Teissier face à la grève FO : une droite dure bien molle

Billet de blog
par Lagachon
le 5 Fév 2015
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L’été dernier, le Président de MPM avait repris en main le ramassage des poubelles à Marseille, un nouveau contrat de propreté avait été mis en place pour la rentrée. Et puis début janvier, une grève “à l’ancienne” a sonné comme un cinglant retour de réalité pour ceux qui, comme moi, pensait de Guy Teissier allait être capable de remettre de l’ordre dans la gestion de ses employés. Je recycle (sans mauvais jeu de mot) un billet écrit au moment de la publication du nouveau contrat de propreté que j’avais eu la bonne idée de ne pas mettre en ligne. J’y pêchais par optimisme, tout en saluant la prise de position de M.Teissier.

On a beau souvent être en désaccord (je suis loin d’être fan de G.Teissier, ni de la droite à laquelle il appartient), je maintiens que son contrat allait dans le bon sens, et je suis atterré de l’avoir vu se coucher devant 6 petits jours de grève. Mais avant mon point de vue, de quoi parle-t-on quand on parle de poubelles à Marseille ?

Un simple problème de gestion ?

Peu importe la manière dont il est présenté, le “problème” de poubelles n’est pas le problème n°1 à Marseille. Même si demain il y avait moins de papiers gras qui traînaient, on n’aurait pas pour autant résolu la fracture nord / sud, ni les inégalités abyssales entre les habitants de cette ville, ni le chômage, ni la qualité de l’air, ni le nombre de sous-diplômés. Il y aurait urgence à s’occuper de ça plutôt que des poubelles, je suis d’accord là-dessus. Faut-il pour autant refuser de s’occuper de la question (à défaut de problème) des poubelles ? Je ne pense pas.

Comme de nombreux habitants, je vois les sacs plastiques dans les rues, je vois les cantonniers qui font leur travail et je vois aussi ceux qui le font mal (par ex. voir qu’il en reste et ne pas le ramasser), je vois le vent contre lequel on ne peut guère lutter, mais je vois aussi ceux qui jettent leurs ordures par terre. Et je me dis qu’il y a quelque chose qui fonctionne mal et qu’effectivement, c’est de la responsabilité des élus de faire quelque chose. Ce n’est ni une guerre, ni la solution à tous les problèmes de cette ville, mais il y a un dysfonctionnement de gestion, et c’est le rôle du gestionnaire de s’en occuper.

Une “passion” marseillaise”

Donc finalement, ce nouveau contrat de propreté, c’était “business as usual”, MPM s’occupe des poubelles, et alors ? C’est leur job, pas de quoi susciter de réactions passionnées !

Là où ça prend une autre dimension, c’est qu’une partie de la population attendait ça depuis au moins autant de temps qu’une autre partie le redoute. Il y a des années de tensions et de rancœur accumulées par la bêtise de quelques uns : des hommes politiques qui ont fuit leurs responsabilités (dont de nombreux amis du président actuel de MPM) et des responsables syndicaux qui ont profité de la situation. Et la sortie de grève n’a fait que confirmé ça.

Après tout ce qui a été écrit sur le sujet (par des gens plutôt compétents, y compris André Donzel ou la cour des comptes) et surtout, après tout ce qui a été vécu par la population, après des années à voir un scandale avoir lieu quotidiennement, il est très facile de sombrer dans le conflit. Disons-le clairement : nombreux sont ceux qui voulaient (et veulent encore) la peau de FO dans cette histoire ! Ils rêvaient d’un MarGuyrette Teitcher qui “mette au pas” le grand méchant syndicat et, ceux-là ont de quoi être déçus.

Outre le fait que le plan ne permettait pas de régler tout le problème en ne s’attaquant pas assez à ceux qui voient la rue comme une grande poubelle où ils peuvent jeter tout et n’importe quoi, les six jours de grève ont réussi à vider le plan de sa substance. Le “flicage” par GPS n’a pas tant été attaqué sur le principe que sur son utilité : car il permettait de montrer qu’effectivement, les agents ne respectaient pas leurs engagements. Quelqu’un désirant réellement s’attaquer au problème devrait aussi se demander comment les agents sont-ils traités ou considérés par leur employeur. J’ai quand même l’impression que la co-gestion est un accord tacite entre des éboueurs contents d’avoir le temps d’exercer deux activités, et une collectivité contente de pouvoir mal les payer. Élargir le temps de travail des éboueurs revient à les priver de leur second boulot, mais le salaire d’éboueur à Marseille permet-il de vivre décemment ? Je ne sais pas, je pose juste la question, histoire de montrer que c’est plus compliqué que ça en a l’air.

