Il était une foi dans l’Ouest

Idées de sortie
le 5 Avr 2019
0

Depuis quelques années, dans le sillage cafardeux du fantôme du bandit Jim Younger, Diego Lopez et Polar Younger s’attachent à créer une atmosphère psychédélique propre au voyage intérieur. Sur cette lancée, No Human Tongue Can Tell, le dernier album de Jim Younger’s Spirit, s’inscrit dans la veine dark rock.

Jim Younger
Jim Younger's Spirit- Vincent Besson

Jim Younger's Spirit- Vincent Besson

Petit gars du Missouri, le confédéré Jim Younger rejoignit après la Guerre de Sécession ses frères et ses cousins, dont le fameux Jesse James. Au sein du gang familial, il attaqua banques et trains pour finir en prison. Robin des Bois pour certains, complet gangster selon la loi, sa vie s’acheva par un suicide.  

Comme un peintre qui élabore sa palette, au moment de sa formation en 2012, le groupe adopte le nom d’un personnage qui pose le décor, celui d’un Midwest américain paysan, pauvre, ravagé par une guerre perdue. Ce décor, c’est aussi une tonalité : « Jim Younger fait office de personnage secondaire. Pour nous, c’est une porte ouverte sur un ensemble de sujets autour de sa vie : la guerre de Sécession, le capitalisme, le sort des Amérindiens, l’amour… Il nous permet la construction d’un monde onirique avec ce grand thème en toile de fond, cette Amérique violente. On se nourrit de ça et de lectures, Larry McMurtry et d’autres dans cette veine… Et de cinéma : Dead Man, western noir et blanc, sombre, c’est une influence… » 

Fan du blues et de ce qu’il charrie (pauvreté, amours déçues…), sensible au phrasé country, Polar accroche ses sombres textes aux partitions mid-tempo de Diego. Une affaire de couple, de goût, et de rencontres aussi : celle, fortuite, d’Alex Maas, le chanteur des Black Angels, fait office de détonateur. Diego se souvient : « En 2009, Maas était en vacances dans la région avec un copain. On l’écoutait, mais c’était pas encore très connu. On l’avait vu quelques temps avant au Poste à Galène. Il débarque à Aix par l’intermédiaire d’une amie, à la maison ! Il nous parle du festival qu’il organise avec son groupe à Austin, le Psych Fest (ndlr, devenu le Levitation Festival en 2015). On en a rêvé, Polar et moi, et quand on a eu le temps et l’argent, on est allé à Austin. C’était en 2012. Au milieu du festival, je me suis dit “Voilà, c’est ce que tu as envie de ressentir, c’est ce que tu as envie d’entendre, c’est ce que tu veux être. C’est là.” C’était comme entrer dans un film. »

Le couple se lance alors dans l’aventure Jim Younger’s Spirit, avec Diego à la guitare, et Polar au chant et au saxophone. Rapidement, le duo devient un trio avec l’arrivée d’un bassiste, Kino Frontera. « Ça s’est encore étoffé. Le succès venant, au fil des concerts, les gens nous ont mis la pression pour qu’on revienne vers les standards rock. » De fait, dès le deuxième album, Watonwan River, le batteur Chris Parre et Vincent Maurin à la guitare viennent consolider la formation. 

« On a un public ; c’est une niche, le rock psyché, une fidèle communauté d’esprit. On tourne, on joue très régulièrement. On a fait plus de cent concerts depuis le début, un peu partout en France, avec des premières parties de groupes américains en tournée européenne : The Warlocks, Night Beats, Holy Wave… »

Ils visent désormais l’Europe, l’Espagne, l’Italie… Et colportent leur Western Song et les autres (Death of a Brother, Forgotten Soldiers, The Drowned Boy…) avec cette volonté de parler de ces choses indéfinissables, celles que personne ne saurait exprimer par les mots parce qu’elles relèvent de sensations, d’émotions. La voix douce et ténébreuse de Polar assure le transport hypnotique vers d’autres bases, plus intérieures, tandis que les quatre musiciens enveloppent l’air autour, installant l’auditoire dans une bulle, un vaisseau sous l’égide du Jim Youger’s Spirit : « L’excitation du public, la réaction un peu forte, on aime bien aussi, mais ce n’est pas notre priorité. On veut transporter les gens avec nous. Le temps se dilate, le son devient caoutchouc, pris dans le temps. On aime quand, après un concert, les gens nous disent qu’ils sont partis loin. »

Plus psyché, moins sombre que le précédent, plus abouti dans la prod’ et dans le son, ce troisième album respecte le programme : une transe sans avant et sans après.

Patricia Rouillard

Jim Younger’s Spirit : le 5/04 au Molotov (3 place Paul Cézanne, 6e). Rens. : www.lemolotov.com/

Pour en (sa)voir plushttps://jimyoungersspirit.bandcamp.comf

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire