Gaudin n’était pas Marseille

Billet de blog
le 27 Mai 2024
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Gaudin n’était pas Marseille
Gaudin n’était pas Marseille

Gaudin n’était pas Marseille

Autrefois chaque lundi, la Nouvelle société savante de Marseillologie proposait 2 600 signes sur l’Agora de Marsactu pour évoquer l’actualité politique, économique, sociale ou culturelle de la ville.

Cette semaine, à l’occasion de la mort de Jean-Claude Gaudin, nous ressuscitons cette initiative près de deux ans après sa disparition.

 

La mort de Jean-Claude Gaudin vient donc conclure une séquence marseillologique de grande ampleur et de n’importe quoi : la visite papale de l’automne dernier semble loin, mais on a encore en tête migraineuse, celle du Président de la République de mars dernier. Enfin, l’arrivée en grande pompe de la flamme olympique le 8 mai a de nouveau braqué des projecteurs aveuglants sur la ville.

Et puis Monsieur le maire est mort. On l’apprend d’abord par un communiqué d’Emmanuel Macron et on tique sur cette curieuse formule dont l’auteur a du se montrer fier : « il était Marseille faite homme ». Le lendemain, La Provence dans sa Une fera plus court et moins sobre : « Il était Marseille ». Anonymes des micro-trottoirs ou officiels des plateaux télé, chacun loue la personnalité du défunt, sa truculence et son sens des anecdotes. Voilà donc à quoi ressemble Marseille pour ces gens-là : une truculence et des anecdotes. Le tout, même le pire, dit avec l’accent bien sûr.

Mais Gaudin ne savait pas seulement dire le pire, il pouvait le pratiquer. On n’oubliera pas l’accord « technique » avec le Front National en 1986 qui lui permet de se hisser à la tête du Conseil régional et de nommer trois vice-présidents lépenistes. On n’oubliera pas non plus les « affaires » : emplois fictifs des employés du Samu social et scandale des heures supplémentaires qui se solderont par une procédure de plaider coupable et une condamnation à 10 000 euros d’amende et 6 mois de prison avec sursis, sans compter (si, si, on tient les comptes) les soupçons pour détournement de fonds publics et recel dans l’affaire dite du « gérontogate ».

On n’oubliera pas le 5-novembre. Une date qui n’est pas une « tâche » sur un bilan, comme le répète à l’envi les uns et les autres, mais la traduction logique d’une politique soutenue et sans relâche de négligence, d’incuries et d’incompétences. Sous les décombres, 8 corps et 120 années de mandats cumulés de Gaudin. Et quand la poussière se dissipera, ni maire illustre, ni maire intègre, pas Henri Tasso non plus, mais pas davantage Charles de Casaulx. Juste un vieux Monsieur qui servait ses amis et ne préférait rien d’autre que d’être élu, puis ré-élu.

Quelle bête ironie de la présenter désormais comme le maire synecdoque, cette partie pour le tout : Gaudin, Marseille, même combat ? Pas plus de 200 curieux ont assisté aux funérailles devant la Major. Parce que tout le monde sait depuis longtemps que ce bonhomme, qui paraissait malin et sympathique dans certains médias, n’incarnait pas la ville, tout au plus ses « évolutions et ses drames ». Qu’une fois les habits de maire enlevé, il ne resterait rien, et surtout pas Marseille. Il n’était pas Marseille, parce qu’il n’était pas le Marseille populaire. Il n’était pas Marseille faite homme parce qu’il a œuvré pendant 4 (quatre) mandats et 25 (vingt-cinq) ans pour l’aggravation des inégalités et de la fracture territoriale. Non, Gaudin n’était pas Marseille, et tant mieux.

Illustration : Baf

Commentaires

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  1. julijo julijo

    oui c’est tout à fait ça !

    je crois que votre réflexion : “un vieux Monsieur qui servait ses amis et ne préférait rien d’autre que d’être élu, puis ré-élu.”
    est une des plus réelles que j’ai pu lire.

    je me suis senti agressé tout au long de ces quelques jours, où tout une série de thuriféraires menteurs, hypocrites et blagueurs on déblatéré sur le sujet.

    votre conclusion correspond bien ! bravo.

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Merci pour cette contribution qui remet les choses à l’endroit. Il est habituel de chanter, même hypocritement, les louanges d’un disparu, mais dans ce cas particulier nous avons assisté à une rare outrance.

    Gaudin lui-même, implicitement, se disait l’incarnation de Marseille : quand on osait – quelle impudence ! – critiquer sa politique, ou son absence de politique, il accusait : “vous n’aimez pas Marseille !”

    Mais ne pas aimer un bilan calamiteux, c’est tout le contraire.

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  3. Alceste. Alceste.

    Tout est dit , bien résumé et lucide sur l’action ou plutôt la non action du maire décédé. Sa pratique politique, le copinage et le clientelisme, sans aucune vision ni ambition pour cette ville en abandonnant des pans entiers.
    En revanche vous écrivez :”Il n’était pas Marseille, parce qu’il n’était pas le Marseille populaire” .
    Le Marseille populaire représente quoi ?

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  4. Richard Mouren Richard Mouren

    Merci pour cet excellent billet de la NSSM enrichi de nombreux hyperliens qui nous rafraîchissent la mémoire.

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  5. Félix WEYGAND Félix WEYGAND

    Résumé parfait de ce qu’il faudra retenir de ces 3 décennies de Gaudinie.

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