Bref, toutes ces années à ne rien faire ont contribué à ce que la saleté colle à l’image de Marseille, ce qui n’est pas un problème en soi, mais (et c’est plus grave), qu’elle colle aussi à la réalité des marseillais. Une fois la question intériorisée, et toujours non traitée par des politiques comme souvent en dessous du niveau requis pour la fonction, elle devient un problème. Puis, on aura vite fait d’expliquer qu’il y a un coupable : le syndiqué fainéant, alors que la situation est beaucoup plus complexe. Du coup, au moment de régler ce qui relève à la base d’un soucis de gestion, on fait émerger tout un fleuve de rancœur.

Une vraie politique de droite

L’ancienne nouvelle majorité a gagné la Mairie et la Communauté Urbaine en mars 2014, outre cette légitimité encore assez fraîche, on ne peut pas dire qu’en s’attaquant à FO, la droite ne soit pas dans son rôle. J’imagine que ceux qui ont voté pour eux devaient être assez contents de voir leur champion s’attaquer aux “rouges”.

Un champion, soit dit en passant, finalement beaucoup plus sournois que P.Mennucci qui avait annoncé la couleur pendant la campagne. La majorité marseillaise pensait reproduire à l’échelle locale ce que fait le gouvernement avec les syndicats au niveau national : la leur faire à l’envers. Sauf que non, l’histoire a montré qu’on peut déconner avec le prophète, mais pas avec FO à Marseille.

Pourtant, cette réforme (ou du moins son principe) s’inscrit tout à fait dans la logique du nouveau Marseille que promeut la majorité Gaudin-Teissier. Eux qui misent sur le tourisme et la requalification du centre-ville ont besoin de rues immaculées (ou presque) pour adapter la réalité à l’image qu’ils projettent à coups de capitale européennes. Ils n’atteindront pas leurs objectifs de gentrification et de tourisme sans un centre-ville nettoyé de ses papiers gras et sacs plastiques.

Et finalement, pourquoi je soutenais cette démarche ?

Alors je n’en veux pas à FO, ou plutôt, je leur en veux moins qu’à la Mairie et à la Communauté Urbaine. Dans cette situation, je vois des employés qui profitent d’une situation confortable que leur permettent leurs managers. Selon moi, il n’y a qu’un responsable : le manager qui ne remplit pas sa mission, c’est-à-dire encadrer ses collaborateurs. Il laisse en cogestion (ou plutôt autogestion) des gens qui ne sont visiblement pas la hauteur de la responsabilité, et c’est à lui de reprendre la main.

Et puis il y a le soucis de justice, ou du moins d’équité. Je ne pense pas qu’il soit équitable que des employés de la collectivités ne remplissent ostensiblement pas la mission qui leur est confié. Je pense que tolérer cette situation dégrade l’image du service public, augmente la méfiance des marseillais envers les fonctionnaires, monte les uns contre les autres (la violence des réactions en est témoin). Enfin, je ne supporte pas qu’une organisation défendant des intérêts particuliers impose les termes du débat à une assemblée élue.

Alors oui, je pensais qu’il fallait faire quelque chose, ou en tous cas, laisser la possibilité au débat d’avoir lieu, se demander ce qui nous semble être la meilleure solution, et pouvoir décider sans se sentir sous la pression de telle ou telle organisation. Je pensais que Teissier et sa majorité étaient vraiment de droite, je pensais qu’ils avaient anticipé cette grève en imposant leur nouveau contrat qui devait pousser la base au conflit. Je me disais qu’ils allaient profiter de la saison (c’est quand même plus simple que pendant l’été) et de leur légitimité électorale pour être intransigeant et prendre l’opinion public à partie en mode “la grève peut être longue et pénible, nous ne céderons pas parce que c’est contraire à nos convictions et au mandat qui nous a été donné”.

Au contraire, ils se sont inclinés devant FO au bout de quelques jours façon Chirac. Je ne les attendais pas brillant sur le social, l’éducation, l’environnement… tout ces trucs de lecteurs de Libé ; par contre, je pensais qu’ils maîtriseraient les croisières, la promotion immobilière et qu’un ancien para serait au moins capable de faire rentrer dans le rang ses employés les plus dissipés. Et bien même là-dessus, je suis déçu !

Commentaires

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  1. Benjamin Benjamin

    Déçu vraiment ? Est-ce que la droititude de Teissier surpasse sa mafiosité ? Est-ce que FO est vraiment « rouge » ? Tu le pointes justement : les deux parties ont un intérêt certain à ne rien changer…

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