L’ATTENTE

Billet de blog
le 28 Juin 2020
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Le second tour de l’élection municipale a lieu aujourd’hui

L’ATTENTE

J’ai pis l’habitude de publier le texte de mon blog le site de « Marsactu » le dimanche matin. Après avoir longtemps réfléchi, je me suis dit qu’il n’y avait pas de raison pour changer cette habitude, même si l’élection municipale connaît son second tour aujourd’hui. C’est pourquoi je consacre ce billet à ce qui caractérise un dimanche d’élection : l’attente.

 

L’attente en politique

Un jour d’élection est toujours dominé par l’attente du résultat. Et encore, sans doute faut-il replacer ce sentiment dans l’histoire des médias et de l’information. Il fut un temps où les élections avaient lieu le dimanche, mais où il fallait attendre la fin d’un dépouillement manuel pour connaître les résultats et attendre la diffusion des informations pour que le pays entier connaisse les résultats. Depuis l’émergence des médias audiovisuels et, plus encore, depuis l’apparition des médias édités dans le réseau Internet, l’attente est plus courte : il suffit d’attendre vingt heures et la fermeture des bureaux de vote pour être informé de l’issue de l’élection. Cependant, si l’attente est plus brève, elle n’a pas pour autant changé de signification. L’attente a toujours les trois mêmes significations en politique. La première est la conscience de l’importance du pouvoir. Plus l’attente est fortement ressentie, plus est ressentie l’importance que l’on donne au pouvoir qui est en jeu lors de l’élection. L’attente concourt à la construction du pouvoir. Le pouvoir repose, en grande partie, sur l’attente qu’il suscite. C’est vrai aujourd’hui en raison de l’attente des résultats des élections, mais c’était vrai aussi au temps de la monarchie, lors de l’attente des successions. Une seconde signification politique de l’attente est la force de l’engagement dont on est porteur. En effet, l’opinion et l’engagement se fondent sur le désir qui, dans le champ politique, construit l’attente en lui donnant un sens : si nous avons le sentiment d’attendre, c’est que nous sommes porteurs d’un désir, dont cette attente nous fait prendre pleinement conscience. Enfin, l’attente, en politique comme dans les autres domaines de la vie sociale, fait partie de la culture qui nous est donnée par les récits : les contes et les légendes, mais aussi les récits de fiction que l’on peut trouver dans la littérature, dans les médias écrits, dans les médias audiovisuels ou au cinéma, construisent ce que l’on peut appeler une culture de la fiction, dont le suspens (le mot anglais, suspense, dominait, à une certaine époque, le discours sur les médias) est l’élément majeur, car c’est l’attente qui fonde l’attention que les lecteurs, les auditeurs ou les spectateurs portent aux œuvres qui leur sont proposées. Les médias ont de tout temps contribué à cette appropriation de l’esthétique du suspens par les formes et les pratiques de la communication politique.

 

L’espoir et la crainte

L’attente ne peut être neutre. En effet, c’est le désir qui construit l’attente, c’est parce que nous sommes porteurs d’un désir que nous nous inscrivons dans la logique de l’attente. C’est parce que nous sommes porteurs d’un désir concernant le résultat de l’élection que nous sommes porteurs de l’attente dans le champ politique. Mais c’est aussi pour cette raison que, quand on réfléchit bien, l’attente est toujours une crainte ou un espoir, qu’il n’y a pas d’attente sans opinion. Aujourd’hui, à Marseille, ou l’on attend du résultat de l’élection qu’il permette qu’un élu de droite remplace J.-C. Gaudin à la tête de la municipalité et que la majorité du conseil municipal issu de l’élection soit une majorité de droite, ou l’on attend que ce soit la gauche qui remporte le second tour de l’élection et qu’ainsi, la municipalité issue de l’élection soit dirigée par M. Rubirola. C’est à partir de là que les attentes des citoyens qui habitent Marseille sont de l’ordre de l’espoir ou de l’ordre de la crainte, selon le point de vue auquel on questionne l’attente dont ils sont porteurs. Sans doute peut-on même dire qu’espérer ou craindre l’issue de l’élection est une façon d’habiter la ville, de donner une signification – en l’occurrence une signification politique – à notre manière d’habiter la ville en en étant citoyens. Pas plus qu’il n’y a d’attente neutre, il n’y a d’habitation ou de citoyenneté neutre dans la ville.

La suspension du temps politique

Ce dimanche, le temps politique est suspendu, à Marseille comme toutes les villes de France où a lieu un second tour de l’élection municipale. Cette suspension du temps, qui est la signification majeure de l’attente, nous fait prendre conscience de la force de notre engagement et de la signification de notre opinion. Nous avons connu un temps politique dominé depuis le début par la campagne électorale et, en quelque sorte, illustré, nourri, par le discours des médias et par l’information diffusée dans l’espace public, et, aujourd’hui, ce temps politique est comme arrêté, suspendu à l’attente du résultat qui donnera sa pleine signification à l’issue du processus électoral. Mais, de la même manière, c’est la suspension du temps politique qui construit l’acteur politique qui sera maire de Marseille pour les six années à venir. C’est son identité qui est fondée sur la suspension du temps politique en même temps que le pouvoir dont il sera porteur. C’est dire l’importance de cette suspension du temps pour notre engagement et pour notre citoyenneté. Sans doute peut-on même dire que cette suspension du temps politique dans l’attente est, pour nous, le prix de la liberté et de la citoyenneté dans l’espace public.

L’incertitude propre à Marseille

À tous ces questionnements viennent s’ajouter, à Marseille, deux autres incertitudes. La première tient au mode de désignation du maire. Comme l’a fait remarquer Marsactu, jeudi 25 juin, la loi qui fixe les conditions dans lesquelles est désignée la municipalité, à Paris, à Marseille et à Lyon introduit une incertitude, propre à Marseille, qui tient à la fois aux limites des secteurs et des arrondissements dans la ville et à la diversité des identités des acteurs politiques en lice dans les huit secteurs de la ville. Pour que la municipalité issue de l’élection du 28 juin soit claire et dispose d’une majorité lui permettant d’engager des projets et de les mener à bien, il importe que les résultats du second tour dans l’ensemble des secteurs de la ville soient clairs et sans ambiguïtés. La deuxième tient aux engagements des acteurs politiques de la ville, qui ne sont pas toujours semblables aux engagements des partis et des mouvements auxquels ils appartiennent, dans d’autres villes ou à l’échelle du pays tout entier, et au fait que l’on ne connaît pas encore l’audience d’initiatives comme le Printemps marseillais, nées à l’occasion de ces élections municipales de 2020. Tout cela ajoute des éléments d’incertitude qui contribuent à engager cette logique de l’attente.

 

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