L’écologie urbaine à Marseille (suite)

LA POLLUTION, LES ORDURES ET LA DÉGRADATION DE L’ESPACE URBAIN À MARSEILLE

Billet de blog
le 27 Août 2017
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Il y a quelque temps, nous avions engagé, pour « Marsactu », une réflexion sur ce que pourrait être une écologie urbaine à Marseille. Nous poursuivons aujourd’hui cette réflexion en abordant la question de l’environnement et de ses dégradations

Dans Marsactu, on peut proposer une image en tête des articles, une image qui illustre le propos que l’on va tenir et qui, souvent, permet de frapper plus immédiatement les lecteurs et de les engager plus fortement à engager la réflexion sur les thèmes que l’on aborde. Je me suis dit, alors, que j’allais peut-être, contrairement à mon habitude, proposer une illustration de mon article de cette semaine sur les ordures et sur les dégradations de l’environnement et de l’espace urbain dans notre ville. Çela aurait été simple : je n’avais qu’à faire trois pas dans la rue pour me trouver nez à nez avec un tas d’ordures, avec une poubelle mal fermée, avec des détritus qui jonchet le trottoir. Et puis je me suis dit que je n’allais pas le faire, parce que cela aurait été trop violent, cela aurait suscité un véritable choc de venir polluer l’espace de Marsactu avec des ordures. Je ne l’ai donc pas fait. Parce que je crois que cette accumulation des ordures dans les rues de la ville est une véritable violence opposée aux regards de ceux qui y marchent, pour s’y promener, pour se rendre à leur travail, pour se déplacer à pied dans la ville. L’accumulation des ordures et l’absence de politique réelle d’entretien des espaces publics et même, plus simplement, de prévention des maladies et des infections que ces dépôts d’ordures peuvent susciter dans la ville constitue une véritable violence, sur laquelle je voudrais m’arrêter un peu aujourd’hui.

 

La violence des ordures sur le regard

C’est, d’abord, sur le regard que porte cette violence des ordures. En effet, il s’agit d’une véritable atteinte à ce que nous nous attendons de voir quand nos yeux portent sur la ville. Alors que, dans le regard sur la cité, sur ses maisons et sur ses rues, on s’attend à rencontrer d’autres hommes, d’autres êtres sociaux, on ne rencontre que des espaces qui sont un peu comme des espaces sauvages : des espaces qui ne sont pas des espaces cultivés, qui ne sont pas des espaces de culture et de sociabilité, mais des espaces d’où la culture est absente, et, plus encore, des espaces d’où c’est la société qui est absente. Nous ne pouvons pas nous reconnaître nous-mêmes dans ces lieux que nous parcourons en y rencontrant sans cesse des dépôts d’ordures, car ce serait nous réduire nous-mêmes à une figure dégradée de notre être.

 

La violence des ordures sur le paysage urbain

En-dehors même de nous, c’est le paysage de la ville qui se trouve plus que pollué : dégradé, par cette multiplication des déchets qui le parsèment. C’est la ville entière qui se trouve ainsi projetée hors de l’esthétique : nous sommes ainsi privés du plaisir de la parcourir parce que nous ne la parcourons pas comme un paysage esthétiquement aménagé, mais comme un paysage qui est tellement sale et tellement dégradé et pollué dans certains quartiers et dans certaines rues qu’à peine est-il encore un paysage. Cette dégradation liée à l’accumulation des détritus rencontre, à cet égard, cette autre pollution de l’espace urbain qui est liée, elle, à l’absence de politique d’entretien du patrimoine architectural. Les maisons ne sont pas entretenues, elles ne sont pas ravalées, les façades des immeubles ne sont pas entretenues – y compris dans le cas d’immeubles historiques. Seuls l’Hôtel-Dieu et l’Hôtel de Ville sont un peu entretenus, mais l’un a vocation à devenir un hôtel et l’autre est tout de même la manifestation monumentale du pouvoir municipal.

 

La violence des ordures sur le fait urbain et sur la citoyenneté

C’est qu’au fond, cette dégradation et cette pollution de l’espace urbain par l’accumulation imprévisible des détritus et des déchets revêtent une signification politique. D’abord, il s’agit d’une manifestation de plus des inégalités sociales dans la ville. En effet, la pollution environnementale sous l’accumulation des ordures se rencontre dans le centre de la ville, mais elle ne se rencontre pas dans les quartiers riches, huppés, du Prado ou de la Corniche. Il s’agit, ainsi, d’une marque de plus des inégalités qui marquent la ville et qui, à terme, menacent son équilibre et sa vie sociale. Par ailleurs, devant une telle dégradation de l’espace urbain et de l’environnement, on ne peut pas adhérer à la citoyenneté. On ne peut pas de reconnaître citoyen de la ville que l’on habite quand elle est à ce point polluée, et, dans ces conditions, c’est l’identité même de la ville qui est menacée. Enfin, cette dégradation de l’espace urbain est une absence de reconnaissance de l’importance de la citoyenneté – j’allais écrire : de la dignité du fait urbain. C’est la citoyenneté même et l’appartenance à la cité qui sont, ainsi, déchues par l’accumulation de ces déchets et des dégradations de l’espace urbain et qui voient, ainsi, menacée la conscience du fait urbain. C’est pourquoi il y a une véritable urgence à ce que les pouvoirs de la ville s’emparent, enfin, de cette question de l’environnement et élaborent une politique de l’entretien de l’espace urbain et la mettent effectivement en œuvre.

