Logements insalubres, bailleurs indignes

Billet de blog
le 16 Mar 2021
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Il y a un peu plus de deux ans, la catastrophe du 5 novembre levait le voile sur les conditions de logement d’un grand nombre de d’habitants de Marseille.

Plus de 4000 personnes furent évacuées de leurs appartements insalubres et hébergées dans des hôtels de la ville, parfois très loin de leur lieu de travail, des écoles de leurs enfants, de leurs espaces de vie.

Depuis cette sombre date les écrivains publics de la permanence de Jean-Luc Mélenchon reçoivent des femmes et de hommes qui témoignent de leurs conditions de vie, dans des logements humides, envahis de rats, de cafards, de punaises, aux murs fissurés et couverts de moisissure, aux fenêtres déglinguées, aux escaliers branlants, aux sols inégaux.

Nous effectuons, photos à l’appui, un nombre impressionnant de déclarations au Pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne, qui, de son côté, s’adresse aux bailleurs sociaux ou privés.

Il en est qui font amende honorable et engagent des travaux de rénovation. Ils sont rares. D’autres, et c’est la raison de ma colère aujourd’hui, usent de tous les moyens possibles pour expulser leurs locataires.

Ainsi Asya, résidente de Kallisté, la cité la plus au nord de Marseille et la plus dégradée. Certains bâtiments sont vides et au bord de l’effondrement. C’est à Kallisté que les pouvoirs publics exilent une majorité de familles turques, comoriennes et maghrébines, à une heure de bus du centre-ville. Asya est une jeune femme franco-turque d’une trentaine d’années, qui vit seule avec ses trois enfants dont un bébé né juste avant qu’elle n’engage une procédure d’éloignement contre son mari, devenu violent pendant les deux confinements. Son bailleur a préféré ne pas reconduire le bail et mettre en vente un bien qu’il nous paraît difficile d’estimer tant il est dégradé.

Ainsi Abdel, habitant du Panier, une vie à travailler pour la France, retraité tranquille et modeste qui s’excuse presque de nous solliciter de nouveau. Parti en Tunisie en janvier pour visiter la famille, il reçoit un appel paniqué de son voisin, qui vient d’assister au forçage de la serrure de son appartement par l’agence immobilière qui gère le lieu. Rentré par le premier vol, Abdel constate que les serrures ont été changées. La plainte qu’il dépose immédiatement, justificatifs à l’appui lui permet de rentrer chez lui mais toutes ses affaires ont disparu.

Ces mesures de coercition sont intolérables. Se loger correctement à Marseille relève de la gageure.

La précarité est LE facteur qui permet aux marchands de sommeil, que le 5 novembre a certes contrariés, de rester aujourd’hui impunis et plus rapaces que jamais.

Ainsi Safiya, dont la régularisation tarde pour des raisons incompréhensibles. C’est la raison de son appel ; elle appréhende de trouver dans son courrier l’obligation de quitter le territoire français que la préfecture de Marseille distribue généreusement depuis quelques années. Nous apprenons qu’elle vit dans une cité du troisième arrondissement, dans un studio de douze mètres-carrés qu’elle partage avec son fils lycéen et qu’elle loue quatre cent cinquante euros par mois. Rongé par l’humidité, infesté de nuisibles et sans chauffage.

Établir avec Safiya une déclaration de logement indigne ? Risquer de la mettre en difficulté et d’attirer sur elle l’attention des autorités toujours plus vives quand il s’agit d’expulser que d’intégrer ?

Il est temps que Marseille redevienne le port d’attache de ceux qui l’ont faite, qui la font et la feront toujours.

Il est temps que les bailleurs prennent leurs responsabilités et cessent de spéculer sur la misère.

Il est temps que la municipalité respecte le quota des logements sociaux et les accorde à ceux qui en ont besoin.

Il est temps de retrouver la Marseille vivante et populaire qui n’est, depuis des décennies, qu’une image de carte postale.

Pascale COMPTE

16 mars 2021

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