L'environnement et les événements

REPENSER L’ÉCONOMIE POLITIQUE DE L’ESPACE

Billet de blog
le 30 Juil 2017
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Deux événements importants pour notre région et pour notre ville se sont produits récemment, qui nous engagent à avoir un regard critique sur les usages sociaux de l’espace et sur ce que l’on pourrait appeler une économie politique de l’espace, dans une orientation plus engagée de l’écologie. Ces deux événements ont eu lieu l’un en plein centre de Marseille, à deux pas de l’église des Réformés, et l’autre un peu plus loin, dans le Var, autour de La Croix-Valmer.

Les incendies de forêt dans le Var et l’emprise du foncier sur les usages de l’espace et sur la ruralité

Tout le monde le sait, tout le monde a vu les images, tout le monde a été frappé par la violence des incendies qui ont ravagé les forêts dans le Var, à La Croix-Valmer, près de Ramatuelle, autant dire aux portes de Marseille. Plus de 5000 hectares de forêts ont été détruits, la presqu’île a perdu ce qu’elle « avait de plus précieux », selon le maire de Ramatuelle, R. Bruno, cité par S. Mandard, dans Le Monde du 27 juillet, qui cite la maire-adjointe de Ramatuelle chargée de l’environnement, C. Huraut : « C’est comme si, à Paris, la tour Eiffel avait brûlé. Sauf que la tour Eiffel, on peut la reconstruire. Les pins parasols, il faudra un siècle pour les remplacer ». Cette « catastrophe écologique majeure », pour reprendre les mots de C. Huraut, doit nous interpeller sur nos usages de l’espace et sur les transformations que les hommes ont imposées à leur environnement. En effet, si les incendies ont ravagé cette région, c’est, d’abord, parce qu’au lieu que les hommes aient continué à la considérer comme un espace naturel, peuplé de bois, de forêts et d’animaux et constituant un poumon pour leur respiration et un espace échappant à leur cupidité, ils l’ont ravagé par des constructions établies n’importe comment, sans pensée globale de l’espace, sans souci des atteintes qu’elles portaient à l’environnement, et, surtout, ils ont fait disparaître les usages classiques de cet espace qui tenaient compte de ses spécificités et qui respectaient les limites de l’espace socialisé. La multiplication des constructions de résidences secondaires, le recul du pastoralisme, évoqué par un chercheur qui étudie l’évaluation du risque des incendies et les atteintes que ceux-ci portent à l’espace, T. Curt, toujours dans Le Monde du 27 juillet, tout cela entraine à la fois une dégradation de l’espace et un accroissement des risques d’atteinte à l’environnement, en particulier des atteintes violentes à l’espace comme les incendies. Peu à peu, l’économie foncière a accentué son emprise sur l’espace en substituant la valeur d’échange et d’acquisition de l’espace, à sa valeur d’usage, à la valeur qui lui était reconnue depuis toujours par ceux qui peuplaient l’espace d’activités rurales.

L’évacuation du « squat social » de la rue Socrate, à Marseille

L’autre événement que je souhaite mettre en relation avec les incendies de forêts du Var n’a, semble-t-il, rien à voir avec eux. Il s’agit d’un événement raconté par V. Artaud, dans Marsactu du 27 juillet (https://marsactu.fr/la-fin-du-squat-therapeutique-de-la-rue-socrate/) : l’évacuation forcée par la justice d’un squat à vocation sociale, installé depuis deux ans dans un ancien hôtel particulier, vide, de la rue Socrate, près des Réformés. Il s’agissait d’un ensemble de logements destinés à des sans-abris en particulier touchés par des maladies psychiques. Une trentaine de personnes y habitaient. Au-delà de la question de l’usage des immeubles vides dans l’espace de la ville, ce qui ainsi remis brutalement et violemment en cause, c’est le travail des associations qui viennent suppléer à l’absence de politique sociale de la municipalité, c’est le travail de tous les acteurs qui tentent de recoudre le tissu social qui se déchire partout, laissant des défavorisés, des sans-abris, des sans-travail peupler les espaces de la ville qui échappent encore à la régulation institutionnelle. Mais l’évacuation de l’immeuble de la rue Socrate nous interpelle justement sur ce qui caractérise de plus en plus les politiques mises en œuvre par les pouvoirs : la soumission au pouvoir de l’argent et la disparition des politiques réelles de régulation de la vie sociale et de prévention des risques sociaux.

Les risques sociaux des atteintes à l’espace

C’est cela qui réunit les deux événements : l’espace est désormais de plus en plus livré au pouvoir de la finance. Il ne s’agit même pas de la soumission de l’espace au pouvoir de l’économie, ce qui, à la rigueur, pourrait se comprendre, mais de sa soumission au seul pouvoir de l’argent et de la recherche du profit. À cet égard, on peut rapprocher ces deux événements d’un troisième : la montée des risques liés à l’usage du nucléaire. « Et si le temps était venu », écrit J.-M. Bezat dans Le Monde du 28 juillet, « de changer de modèle énergétique ? Ce n’est pas le choix qu’a fait Emmanuel Macron. Avant son élection, le futur président de la République a souligné », écrit toujours Le Monde, « que le nucléaire est une « filière d’avenir » et soutenu la décision d’EDF de construire deux EPR sur le site d’Hinckley Point, dans le sud de l’Angleterre. Un projet contesté au sein même d’EDF ». Le lien qui unit ces trois événements est facile à comprendre : il s’agit d’une soumission aveugle des pouvoirs à la contrainte financière sur l’usage de l’espace. Il est temps que cesse cette politique qui, après la pollution de l’environnement, nous conduit à la multiplication des risques sociaux et politiques liés à une économie de l’espace uniquement fondée sur la recherche du seul profit. C’est cela, au contraire, une économie politique de l’espace : c’est une économie de l’espace fondée sur la recherche d’une meilleure valeur d’usage de l’espace et sur la recherches d’usages et d’activités qui ne dégradent pas l’espace, mais, au contraire, parviennent à nous en faire pleinement retrouver la valeur et la signification.

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