Commentaires

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  1. P38 P38

    Merci pour cet article. Depuis bien longtemps, on parle du problème de la propreté, mais c’est bien plus que cela. On fninira par oublier que ce n’est pas normal d’imposer à notre regard la vue de ces immondices en permanence.

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  2. corsaire vert corsaire vert

    Juste analyse .
    Mes amis à qui je fais visiter la ville ou qui l’ont déjà parcourue font tous la même remarque : Marseille est une belle ville mais qu’elle est sale !
    Pour illustrer mon propos , je vous fais part d’un dialogue entendu par hasard dans mon quartier :
    ” Une maman et sa petite fille de 6 ans environ marchent devant devant moi sur un trottoir .
    La petite fille déplie un bonbon et se prépare à jeter le papier .
    La maman :
    – ne jette pas le papier de bonbon par terre il y a une poubelle là devant .
    La petite fille répond :
    – mais maman on est à Marseille !
    La maman… heureusement :
    – ce n’est pas une raison ! ”
    Fin du dialogue, très parlant sur l’ idée que même des enfants bien éduqués ont cette admirable ville.
    Nous constatons que certains médias en font leurs choux gras à coup de clichés parfois, mais cette réalité est hélas bien présente et finit par s’imposer comme la seule image à retenir de Marseille.
    Nous manquons cruellement d’une volonté politique énergique qui mettra fin au règne de la” mafia ordures”.

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  3. LaPlaine _ LaPlaine _

    Quand on connait les rapports quasi intimes entre Gaudin et Rué (FO territoriaux) on a un partie de l’explication. Délégation du service public au syndicat en contrepartie d’une pseudo paix sociale.

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  4. julijo julijo

    Belle analyse sereine d’une violence que nous subissons et « intégrons » tous les jours.
    En effet la citoyenneté, la dignité sont mises à mal dans certains quartiers. Dans le 12e arrondissement (qui n’est pas vraiment un quartier défavorisé) les immondices s’accumulent parfois aux mêmes endroits, parfois ponctuellement sur un bord de trottoir…au gré des passages des piétons ou des voitures qui livrent leurs détritus. De temps en temps le « tas » disparait pour être rapidement reconstitué…
    Les habitudes ont la vie dure et la non-organisation/désorganisation des services concernés font qu’elles perdurent…et qu’elles perdureront longtemps. Faudrait-il utiliser des moyens de contraintes afin que des ordures ne soient plus laissées à l’abandon n’importe où, ou n’importe comment dans des containers déjà saturés.
    Nous voyons tous des gens déposer des trucs un peu partout….la plupart d’entre eux ne le feraient pas si une organisation efficace leur permettrait de s’en débarrasser proprement
    Les camions bennes passent régulièrement, quasi quotidiennement, souvent à grande allure et ne font pas de détail : ils vident les containers, mais laissent les sacs à côté (pas vus ?) Le ramassage des poubelles jaunes…c’est une fois par semaine, pas forcément toutes les semaines… et pareil : on vide les containers, pas les cartons pliés dessus ou à côté, alors que….bref !
    Il faudrait effectivement que nos zélés zélus zincompétents se rendent compte de la situation….la plupart de l’élite du conseil municipal, je parle du maire et des adjoints n’habitent pas les quartiers concernés par ces défaillances, cette violence !! ils ne connaissent pas !!! Ceci expliquant cela… ils en sont à l’aspect théorique du règlement d’un problème concret s’il en est !
    A Marseille depuis plus de 35 ans… ce « marronnier » est insupportable !
    Y compris en lisant l’article, en commentant, je garde l’impression d’enfoncer des portes ouvertes et d’être particulièrement redondant….. Mais il faut en parler, en parler…à bientôt donc, sur ce même sujet !!

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      Et bravo pour les “z”.

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  5. barbapapa barbapapa

    Pour éclairer ces propos, faudra-t-il pour faire une jolie photo organiser des jetages d’immondices dans un village bien propret, par ex Saint Zacharie ?
    Il s’agit d’une galéjade bien sur

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    • Alceste. Alceste.

