Tolérance zéro et vitre brisée : pourquoi Marseille n’ose pas

Billet de blog
par Lagachon
le 2 Fév 2015
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Cette troisième réflexion de la trilogie new-yorkaise est inspirée par le mythe de la politique Giuliani (revenir au menu pour consulter les deux autres billets)

Après Ellis Island et Cabaret, on est plus terre à terre avec Giuliani, le maire et la politique qui ont transformé une ville bien plus dangereuse que Marseille en la métropole la plus sûre d’Amérique. Quelles en sont les grandes lignes et surtout pourquoi Teissier, Tian, Gilles et même Boyer etc ne peuvent pas y arriver dans l’état actuel des choses à Marseille ?

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New-York a connu une modification profonde sous les mandats de Rudolph  Giuliani entre 1994 et 2001 alors qu’elle était régulièrement citée depuis des décennies comme l’exemple à ne pas suivre. On retient souvent de lui la fameuse « tolérance zéro » et la théorie de « la vitre brisée », la première a largement été importée dans les discours politiques français, la seconde un peu moins. Elle soutient que la détérioration apparente encourage les comportements irrespectueux. Très concrètement, on va plus facilement aller piquer quelque chose dans une voiture dont les vitres sont déjà explosées (voir l’expérience de Zimbardo). Il faut donc réparer le moindre petit problème avant qu’il suscite d’avantages de comportements inciviques.

Plusieurs hommes politiques marseillais ont pensé et cité Giuliani, la tolérance zéro ainsi que la théorie de la vitre brisée en souhaitant son application à Marseille. Certains citoyens sont spécialistes de l’identification des « vitres brisées » en centre-ville (stationnement anarchique, trous, potelets etc…), appelant à une tolérance zéro (ou du moins très réduite) contre les incivilités. On sent que certains à la mairie aimeraient bien mais n’arrivent pas à passer le cap : enlever toutes les voitures mal garées nécessite un bataillon de véhicules de fourrière, ramasser tous les papiers un bataillon de cantonniers, verbaliser tout individu jetant un papier par terre un bataillon de policiers… Tout ça fait toute une armée très coûteuse à financer pour un retour électoral incertain. Il faudrait un grand pouvoir d’abstraction à l’électeur lambda pour comprendre l’intérêt à long terme d’une initiative qui à court terme fera augmenter ses impôts et lui donnera l’impression d’être harcelés. Quand on connaît l’attention que le gaudinisme porte à son retour électoral sur investissement politique, on comprend la prudence.

En plus, « grâce » ou « à cause » de cette politique, Rudolph a fait de Manhattan un modèle qui à de quoi exciter l’UMP marseillais : les loyers ont augmentés, les indigents ont déguerpis, la criminalité est inexistante, le nombre de WASP au mètre carré explose, et les commerces tournent à plein régime. Autant dire qu’en poussant Marseille dans un projecteur Giuliani, on retrouve et dépasse le lustre d’antan de la Canebière !

Sauf que celui qui vous dirait que tout ça s’est fait grâce à / à cause de la tolérance zéro et la vitre brisée serait un gros menteur, ou du moins, ferait un beau mensonge à la Yseult. On n’explique rien de la métamorphose de New-York sous les mandats de Rudolph si on ne prend pas en compte l’incroyable enrichissement des traders new-yorkais et de ceux qui gravitaient autour pendant la bulle internet (jusqu’en 2001). Wall Street a vu affluer des quantités gargantuesques de dollars pendant cette période, les bonus indécents des institutions et de leurs traders tous basés à New-York devaient bien trouver un point de chute, par exemple dans l’immobilier.

On voit bien qu’à Marseille, les nouveaux quartiers tout clinquant ont du mal à trouver preneur, quand une institution publique a besoin d’aller louer 12 étages d’une tour pour qu’elle puisse se construire, c’est bien le signe que le privé ne s’est pas bousculé. On a beau faire lustrer la rue de la République depuis 10 ans et bientôt la Canebière, il n’y a toujours pas de traders (ou équivalent) qui s’arrachent les appartements et révolutionnent la composition sociale du quartier. Les commerces n’en finissent pas d’ouvrir dans des rues réaménagées, si entre temps les marseillais ne se sont pas enrichis, il y a peu de chances que leur panier moyen explose aussi vite que ce que les magasins attendent.

Moralité si on suit le cas new-yorkais : sauf à créer les conditions économiques d’un enrichissement des marseillais, ripoliner le centre-ville ne changera pas nécessairement Marseille en profondeur, mais finalement c’est assez logique. Désolé de vous avoir tenu 3 minutes pour en arriver à cette évidence.

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