme à la mairie de Marseille, abonde : “Sur les différentes zones à urbaniser du piémont de l’Étoile, il y a une vraie problématique d’accès. À la Bétheline, nous sommes loin de tout avec un chemin des Xaviers qui fait deux mètres de large. Il est très difficile d’y imaginer le moindre développement résidentiel.” Pourtant, l’impératif de construction s’impose aussi à cette partie de la ville. Et la sanctuarisation de toutes les terres concernées par la concertation ne semble pas au menu. Même Aïcha Sif, dont la préservation des espaces agricoles est l’un des chevaux de bataille, le souligne : “Il faut faire la part des choses. On a besoin de paysans en ville, mais aussi de logements !”

Sur l’étroit chemin, Josette promène son chien, “tous les matins”. Doudoune sombre et brushing soigné, la dame n’a pas entendu parler de la concertation. Pour autant, l’idée que des portions du voisinage s’ouvrent à la construction ne la choque pas. “Mais pas pour faire n’importe quoi. Des villas, oui. Du logement social, non. Parce qu’on ne sait pas qui ça fait venir dans le village”, lâche la retraitée. De manière plus nuancée, Gérard Long du CIQ de Château-Gombert plaide pour une “urbanisation raisonnée, qui permettrait par exemple aux propriétaires de larges parcelles de construire une autre maison sur leur foncier”. Il ne s’agit pas, jure Frédéric Pinatel le président du CIQ, de prévenir l’arrivée “de nouvelles populations” dans le quartier. Mais ce choix, de fait, sonnerait comme une manière de cultiver l’entre-soi.

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Commentaires

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  1. Christian Christian

    En quelques décennies le trio maléfique Defferre-Vigouroux-Gaudin a déjà trop bâti n’importe où n’importe comment, en bétonnant de bonnes terres agricoles.
    Or il est FAUX de prétendre que c’est nécessaire pour continuer d’urbaniser la ville.
    Car il existe dans Marseille des dizaines de milliers de vieux petits immeubles dépourvus de valeur architecturale que l’on pourrait remplacer par des immeubles un peu plus hauts avec zone végétalisée, en relogeant sur place es résidents et en en accueillant d’autres.
    Il y a aussi des friches industrielles pas toutes polluées.

    Par contre un des motifs d’opposition cités dans l’article est irrecevable, car c’est de la ségrégation sociale.

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    • RML RML

      On detruit des petits immeubles?? Et on vire les populations?
      C’est votre vision hausmanienne de l’urbanisation?

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    • julijo julijo

      effectivement, mais je pense, christian, que votre idée très bonne reste cependant à affiner. il y a énormément d’immeubles quasi inoccupés dans la ville, et que dire des multiples m2 de bureaux à louer vides, là encore on pourrait facilement les transformer en appartements. ( je doute que la volonté “politique” existe.)
      et laisser les terres agricoles tranquilles.

      en même temps, la ségrégation sociale qui préside l’urbanisation éventuelle de cet arrondissement proche d’allauch est inadmissible.
      la “culture de l’entre soi” est une des caractéristiques principales de cet endroit.
      les désirs de certains ciq sont franchement à gerber.

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  2. jacques jacques

    On peut classer tous les CIQ dans le même sac, celui des rabougris qui ne veulent que rien ne vienne déranger leur petites vies rabougries(“on sait bien qui cela ramène!”) Et dans le tas combien de permis de construire frelatés, combien d’agrandissements et de piscines non déclarés?

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    • Alceste. Alceste.

      Cela est vrai que les CIQ sentent un peu la naphtaline, mais que dire de la solution miracle préconisée par les bobos de service, et qui réside dans l’ association d’un tiers-lieu et de startups ,association qui sent bien l’enfumage avec l’inclusion des professionnels associatifs pour objectif .

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    • Alceste. Alceste.

      Cela marchera peut être avec des gens issus du “privé” comme PROMAN et il faut l’espérer. Osons et souhaitons qu’ils ne se lancent pas dans un projet fumeux comme celui sis sous les lettres MARSEILLE au nord de Marseille et qui s’est terminé lamentablement en eau de boudin.

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    • julijo julijo

      sous les lettres “marseille” c’est le fumeux projet foresta “yes we camp”….ancien maintenant. ( il y avait giocanti, non, dans le projet ?)

      quel rapport avec la fondation proman et tekio ????
      à part le fait que vous ne croyez jamais à rien.

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  3. Alceste. Alceste.

    Giocanti🤣🤣🤣🤣🤣🤣,toujours l’air bronzé.
    Proman,relisez l’article.
    Croire en quoi ? ,avec les fumistes que nous avons en place . 20 à 30 années de retards dans à peu près dans tous les domaines gérés par soit la métropole, le département ou encore la région.
    Concernant Marseille, à part la pose de plaques, les “tiers-lieu” rien n’intéresse le Benoît.Et le mot économie lui est totalement inconnu.
    Alors oui,croire à qui,à quoi?

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  4. Christian Christian

    @RML qui m’écrit : “On detruit des petits immeubles?? Et on vire les populations?” au sujet de ma suggestion de cesser de sacrifier des terres agricoles et des espaces verts, et s’occuper plutôt de transformer les milliers de vieux petits immeubles sans valeur architectural, EN RELOGEANT SUR PLACE LES RESIDENTS ET EN EN ACCUEILLANT D’AUTRES.
    Vous avez lu trop vite mon texte.

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  5. Mistral Mistral

    Avant de détruire des terres agricole pour construire des villas et des piscines, il faudrait commencer par réhabiliter tous les logements insalubres, voire détruire certains immeubles insalubres dont les occupants ont déjà été évacués. Il est aussi envisageable d’élever d’un étage certains immeubles et on pourrait également recenser tous les immeubles dont les combles sont aménageables.
    Les zones pavillonnaires sont beaucoup trop consommatrices de terres cultivables mais aussi d’énergie (transports, chauffage…), il vaut mieux construire sur des zones déjà bétonnées et bénéficiant déjà des services de transports, de voirie…

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