L’ÉLECTION PAR LAQUELLE MARSEILLE EXPRIME UNE IDENTITÉ NOUVELLE

Billet de blog
le 24 Mai 2020
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Les élections municipales ont lieu demain

L’ÉLECTION PAR LAQUELLE MARSEILLE EXPRIME UNE IDENTITÉ NOUVELLE

 

En plus des élections au cours desquelles la ville désigne la municipalité qui va la conduire pendant six ans, les élections municipales sont l’occasion pour Marseille d’exprimer son identité. Cette année, cela aura une importance particulière, car Marseille y exprimera quatre ruptures dans cette identité.

La première rupture : la fin d’une époque

Cette année, donc, Jean-Claude Gaudin ne proposera pas le renouvellement de son mandat. Il s’agit d’une rupture importante, pour la ville, car, pour la première fois, donc, l’élection municipale ne consistera pas en un duel entre la municipalité de Gaston Defferre ou celle qui, comme celle de R. Vigouroux, en était issue, et celle de Jean-Claude Gaudin. Jusqu’à cette année, il y avait une sorte de décalage entre la municipalité et son époque, c’était un peu comme si la municipalité était destinée à une ville d’un autre temps. Cette année, les acteurs politiques qui s’affrontent au cours du débat électoral sont des acteurs d’aujourd’hui, qui énoncent des discours et engagent des débats destinés aux habitants de la ville d’aujourd’hui. Il s’agit d’une rupture car les mots changent, mais aussi les pratiques électorales et les usages politiques. Par exemple, même si tout n’est pas éclairci dans le ciel politique de Marseille, sans doute en avons-nous fini avec les formes diverses de clientélisme que nous avons pu connaître, même si nous ne savons pas encore très bien encore dans quelle direction ira la conduite de la ville après cette élection, sans doute pouvons-nous sûrs qu’elle se dirigera vers des destinations qu’elle ne connaissait pas encore.

La deuxième rupture : l’événement du coronavirus

Ne nous trompons pas : la pandémie du coronavirus n’est pas une simple maladie. Si nous avons parlé, ici même, d’une forme de retour de la peste à Marseille, c’est que le coronavirus n’est pas une maladie ordinaire. D’ailleurs, ne nous trompons pas, c’est bien pour cela que les médias et les acteurs politiques ou ceux de la santé ont tendance à parler du « Covid-19 », ce qui est une façon de ne pas s’approprier le nom de cette maladie, de ne pas la reconnaître. À Marseille, l’épisode du coronavirus aura constitué une rupture car il va laisser des traces dans la ville. Il aura été une rupture dans le domaine de la santé, car il se sera agi d’une forme de mise à l’épreuve des institutions sanitaires de la ville et des politiques qui y sont mises en œuvre dans la santé publique. Mais il aura été aussi une mise à l’épreuve de la société urbaine, car la pandémie aura fait apparaître sous une lumière impitoyable l’écart entre les classes aisées et les classes populaires, entre des lieux de la ville qui n’auront pas été considérablement atteints par la pandémie et d’autres qui auront été frappés par une violence due à leurs conditions de vie et d’habitat, à leur isolement dans des quartiers qui seront apparus comme ce qu’ils sont réellement : des sortes de ghettos urbains, des ghettos sanitaires.

La troisième rupture : l’émergence de nouveaux acteurs

Au cours de cette élection municipale, même si la campagne électorale aura été suspendue – ce qui, en soi, constitue, d’ailleurs, une rupture, de nouveaux acteurs politiques seront apparus dans le débat politique, des acteurs que l’on n’avait pas encore entendus s’exprimer à Marseille. C’est le cas de personnes nouvelles qui renouvelleront peut-être le discours de leur famille politique, comme, à droite, Martine Vassal, ou Y. Berland, qui représente La République en Marche, un parti que l’on ne connaissait pas à Marseille. Mais c’est aussi le cas de mouvements politiques que l’on n’avait encore pas entendus au cours de précédentes campagnes électorales comme les Insoumis. Si J.-L. Mélenchon a été élu député à l’issue des élections municipales de 2017, sans doute ne s’agissait-il pas seulement du choix d’un député, mais aussi de ‘expression par les citoyens d’une volonté de rupture.

La quatrième rupture : l’émergence de nouveaux enjeux

Enfin, cette élection fait apparaître de nouveaux enjeux pour la politique marseillaise des années à venir. D’abord, il faut en finir avec des projets urbains et des aménagements de l’espace qui, pour beaucoup, étaient encore dominés par les soucis de la colonisation et de la décolonisation. L’urbanisme marseillais devient, aujourd’hui, un urbanisme ancré dans son temps, et les projets des candidats doivent se lire et d’apprécier de ce point de vue. Par ailleurs, la multiplicité des cultures, qui a toujours été une richesse de Marseille, prend aujourd’hui une dimension nouvelle avec l’aggravation des tensions politiques dans le monde qui fait arriver à Marseille de nouveaux réfugiés, de nouveaux exilés. Sur un autre plan, les façons de travailler, de produire, d’échanger construisent, aujourd’hui, une nouvelle économie urbaine que la municipalité issue de ces élections devra comprendre, devra maîtriser, une nouvelle économie dont elle devra parler la langue, en particulier en comprenant mieux ce que sont les nouveaux métiers et les nouveaux emplois, notamment dans le domaine du numérique. Enfin, aujourd’hui, Marseille se situe dans une Méditerranée nouvelle, qui, elle aussi, se trouve structurée par de nouveaux enjeux, par de nouveaux conflits, par de nouvelles identités.

On le voit : plus qu’une simple élection, cette élection municipale, à Marseille, sera véritablement l’occasion de la naissance d’une nouvelle culture politique, de l’expression d’une identité urbaine nouvelle.

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