“Oh mais c’est l’Afrique !” Lettre à Monsieur Teissier

Cher Monsieur Teissier,

Nous n’avons eu des désaccords, et j’avoue m’être souvent lâchement moqué de vos électeurs. J’ai entendu votre sortie sur l’africanisation de certains comportements à Marseille et je voulais souligner votre clairvoyance.

Alors oui, il y a eu un dépôt de plainte et des indignations légitimes de la part de ceux qui se sont assez justement sentis stigmatisés, reconnaissons-le. Le marseillais, comme l’africain, est impulsif, vous le savez aussi bien que moi. D’ailleurs, il l’est tellement que j’ai entendu quelqu’un dire pendant les Municipales “Oh, mais c’est l’Afrique !” Il ne parlait pas du continent africain, ni même de ces quartiers du centre-ville dont vous aimeriez tant vous occuper. Non, il parlait des élections tout simplement, des accords des uns avec les autres, des tracts et de la vacuité des propositions.

Après avoir entendu votre sortie, je me suis rappelé de cette personne et je pense que vous êtes dans le juste.

Je dirais même que Marseille est très africanisée dans les représentations qu’en font les media et que partagent les courants de pensées dominants. Je vais même plus loin et dis que vos amis politiques ont modestement contribué à cette africanisation entre les deux tours, en faisant le choix d’une alliance allant à l’encontre de votre bord politique, mais consolidant un peu plus un système qui correspond bien aux représentations des systèmes politiques africains où tout m’a malheureusement l’air d’être fait au profit du petit groupe dirigeant au mépris de l’intérêt général et du bon sens.

Avant de continuer, je dois avouer que je n’ai aucune connaissance terrain de l’Afrique, en avez-vous ? Je suis pour ma part tout pétris de représentations lointaines, comme la plupart de mes concitoyens, et c’est à la lumières de ça que je m’exprime.

Marseille est par exemple conforme à mes représentations de l’Afrique par ses statistiques sur les inégalités, son apartheid inavoué, ses « gated-communities », à ce titre, les 9^e et 10^e sont très africanisés, et je m’étonne que vous ne l’ayez pas combattu plus vigoureusement lorsque vous en étiez le maire.

Nos élites qui ont la tête et le carnet de chèque ailleurs (Ah Paris !) et le traitement que réserve Marseille à ce qu’on appelle les « cerveaux ». Savez-vous, cher Président, ce qu’on en commun un brillant élève de terminale à Marseilleveyre, un brillant élève de prépa à Thiers et un brillant élève de Kedge à part d’être excellents dans leur domaine ? On leur conseillera à tous les trois de partir : Lyon, Paris, Toulouse ou ailleurs, mais partir ! Et si peu reviennent. Monsieur Teissier, allez-vous faire quelque chose pour désafricaniser ces comportements ?

Et puis, comme dans mes représentations de l’Afrique, il y a la survalorisation de la nature (combien de marseillais disent supporter la ville grâce au plaisir des Calanques) et des cultures : l’impression que le temps passe moins vite, les couleurs, la lumière, la décontraction, les éclats de rire, l’être ensemble, la simplicité… tous ces poncifs qu’on nous sert sur Marseille valent souvent pour l’Afrique. C’est le bon côté d’être africanisé, j’espère que vous saurez le préserver.

Vous voyez Monsieur Teissier, vous avez du travail pour tenter de gérer l’africanisation de Marseille ! Essayez simplement de vous attaquer en priorité à ce qui, comme en Afrique, bloque le “potentiel” du développement, et ça, ce ne sont ni les gens, ni la mixité, ni la lumière mais bien les systèmes de corruptions, de passe-droit et de non-partage des richesses. Malheureusement, j’ai peur que ce soit pile ce que vos amis aient contribué à renforcer entre les deux tours. Bon, vous savez au moins où trouver les responsables !

Couralamen