      Pas besoin d’aller si loin , il suffit simplement de le faire à Mazargues, à Sainte Anne , à Saint Giniez et là vous verrez l’efficacité des services municipaux à enlever les ordures. Il y a des coins plus marseillais que d’autres à Marseille.

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  6. LaPlaine _ LaPlaine _

    Très intéressant cet aspect de la “violence des ordures sur le paysage urbain” ou en tout cas cette forme d’agression que l’on peut ressentir au quotidien dans les rues de la ville, c’est très “perturbant” au fil du temps.

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  7. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Une nuance à apporter à ce point de vue que je partage largement : dire que l’accumulation d’ordures dans le paysage ne concerne que le centre-ville et épargne les “beaux quartiers” me paraît un peu rapide. Si la situation est visuellement moins dégradée dans ces derniers, c’est peut-être dû à un urbanisme moins dense, mais sans doute pas à une meilleure qualité de nettoiement. Il n’est pas besoin de chercher pour tomber, dans n’importe quelle rue de ces quartiers, sur des poubelles qui débordent ou des déchets accumulés dans une encoignure…

    Par delà l’omniprésence des ordures, la dégradation du paysage urbain dû au mauvais entretien du bâti est, comme le souligne à juste titre cette contribution, une autre caractéristique de notre centre-ville. Il s’agit en réalité des deux faces de la même médaille : le laisser-faire, qui résume la gestion municipale. Le Code de la construction et les règles locales d’urbanisme sont purement et simplement “oubliés”, y compris par ceux qui sont chargés de les faire respecter.

    Et c’est dans ce centre-ville que notre nullicipalité veut attirer des touristes : pour leur montrer quoi ?

    Mais attention, après 22 ans d’inaction, ça va changer, et des “règles drastiques” vont bientôt s’appliquer : https://marsactu.fr/le-centre-de-marseille/. Enfin, si on y pense…

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  8. Dark Vador Dark Vador

    Dans un autre commentaire à propos de la propreté, je parlais déjà de “l’Arlésienne” que l’on ne voyait jamais venir. Il y a l’incivilité des Marseillais bien évidemment, il y a aussi l’immobilisme, l’incompétence, le laissez-faire de la municipalité. Avez vous remarqué que le problème du nettoiement, sous toutes les municipalités, est toujours au premier plan? Aucun maire, aussi puissant et énergique soit-il, n’a jamais réussi à contraindre les très nombreux agents dédiés à la propreté à accomplir les tâches pour lesquels ils ont été recrutés… Désarmant constat qui me désole…

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    • Danièle Jeammet Danièle Jeammet

      Ajouter que depuis l’arrivée de JC Gaudin au poste de maire, le service d’hygiène de la mairie ne prend plus en charge la dératisation, si vous appeler pour vous plaindre de rats on vous donne un numéro de téléphone… privé (100 ou 150 €l l’intervention)
      Résultats : 3 fois plus de rats que d’humains à Marseille. La “colonie” est estimée à 2 millions

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      C’est le syndicat majoritaire qui gère “de facto” l’activité des agents y compris à l’Etat Civil (cf article du jour sur les listes électorales). Tant que cette intimité avec l’élu en chef ne sera pas abolie, rien ne changera. Il faudra un jour qu’un élu courageux affronte une grève certainement désastreuse pour dire basta.

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Depuis l’arrivée de Gaudin au poste de maire :
      – la dératisation n’est plus assurée par la ville,
      – le service municipal d’archéologie n’est plus agréé par l’INRAP,
      – le service des bibliothèques a perdu son conservateur d’Etat…

      Le service des voitures de fonction, lui, fonctionne nickel, c’est l’essentiel (à l’exception d’un management par le harcèlement auquel la justice s’intéresse, mais c’est un détail : le cadre mis en cause est “syndiqué” FO). Bref, la ville est “gérée”…

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  9. Zumbi Zumbi

    À quand une enquête (ou un appel de Marsactu à envoyer des photos) sur l’envahissement de l’espace public par les terrasses, très souvent vides au demeurant, qui grignotent année après année les espaces dévolus aux piétons (je peux vous en montrer un tas dans mon quartier), et même à la circulation automobile, ce qui est nouveau ?
    Cela se fait au vu et au su de tout le monde, et on ne pourra dire qu’il est impossible de savoir qui sont les coupables, ils installent tous les jours leur matériel ! Il est impossible de croire que cela se fasse sans une complicité, au moins passive, des responsables des services concernés par la voirie et le commerce urbains. Examinons les délégations au conseil municipal…

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    • Tarama Tarama

      Ça pourrait faire partie de l’agora, une carte participative open street map et/ou google map

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  10. corsaire vert corsaire vert

    bonne idée !

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