LES AVENTURES DU PERMIS DE LOUER

Billet de blog
le 4 Mai 2024
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Un immeuble a dû être évacué en urgence, le 5 avril dernier (Lire l’article de Myriam Léon dans « Marsactu » du 29 avril 2024). Pourtant un « permis de louer » avait été délivré, autorisant un propriétaire à louer un appartement situé dans cet immeuble. Cela oblige à réfléchir aux conditions du logement dans le centre de Marseille.

La dégradation immobilière dans le centre de Marseille

L’habitat dit ancien semble le plus menacé, aujourd’hui, à Marseille. Tout se passe comme si c’était cet habitat qui était devenu dangereux. Cela peut s’expliquer de trois façons. D’abord, entre le moment où les immeubles dits anciens ont été construits et ce qu’est devenue la ville de nos jours, les normes, les lois, mais aussi les exigences de celles et ceux qui vivent dans les immeubles ont changé. La protection des consommateurs a eu ceci de bon qu’elle a renforcé leur protection et leurs droits, ainsi que leurs attentes, mais, précisément, cela fait apparaître le fait que les immeubles anciens sont souvent plus dangereux que les autres. En même temps, c’est le versant négatif des choses, les propriétaires sont de plus en plus enclins à dissimuler les imperfections des biens qu’ils mettent sur le marché, souvent loués sans contrôle. Par ailleurs, le centre ancien de la ville a été comme abandonné par les populations aisées parties s’installer dans d’autres quartiers du centre, voire ont quitté le centre pour habiter les immeubles des périphéries. De cette manière, le centre de Marseille a connu une dégradation considérable de son patrimoine immobilier et cette perte de qualité sera bien difficile à rattraper. Fait de quartiers devenus pauvres, alors que les façades des immeubles manifestent une richesse disparue, le centre de Marseille donne l’impression d’une ville morte, et il faudra une politique immobilière énergique pour la rendre à la vie. Enfin, nous sommes ici au cœur des inégalités dans la ville de Marseille. Ce n’est, d’ailleurs, pas un hasard si la métropole, dirigée par la droite, a voulu contrôler les locations par le « permis de louer », car cela lui permet de s’assurer de la préservation des inégalités dans la ville. Les inégalités sont toujours un fait politique violent, mais, dans le logement, elles sont plus violentes à Marseille qu’ailleurs, et, en particulier, dans le centre. Ne nous trompons pas : la dégradation de l’immobilier et de l’habitat ancien n’est pas une question technique : il s’agit d’une question majeure des politiques urbaines. Pour cette raison, il est temps que le logement finisse par être libéré du poids des fausses normes du marché et régulé par de véritables lois. 

 

L’exil des populations des centres

À Marseille comme dans toutes les villes, la dégradation du logement est indissociable de l’exil des populations qui ont quitté les centres urbains pour aller s’installer dans les quartiers périphériques qui deviennent, de plus en plus, de véritables ghettos, pour riches ou pour pauvres, selon les banlieues. Mais, en abandonnant les centres, les habitantes et les habitants des villes les ont laissés se dégrader pour devenir, immeubles entiers comme appartements, des lieux de logement indigne. Cet exil et cet abandon peuvent expliquer les situations souvent dramatiques dans lesquelles ont été logés les habitants des centres. Mais cet exil a eu une autre conséquence : l’évolution de ces quartiers n’a plus fait l’objet d’une attention sérieuse de la part des pouvoirs urbains, qui ont, tout simplement, cessé de les voir. Les normes du marché, qui sont des règles de concurrence, mais qui ne sont pas des lois, ont favorisé l’exil des populations des centres, peut-être dans la perspective inconsciente d’une future réappropriation des centres par les populations aisées qui y demeuraient auparavant. Consciemment ou non, il pourrait s’agir d’un véritable projet politique dont toutes les populations sont devenues prisonnières.

 

Une absence de contrôle de la sécurité du logement

Si les immeubles sont devenus des facteurs de danger, c’est que rien n’est prévu pour assurer la sécurité des logements et pour la garantir. Le fameux « permis de louer » n’est qu’une illusion de sécurité donnée, soi-disant pour la protéger, à la population qui cherche à louer des appartements dans des quartiers et des immeubles anciens. C’est que l’absence de contrôle fait partie de la doctrine de l’économie libérale. Le logement, de plus, fait partie des éléments qui sont les expressions majeures des inégalités, comme, d’ailleurs, tout ce qui concerne la vie quotidienne. C’est dans la vie quotidienne que les inégalités se font le plus sentir et pèsent le plus sur les personnes précaires ou vulnérables. La vie ordinaire des gens modestes n’intéresse pas la métropole qui ne procède à aucune vérification sérieuse avant de délivrer le permis de louer. Mais, au-delà du fameux permis, nous nous trouvons ici devant des conséquences désastreuses de l’hégémonie des normes du marché dans le logement. Il n’y a pas de problèmes de logement dans les « beaux quartiers », ou, si, d’aventure, il y en a, ils sont résolus très vite. C’est dans les quartiers populaires que le logement devient une source d’inquiétude, comme on peut le voir dans cette série d’événements qui se sont produits rue d’Aubagne, rue de Tivoli, et rue des Feuillants.

 

Le conflit des pouvoirs

Encore une fois, nous nous trouvons devant l’éternel conflit de pouvoirs qui oppose la municipalité de Marseille et la métropole. Pourquoi la métropole délivre-t-elle les « permis de louer », alors que c’est la municipalité qui est responsable de la sécurité des habitantes et des habitants ? Le conflit de pouvoirs entre les deux autorités montre qu’à un certain point, le conflit entre la gauche et la droite n’est plus de la simple théorie politique mais affecte le quotidien de celles et de ceux qui vivent à Marseille. Pour renforcer sa politique libérale et limiter autant que possible le contrôle des propriétaires, la métropole délivre les « permis de louer » de façon aussi laxiste qu’elle le peut, alors qu’elle n’a pas de comptes à rendre sur la véritable insécurité qu’elle génère de cette manière. La sécurité, pourtant valeur essentielle du libéralisme, n’est, pour lui, à prendre en considération que quand il s’agit de la sécurité des biens, de la surveillance de la population, du contrôle des migrants et de la répression des actes considérés comme facteurs d’insécurité. La sécurité et l’insécurité n’ont d’importance, pour le libéralisme, que quand c’est la police qui en est responsable. Il n’y a plus d’insécurité quand il s’agit de la location de logements et de la protection des personnes contre la liberté des propriétaires de louer sans contrôle de la sécurité les logements qu’ils mettent sur le marché de l’immobilier. Pour cette raison, il devient essentiel, à Marseille, qu’il soit mis fin à l’opposition entre la ville et la métropole, que la municipalité retrouve son autorité sur l’immobilier comme sur l’urbanisme et que soit engagée une véritable politique du logement, attentive à la dimension sociale de l’égalité dans ce domaine.

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